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« On voit des étudiants arriver en pleurs à la réception, confie Charlyne, réceptionniste dans l’auberge de jeunesse The people’s hostel, dans le quartier de la Krutenau. Ça fait quatre ans que je travaille à Strasbourg et c’est la première fois que je vois autant d’étudiants en galère. » L’auberge, qui a ouvert fin mai, s’est adaptée à la situation. « On fait une petite ristourne. On permet d’allonger les séjours, ce qu’on ne fait pas d’habitude. Où ces étudiants auraient-ils dormi si on avait pas ouvert ? »
Dans cette auberge, les étudiants occupent un tiers des dortoirs. Parmi eux, Julien, étudiant à l’école de journalisme de Strasbourg. Le jeune homme originaire du Mans, n’a pas eu l’occasion de traverser la France pour chercher un logement, à cause de son job d’été. Après un faux plan et malgré ses recherches à distance, le grand blond s’est retrouvé sans appartement le jour de sa rentrée. « La situation la plus économique, c’était l’auberge de jeunesse. Alors, je dors dans un dortoir avec sept personnes. » Ses soirées, Julien les consacre à la recherche de la perle rare. Depuis la rentrée, il a déjà fait dix visites d’appartement. Avec son budget de 650 euros pour un meublé, l’offre n’est pas pour autant plus importante. « En arrivant ici, je pensais que ça allait se décanter assez rapidement ! », ajoute Julien.
Les agences immobilières débordées
Elina, étudiante en master d'enseignement et d’éducation, est également en recherche active de logement. La jeune femme admet qu’elle ne s’y est pas prise à l’avance dans ses recherches, mais elle pensait trouver plus facilement. « Je voulais faire une colocation mais j'ai l'impression que c’est encore plus compliqué. Je me suis donc rabattue sur un appartement seule. » Elle doit parfois faire face à des annulations de visite 30 minutes avant qu’elle ait lieu car le logement était déjà loué.
Pour une raison simple, comme l’explique Patrick Woelffel, responsable des locations à l’Immobilière du Rhin : « Pour un appartement mis en ligne mercredi 8 septembre dans l’après-midi : 30 appels et douze visites prévues. J’ai dû retirer l’annonce le lendemain matin. » Il rappelle que cette période critique a toujours existé mais que « depuis deux, trois ans, cette période est encore plus critique. Cela arrive plus tôt et dure plus longtemps ». Même son de cloche chez Javier Demongeot, chargé de location chez Immoval, agence située avenue de la paix : « Il y a une hausse des demandes, surtout un boom fin août-début septembre alors qu’on a plus beaucoup d'offres. Avant le Covid-19, il y avait surtout de la demande de fin juin à fin août et quelques retardataires en septembre. »
Pourquoi une telle tension ? Pour Javier Demongeot, « la réponse tardive des écoles » y est pour beaucoup. Jean-Marie, qui s’occupe de la gestion des logements dans les résidences Les Relais des étudiants, évoque, lui, un «« effet covid » inversé, lié à la reprise en présentiel ». Emilie, à l’accueil du Crous Paul Appell, rappelle, de son côté, qu’il y a « des affectations tardives de Parcoursup ». En dix ans, le nombre d’étudiants a grandement augmenté dans la capitale européenne. En 2011, ils étaient 54 000 contre 67 000 aujourd’hui.
Résultat des courses : certains étudiants doivent s’excentrer pour trouver un appartement. « Au début, ils cherchent à la Krutenau, puis ça se déporte vers Esplanade et après vers des quartiers plus périphériques comme Montagne Verte ou même à Illkirch », souligne Patrick Woelffel.
Des solutions d’urgence
Lorsque des propriétaires reçoivent entre 100 et 200 appels pour leurs biens, les étudiants doivent s’armer de patience et trouver d’autres solutions. Au Crous Paul Appell, Emilie explique que les étudiants sans logement sont redirigés vers des sites comme Strasbourg aime ses étudiant-es qui regroupe des offres de logements seuls, de colocation ou de cohabitation avec des personnes âgées ou vers le site de location Lokaviz. Mais combien sont-ils d’étudiants dans ce cas-là ? Le Crous n’a pas su répondre.
L’Association fédérative générale des étudiants de Strasbourg (Afges) propose 30 chambres d’hôtels pour loger en urgence des étudiants précaires, sans connaissance dans la région, qui recherchent un appartement. Actuellement, une seule chambre est vacante. Depuis le 23 août, l’association a reçu plus de 250 demandes, « beaucoup plus que d’habitude », souligne sa présidente, Léa Santerre. Cette aide d’urgence ne peut pas être réservée à l’avance et dure dix jours maximum, le temps d’espérer trouver un appartement.
L’université et l’Eurométropole tentent de répondre à cette crise du logement. Elles ont mis en place, depuis 2018, d’un Observatoire territorial du logement étudiant en Alsace, en partenariat avec le Crous et l’Agence de développement et d’urbanisme de l’agglomération strasbourgeoise. Un travail d’identification des logements étudiants vacants est également mené par la faculté. Une initiative visiblement insuffisante car le 9 septembre de nombreux étudiants restent encore sans logement.
Camille Bluteau, Éléonore Disdero et Séverine Floch
Entre 2010 et 2016, le nombre de femmes n'utilisant aucune contraception a diminué drastiquement. Lors de son intervention, Olivier Véran a néanmoins évoqué un « recul de la contraception chez un certain nombre de jeunes femmes », avec comme premier motif, « un renoncement pour raisons financières ». Aucun chiffre n'a été avancé par le ministre.
Elia Ducoulombier
Cette année, encore plus que d’habitude, le marché immobilier pour les étudiants est tendu dans toute la France. Strasbourg, avec ses 67 000 étudiants, n’y échappe pas.
Il règne une ambiance de fin du monde à l'usine Knorr de Duppigheim, l’atmosphère d’une page qui se tourne. Peu de mouvement au poste de sécurité. Un camion attend paresseusement l’autorisation pour rentrer dans l’entreprise. Le bruit de fond est bien moins fort que prévu. La majeure partie des machines est désormais à l'arrêt. L'entreprise ne produit plus que des soupes déshydratées, faisant encore chuter la quantité produite par le site. L'usine semble presque figée, dans un entre-deux.
Sous un ciel gris, les temps des grèves et du sit-in semblent loin. Depuis que le géant de l’agroalimentaire anglo-néerlandais Unilever a signé les accords de départs (officiellement nommés PSE, Plan de sauvegarde de l’emploi) avec les syndicats début août, la rébellion a cédé la place à la résignation. Les ouvriers ont repris le travail. Ils attendent désormais leur dernier jour de contrat.
Baisse des ventes ou délocalisation déguisée?
La direction va délocaliser en Pologne et en Roumanie. Dans un communiqué, l’entreprise rappelait que l’usine ne tournait qu’à 40% de ses capacités depuis plusieurs années. Si Unilever invoque la baisse des ventes, (-23% en cinq ans) et la concurrence des soupes faites maison, les syndicats répliquent en dénonçant une « délocalisation déguisée » . L’argument économique passe mal, alors que le géant de l’agroalimentaire a fait 5,6 milliards d’euros de bénéfice en 2020. Le combat n'aura pas abouti mais l'empreinte laissée par les grèves successives des 261 salariés demeure.
Des croix imprimées sur des feuilles flottent au vent, accrochées au grillage. Toutes indiquent la même inscription : « 1983-2021 » . Abîmées par les intempéries, personne n'a pris la peine de les changer depuis plusieurs semaines. Le temps des revendications est bel et bien révolu. Collées à une fenêtre, des lettres rouges forment une phrase lapidaire : « Unilever tue l'emploi » . Autant de symboles de la colère et du sentiment de trahison ressentis par les ouvriers. Dans ce cadre, le panneau à l'entrée souhaitant la bienvenue paraît presque incongru.
Des années au service de Knorr
Derrière l'entreprise, quelques ouvriers prennent leur pause sur le parking. Assis sur les bancs installés à la va-vite, ils portent tous le badge et les chaussures de sécurité réglementaires. C'est là qu'ils discutent, décompressent pour un instant. Les quelques rires entendus ne dérident pas des visages soucieux. Ils attendent, toute la sainte journée. Des pauses cigarettes qui s’éternisent et des cafés qui s'enchaînent, au goût d’amertume.
Les employés ne cachent pas leur appréhension de laisser derrière eux deux à trois dizaines d’années aspirées par l’entreprise. Depuis son installation dans la commune en 1983, l’entreprise a créé des liens. Des bandes d’amis, mais aussi des couples et des familles. Les ouvriers ont grandi ensemble, au rythme des ⅜ et des productions de soupe. Knorr ne représente pas seulement un travail, mais aussi beaucoup de souvenirs.
Rêver à d'autres projets
L’avenir est incertain pour la majeure partie des ouvriers, en particulier les plus âgés. Que faire, une fois la cinquantaine passée ? Si Unilever a proposé plus de 80 postes en reclassement, ils ne peuvent pas tous y prétendre. Les autres ont bénéficié d’indemnités de licenciement : de 35 000 à 150 000 euros par personne, ajoutés à un budget de formation de 6 000 à 12 000 euros par salarié.
Alors ils se prennent à rêver à un autre projet, voire le mettre en œuvre, maintenant qu’ils doivent « renoncer à la facilité du CDI » . Reprise des études, reconversion professionnelle… Les gilets oranges brillent une dernière fois dans la grisaille, avant que les ouvriers ne rentrent reprendre leur poste. Une journée qui se répètera encore et encore, jusqu’au clap de fin début octobre.
Leïna Magne