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Le pacte budgétaire, adopté dans la nuit du 8 décembre 2011, lors de la réunion du Conseil européen, semble dessiner une Europe à 26, qui exclurait le Royaume-Uni. Nicolas Sarkozy l'a déclaré dans un entretien au Monde le 12 décembre, «il existe désormais deux Europe». La réalité paraît plus complexe.
Pas question pour le Royaume-Uni de prendre part à ce pacte, a annoncé son Premier ministre, David Cameron. Ce veto interdit de passer par la voie d'une révision du traité de Lisbonne. C'est un coup d'éclat pour le leader conservateur. Et les Britanniques semblent s'en réjouir. Selon un sondage paru dans le Times, 57% d'entre eux lui donnent raison contre seulement 14%. David Nuttall, député conservateur, qui a initié en octobre une motion en faveur d'un référendum sur la présence du Royaume-Uni au sein de l'Union européenne, souhaite aller plus loin encore : «Personnellement, je voterais pour quitter l’UE. C’est une organisation bureaucratique qui alourdit les règles et favorise la régulation.»
Un point de vue sans doute marginal, d'autant que David Cameron, et une bonne partie de la City, tiennent à l'Union européenne et à son marché unique, malgré leur volonté de se tenir à l'écart de toute intégration supplémentaire. Le Royaume-Uni, s'il s'insularise encore un peu plus, maintient de solides ponts avec le continent. Le schéma de 26 pays soudés qui feraient front contre une «Perfide Albion» isolée est erroné. L'Irlande, par exemple, se sent particulièrement mal à l'aise dans ce découpage, car les Britanniques sont pour elle des partenaires économiques et politiques essentiels. La ministre irlandaise des Affaires européennes, Lucinda Creighton, l'a déclaré à Paris le 14 décembre: son gouvernement est «profondément inquiet de devoir poursuivre le projet européen à 26». L'irlande, a-telle ajouté a «une préférence absolue pour un traité à 27.»
L'annonce inattendue d'un pacte budgétaire à 26 témoigne d'une volonté de serrer les rangs face à l'urgence. Il prévoit une plus grande discipline au sein des 17 de l'eurozone en instaurant le principe de la règle d'or. Cette nuit du 8 décembre, 9 autres chefs de gouvernements ont semblé accepter l'idée d'abandonner une partie de leur souveraineté pour faire front ensemble. Mais le vernis de la cohésion affichée se craquelle déjà. Certains doivent attendre un vote de leur parlement pour s'engager. Deux pays ont demandé un délai de réflexion avant d'envisager de signer : la Suède (dont 80% des habitants sont contre un passage à l'euro, selon un sondage) et la République tchèque, dont le Premier ministre Petr Necas a déclaré : «Il ne sert à rien de se prononcer définitivement sur un texte tant que la page est encore blanche.»
Flou sur le contenu, et sur le degré d'implication qu'il exigera de chacun mais aussi flou juridique sur la forme d'un accord politique dont on ne sait pas très bien comment il répartira les rôles entre institutions européennes et arrangements intergouvernementaux . En Finlande, par exemple, le grand comité, qui s'occupe au Parlement des questions européennes, a estimé que le Premier ministre avait outrepassé son mandat en s'engageant dans ce projet sans demander l'avis des députés. Le Parlement a toutefois réaffirmé son soutien au gouvernement finlandais, lors d'un vote de confiance, le 14 décembre.
Après le directeur de la New-York Stock Exchange, c'est au tour de Thierry Philipponnat, le directeur de Finance Watch, lobby de contre-expertise financière, d'être auditionné par la commission des affaires économiques du Parlement européen, le 5 décembre dernier. Il expose son point de vue sur les infrastructures de marché, les instruments financiers et surtout le trading à haute fréquence, sujets de la directive européenne Mifid. Quel est ce nouveau venu sur la planète de la régulation financière ?
L'histoire de Finance Watch débute en 2010, quand les plans de sauvetage, les réformes de la régulation financière et les nouvelles phases de crise rythment la vie européenne. Confrontés au zèle des lobbies de l'industrie financière dans le secteur, des députés de la commission des affaires économiques et monétaires, tous partis confondus, prennent conscience qu'il n'y a aucun contre-pouvoir intellectuel dans ce secteur trop complexe. Les français Pascal Canfin, député des Verts, Jean Paul Gauzès, du PPE, Pervenches Bérès, du PSE, Sylvie Goulard de l'ALDE, ou encore l'allemand Jürgen Klute de la GUE font partie des initiateurs de l'appel de juin 2010 pour un « Greenpeace de la finance ». L'objectif : présenter des positions alternatives sur la régulation bancaire qui défendent l'intérêt général.
Un agenda calqué sur celui de la régulation financière
Inauguré en avril 2011 grâce aux fonds récoltés par des députés, Finance Watch est désormais financé par les dons de fondations, d'ONG, de syndicats, d'associations de consommateurs... Véritablement à l'oeuvre depuis quelques mois, les sept salariés de Finance Watch se veulent indépendants des industries, mais aussi des députés et des associations à l'initiative du contre-lobby. Ses membres proviennent tous du secteur bancaire, mais refusent de révéler leur salaire. Le conseil d'administration de Finance Watch est composé de six représentants des associations qui l'ont créé, et de trois experts. Le budget du contre-lobby s'élève à 1 million d'euro par an, une goutte d'eau par rapport aux 400 millions d'euros que dépensent chaque année les lobbies de l'industrie financière.
L'agenda de Finance Watch se calque sur les gros dossiers en cours sur la régulation financière européenne. « Il y a un programme de législation et les institutions européennes s'attendent à ce qu'on prenne position. Nous devons donc choisir stratégiquement un certain nombre de dossiers sur lesquels on veut s'engager », explique Greg Ford chargé de communication de Finance Watch. Pour l'année 2012, CRD IV (fonds propres réglementaires IV) est le plus gros dossier : 700 pages de directive et de règlement à étudier. Au programme également, Mifid, le petit nom de la directive sur les marchés d'instruments financiers, le dossier sur les infrastructures de marché (EMIR), sur la gestion de crise, le fonds de résolution des banques et le dossier des produits d'investissement de détail (PRIPS).
« Parler le même langage que les régulateurs »
Finance Watch prend aussi des initiatives, indépendamment de l'agenda institutionnel. Elles consistent à étudier des dossiers qui ne font pas encore l'objet de législation mais qui présentent un intérêt public. « Par exemple, le dossier des Too Big To Fail, ces banques trop grosses pour faire faillite », poursuit Greg Ford. Pour élaborer ses positions, Finance Watch réunit un groupe de travail composé pour l'instant de 54 membres représentant différentes catégories de la société civile.
29 octobre 2009 : George Papandréou, nouveau premier ministre grec, annonce aux chefs d'État et de gouvernement que le déficit public de 6% du PIB affiché par le gouvernement précédent sera en réalité de 12,7%. Les taux d'intérêt sur la dette grecque grimpent soudainement.
25-26 mars 2010 : L'eurozone et le Fonds monétaire international s'entendent sur le principe d'un mécanisme bilatéral d'aide financière à la Grèce, à rembourser sur trois ans, en échange de sévères mesures d'austérité. La Grèce reste maîtresse d'y recourir ou non. Les 17 demandent au président Van Rompuy de réflechir à la consolidation de la gouvernance de la zone euro.
7 mai 2010: Le 23 avril, le premier ministre grec a fait appel au plan d'aide, qui totalise 110 milliards d'euros. Les Seize autres gouvernements de l'Eurozone s'engagent ce 7 mai à lui verser la première tranche avant le 19 mai. Ils décident aussi de mettre en place un mécanisme communautaire d'intervention, au cas ou d'autres pays se trouveraient en difficulté et d'envisager le mois suivant des mesures supplémentaires. Le 9 mai, les taux grecs explosent, entraînant avec eux les taux irlandais et portugais. Réunis dans la nuit du 9 au 10 mai, les ministres des finances des 17 annoncent la création temporaire, à côté du mécanisme communautaire, d'un fond européen de stabilité financière propre à l'eurozone. L'enveloppe globale disponible, en comptant la participation du FMI, s'élèvera à 750 milliards d'euros. Le 10 mai, la Banque centrale européene (BCE) intervient pour la première fois sur le marché secondaire des bons du trésor grecs.
17 juin 2010 : Gouvernance, surveillance, discipline, taxation, stress tests sont au menu. Trois jours après que Moddys ait dégradé la dette grecque au rang d'obligation toxique, le Conseil européen tient à faire la démonstration que ses banques se portent bien
28 octobre 2010 : Malgré l'opposition de Jean Claude Trichet, président de la BCE, les 17 adoptent le principe d'une mise à contribution du secteur privé en cas de restructuration de la dette publique (PSI). Les taux d'intérêt irlandais s'envolent. Un mois plus tard, le pays doit faire appel à un plan de secours.
Europe à 28
Le traité d'adhésion de la Croatie, préalable à son entrée dans l'UE au 1er juillet 2013. A ce traité sont annexés deux protocoles, arrachés par l'Irlande et le président de la République Tchèque en échange de leur feu vert au traité de Lisbonne. La première s'assure que sa fiscalité et sa neutralité militaire resteront hors d'atteinte, tout comme l'interdiction constitutionnelle de l'avortement qui prévaut dans le pays. De son côté, Prague fait recenser des clauses d'exemption de la Charte des droits fondamentaux, censées la protéger contre une revendication des Allemands expulsés des Sudètes en 1945 par les décrets Benes.
Europe à 27
Le traité de Lisbonne : un nouveau paragraphe va être ajouté à l'article 136. Il contourne l'interdiction de toute solidarité budgétaire entre les Etats de la zone euro, si celle-ci est menacée dans son ensemble. Sans cette modification, la mise en place du Mécanisme européen de stabilité (MES) serait sans objet. Sa ratification à l'unanimité à 27 est obligatoire, même si le MES ne concerne que la zone euro. Une occasion rêvée pour un pays extérieur à celle-ci d'obtenir des avantages en échange de son assentiment.
Europe à 26 ou moins
L'accord intergouvernemental sur l'Union économique renforcée. Les signataires de la déclaration faite le 9 décembre ignoraient son contenu. Il devrait être écrit et signé par les 17 Etats membres de la zone euro d'ici au mois de mars, et sans doute encore plus tôt. Neuf autres pays pourraient se joindre au processus, même si certains d'entre eux, comme la République Tchèque et la Suède, ont déjà prévenu qu'ils attendaient que le contenu soit précisé pour prendre leur décision. Cette convention, inspirée du modèle de Schengen, devrait au moins contenir le précepte du frein à la dette. Ce qui pourrait poser problème à l'Irlande. Si elle doit changer sa constitution pour y inscrire ce principe, elle sera obligé d'organiser un référendum. Elle prévoiera également un mécanisme d'information mutuel sur les pogrammes d'émissions de dette publique. Enfin, pour accélérer son entré en vigueur, celle-ci pourrait ne nécessiter que 9 signataires, soit la moitié des membres de l'Eurozone.
Europe à 17
Le traité sur le Mécanisme Européen de Stabilité financière : ce traité international pourra entrer en vigueur lorsque les Etats membres représentant 90% des engagements en capital l'auront ratifié. Ainsi, seules les ratifications de l'Allemagne, la France, l'Espagne et l'Italie sont incontournables, chacun des autres pays représentant moins de 10%. L'accord sur le contenu du traité, qui vient d'ête modifié, est le résultat d'âpres négociations, et l'incertitude demeure sur son accueil par le Parlement allemand.
Marion Garreau
Le documentaire «Debtocracy» d'Aris Hatzistefanou analyse les causes de la crise grecque et avance des solutions. Depuis sa publication sur internet, le film d'une heure et quart est devenu un véritable phénomène de société. Eric Toussaint y explique comment la dette de l'Équateur a pu être réduite de 70% (à partir de la 42ème minute).