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Le projet de mine d'or de Dundee Precious Metal se situerait entre les mines historiques de Bor et Majdanpek.  © Adèle Pétret

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La liste citoyenne Unis pour Kosjeric, soutenue par les étudiants, multiplie les tractages à l'approche des élections. © Gabrielle Meton

Raser pour construire du neuf, c'est la méthode choisie par le gouvernement. Quitte à détruire des monuments historiques de la ville, comme le pont Old Sava. Visible depuis la promenade – route piétonne et cyclable de presque deux kilomètres de long – ce pont historique n’est plus. Une équipe d'ouvriers est en train de le démanteler. Reliant les deux rives de Belgrade, le pont Old Sava a pourtant une forte portée symbolique puisqu’en 1944, un professeur nommé Miladin Zarić a risqué sa vie pour sauver l’infrastructure en désamorçant des explosifs placés par les nazis. 

Pour Milica Naumov, militante du mouvement de contestation Most Ostaje, (« Le pont reste »), la démolition du Old Sava n’est pas justifiée. « Le pont était en bon état. Il avait été construit initialement pour durer », s’insurge-t-elle. D’après la version officielle rapportée par les agents immobiliers de Belgrade Waterfront, le Old Sava doit laisser place à un autre pont, flambant neuf. Mais Milica Naumov ne sait pas si elle doit croire cette version : « Le nouveau pont sera apparemment construit l’année prochaine. Mais on ignore s’il sera pour les piétons, les cyclistes, les trams, les voitures…. On ne sait rien. »

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Les étudiants de Kosjeric ont organisé un rassemblement contre la venue de l’ancien Premier ministre et actuel président du Parti progressiste serbe Miloš Vučević. © Gabrielle Meton

En temps normal, « un gouvernement commence quelque chose et fait en sorte que tout soit transparent et durable pour que la structure politique suivante vienne reprendre ce qu'il a commencé. Il s'agit d'une sorte de procédure démocratique qui n'existe malheureusement pas à l'heure actuelle »

De son côté, l'économiste serbe Goran Radosavljević voit dans ce projet une stratégie économique bien pensée : faire construire de grands bâtiments permet d’augmenter le PIB du pays à court terme, mais aussi de gagner de l'argent. « Il n'y a pas eu de marché public et le projet a été confié à une seule entreprise, note le chercheur. Waterfront sert alors probablement de machine à blanchir de l'argent, sans aucun contrôle. Le groupe politique d’opposition Zeleno-Levi Front  (anciennement mouvement civil Ne Davimo Beograd, « Ne laissez pas Belgrade se noyer ») dénonce ce manque de transparence et alerte sur des risques de corruption. « Les accords de construction ont été signés directement auprès des sous-traitants [sans appel d’offres, ndlr], c’est une possibilité énorme de corruption », soutient Zdravko Janković, membre du parti d'opposition.

Jusqu’à 12 000 euros le m2

L’ambition officielle du projet est d’attirer des investisseurs, des touristes et de créer des emplois. « Tout est neuf, le quartier est moderne et dynamique, avec de nouvelles infrastructures et lieux de vie comme des cafés, des restaurants et des boutiques de luxe qui attirent des visiteurs étrangers », témoigne Isidora Jovanović. Cette étudiante dans une faculté privée d'hôtellerie est aussi serveuse au café de l'hôtel St. Régis, au rez-de chaussée de la Tour de Belgrade. L'hôtel de luxe y occupe les onze premiers étages. Les trente autres sont des logements privés et « le dernier devrait être un restaurant ouvert à tous », explique Isidora Jovanović. « La plupart des clients de l’hôtel St. Régis sont Allemands, Russes, Chinois ou Français, ce sont des personnes en vacances ou alors des hommes d’affaires serbes », liste-t-elle.

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Pour Milica Naumov, militante du mouvement de contestation Most Ostaje, la démolition du pont historique Old Sava n'était pas justifiée. © Mélissa Le Roy

« De Loznica à Laznica, nous ne vendrons pas nos mines. » Sur cette affiche accrochée à la rambarde d’un balcon décrépi, une lettre sépare ces deux communes qu’a priori tout différencie. La première, dans l’ouest du pays, est implantée dans une vallée jeune, aux terres agricoles et fertiles. Dans la seconde, en Serbie orientale, les rides de la population se creusent, au même rythme que les mines à ciel ouvert de Majdanpek et Bor qui grignotent les montagnes environnantes. D’un paysage à l’autre, un même fil rouge : des multinationales minières convoitent ces sous-sols.

Dans l'est de la Serbie, les terres de la vallée d’Homolje sont riches en minéraux et pauvres en habitants. En roulant à flanc de coteau, on arrive à Laznica, petite ville de 1 700 âmes. Une société canadienne, Dundee Precious Metals (DPM) y fouille le sol. Depuis avril 2023, DPM a creusé 1 277 trous d’exploration dans un rayon de dix kilomètres autour des villages de Zagubica et de Zdrelo . « Ce sont des forages qui descendent à plusieurs centaines de mètres », explique Ivan Milosaveljević, membre des Gardiens d’Homolje, collectif qui se bat contre le projet aurifère qui devrait voir le jour à l’horizon 2026.

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Isidora Jovanović travaille dans l'hôtel de luxe St Régis, situé dans la Tour de Belgrade. © Mélissa Le Roy

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À Bor, où la mine de cuivre et d'or à ciel ouvert est l'une des plus grande d'Europe, l'espérance de vie y est inférieure de dix ans à la moyenne nationale.  © Adèle Pétret

De part et d'autre de la Serbie, des habitants tentent de résister aux projets miniers de multinationales étrangères. À l'ouest, la lutte contre le lithium rassemble et porte ses fruits. À l'est, les habitants peinent à défendre un des derniers joyaux de biodiversité face à la ruée vers l'or. 

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