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Un vice-président destitué pour avoir insulté une compatriote


08 février 2018

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Ryszard Czarnecki (275) dans l'hémicycle, quelques minutes avant sa démission forcée du poste de vice-président du Parlement européen. ©Juliette Vilrobe

Le Polonais Ryszard Czarnecki (ECR, souverainistes) a été destitué de son poste de vice-président, mercredi au Parlement européen, après avoir insulté l’eurodéputée Róza Thun. Une première dans l’histoire de l’institution.

C’est une première depuis l’instauration en 2009 du poste de vice-président au Parlement européen. Ryszard Czarnecki, membre des Conservateurs et réformistes européens (ECR, souverainistes), a été contraint mercredi de quitter son poste. Sur les 673 députés présents, 447 ont voté pour sa destitution, 196 ont voté contre. Le Polonais a été « démissionné » pour « fautes graves ». Il a payé cher d’avoir comparé sur le site Niezalezna.pl l’eurodéputée polonaise Róza Thun (PPE, centre-droit) aux Szmalcowniks, groupes polonais qui collaboraient avec les nazis. Thun avait fait part de sa préoccupation sur l’état de la démocratie aujourd’hui en Pologne, dans un documentaire diffusé sur Arte.

Mails et tracts pour influencer le vote

En début de semaine, Czarnecki a pourtant tout tenté pour essayer d’inverser la tendance. Dans un mail envoyé lundi à des centaines d’eurodéputés dans les 24 langues de l’Union européenne, que Cuej.info a pu consulter, Ryszard Czarnecki a tenté de se redonner une bonne image. « En tant que vice-président du Parlement européen, j’ai traité tous les députés, provenant de tous les partis, avec le même respect, en garantissant la liberté de parole et sans couper le micro en pleine phrase des intervenants – parce que je suis en faveur du pluralisme politique. J’ai également protégé le pluralisme linguistique, en essayant de m’adresser à chaque membre dans sa langue maternelle – vous l’avez entendu plusieurs fois ! » Mercredi, le Polonais a fait distribuer des tracts dans les bureaux des parlementaires à l’exception de ceux du PPE, initiateur de la demande de destitution. 

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Le tract distribué aux eurodéputés avant le vote. ©Quentin Monaton

A 55 ans, Ryszard Czarnecki n’avait jamais été inquiété politiquement avant cet incident. Cet ancien journaliste, député et ministre est élu au Parlement européen depuis 2004. Il est l’un des membres les plus influents du parti Droit et Justice (PiS, eurosceptique et conservateur), au pouvoir à Varsovie. Désormais ex-vice-président européen, il a déclaré mercredi à la télévision polonaise avoir « la conscience tranquille » et qu’il continuera à remplir son travail au service de son  pays. Quant à Róza Thun, elle est l’une des figures majeures de l’opposition polonaise au sein du parti PO (Plateforme civique, centre-droit). Elle affirme que, malgré des conflits récurrents, « c’est la première fois que de tels mots sont employés ».

Socialistes et Verts au soutien du PPE

Dans la semaine, les eurodéputés de tous bords ont multiplié les déclarations de soutien à Róza Thun. « L’Union européenne a été fondée pour rejeter le nazisme, la guerre et pour avoir un voisinage pacifique, a rappelé le président par intérim du groupe S&D (socialistes et démocrates), Udo Bullman. On ne peut pas tolérer d’avoir une terminologie nazie de la part des titulaires des plus hautes fonctions. » Philippe Lamberts, co-président des Verts, a reproché que, si « dans cet hémicycle tous les élus ici sont dignes de respect, lui n’a pas été à la hauteur ».

Dans l’attente d’un nouveau vice-président

Ryzard Czarnecki ne fait donc plus partie des quatorze vice-présidents. En revanche, il ne perd pas son mandat d’eurodéputé et pourra toujours siéger dans l’hémicycle. Son remplaçant sera élu lors de la prochaine session plénière, du 12 au 15 mars.

Le futur élu sera un membre de l’ECR, comme Czarnecki. « J’aurais aimé que le groupe ECR retire de lui-même M.Czarnecki de son poste de vice-président, indique le socialiste Udo Bullmann. Mais il n’y a pas de conflit. Nous sommes prêts à voter pour un autre candidat ECR. » Même son de cloche chez Manfred Weber, président du groupe PPE, qui a tenu à souligner que « ce n’est pas une mesure contre la Pologne ou le PiS. Il s’agit uniquement du comportement d’un individu ».

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L'eurodéputée polonaise Róza Thun, vicitime des insultes de M.Czarnecki. ©Emilie Sizarols

 

Róza Thun a assuré à Cuej.info ne pas avoir été touchée personnellement : « Je ne réagis pas directement. Je ne peux pas me mettre à son niveau dans ce débat. Je regrette qu’il n’y ait pas eu d’excuses de sa part. Mais ce n’est pas le plus important. Ce qui l’est, c’est que tout cela se soit passé dans l’espace public. » En attendant l’élection, Róza Thun a décidé de porter plainte contre M.Czarnecki.

Thibaut Martinez-Delcayrou et Quentin Monaton

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