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Pas de sages contre la Turquie


18 décembre 2007

Contrairement aux souhaits français, les questions des frontières et de la place de la Turquie ne figurent plus clairement dans le mandat du Groupe de réflexion.

Nicolas Sarkozy avait posé comme condition à la poursuite des pourparlers avec la Turquie la création d’un Comité des sages, destiné à discuter de l’avenir de l’Union européenne à l’horizon 2020-2030, et notamment des frontières de l’Europe. Devenu «Groupe de réflexion indépendant», l’organe a effectivement été créé lors du Conseil européen du 14 décembre. Une création qui a permis d’ouvrir, le 19 décembre, deux nouveaux chapitres des négociations d’adhésion de la Turquie sur «la santé et la protection des consommateurs» et «les réseaux transeuropéens de transport».
Mais son mandat, qui a fait l’objet d’âpres débats entre Etats membres, a été considérablement modifié. Ceux qui, comme la Grande-Bretagne et les pays scandinaves, sont favorables à l’entrée de la Turquie dans l’Union, ont accueilli avec méfiance l’idée du président français : selon eux elle est destinée à bloquer ou à ralentir les négociations d’adhésion. Ils ont fait pression pour réduire le champ de réflexion du groupe d’experts. Celui-ci ne travaillera finalement pas sur les questions institutionnelles et financières mais sur le développement durable, la sécurité internationale, le modèle social européen et la lutte contre le réchauffement climatique. Son président, Felipe Gonzalez, et ses deux vice-présidents, Vaira Vike-Freiberga et Jorma Ollila, nommeront ses membres en mars prochain. Les conclusions du groupe seront rendues en juin 2010.

Des sons de cloches dissonants

Les sages examineront «la meilleure manière d’œuvrer pour la stabilité et la prospérité aussi bien de l’Union que de la région qui l’entoure» (Conclusions du Conseil européen du 14 décembre 2007).
Si la question des frontières n’est pas clairement mentionnée, le mandat reste suffisamment flou pour ne pas l’exclure complètement, comme le souligne Marine de Carné, porte-parole de la Représentation permanente française à Bruxelles : «Le travail du groupe portera sur les finalités de l’Union européenne; le débat sur les frontières sera forcément inclu», explique-t-elle. Même son de cloche chez Angela Merkel : la chancelière allemande considère que «la politique de voisinage fait naturellement partie du mandat». Gordon Brown s’est au contraire félicité de l’absence des questions sur l’élargissement dans le mandat du groupe. Des interprétations pour le moins divergentes.

Bataille sémantique

Pour le moment, sur les 35 chapitres que comptent les négociations d’adhésion, quatre ont été ouverts -«entreprise et industrie», «statistiques», «contrôle financier» et «science et recherche». Un seul a été bouclé -«science et recherche»- depuis l’officialisation de la candidature turque, en octobre 2005. En décembre 2006, Bruxelles a suspendu huit autres chapitres en raison du refus d’Ankara d’ouvrir à Chypre ses ports maritimes et aériens : «libre circulation des marchandises», «droit d’établissement et libre prestation de services», «services financiers», «agriculture et développement rural», «pêche», «politique des transports», «union douanière» et «relations extérieures». Enfin, la France s’oppose à l’ouverture des cinq autres chapitres impliquant directement l’adhésion de la Turquie, comme la politique économique et monétaire, le budget ou les institutions.
«La position de la France n’a pas changé, affirme Marine de Carné. Nous pensons toujours que la Turquie n’a pas sa place en Europe». Cette position explique la bataille sémantique à laquelle s’est livrée la France et à laquelle les 27 ont cédé pour ne pas voir l’ouverture des nouveaux chapitres reportée à 2008. Ainsi, les prochaines sessions de négociation ne seront plus désignées par l’appellation usuelle «conférences d’adhésion», mais par celle, moins explicite, de «conférences intergouvernementales». Cette guerre des mots a provoqué le courroux d’Ankara . Dans un communiqué, le porte-parole du ministère turc des Affaires étrangères a exprimé son «sérieux mécontentement» et a déploré, sans nommer la France, «la position d’un pays membre qui ne fait pas preuve de compréhension».

Dave Kouliche à Strasbourg

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