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Règle d'or en France ou Schuldenbremse (frein à l'endettement) en Allemagne, quelle que soit sa déclinaison, le thème d'une règle de discipine budgétaire inscrite au « niveau constitutionnel ou équivalent » dans les pays de la zone euro a été maintes fois évoquée cette année.
A l'issue du Conseil européen des 8 et 9 décembre à Bruxelles, les chefs d'Etat ou de gouvernement de la zone euro ont réglé la question : ils se sont engagés pour de nouvelles contraintes budgétaires communes, une règle d'or au niveau de l'eurozone. Les principes fondamentaux de ce nouveau pacte budgétaire, qui impliquent des réformes de fond, ont été définis.
Les budgets des administrations publiques de chaque Etat devront être « à l'équilibre ou en excédent ». Les chefs de gouvernement ou d'Etats considèrent que ce principe est respecté si le « déficit structurel annuel n'excède pas 0,5% du PIB » de chaque pays. Concrètement, les parlements nationaux devront proposer un budget avec un déficit inférieur à 0,5% avant de le voter. Ce qui est loin d'être le cas. L'augmentation de la dette des pays de la zone euro en est d'ailleurs la conséquence.
Ce nouveau pacte budgétaire de la zone euro fera l'objet d'une directive de la Commission européenne. La directive devra ensuite être transposée au niveau national. En cas de litige sur cette transposition, chaque État partie à l'accord intergouvernemental pourra saisir la Cour européenne de justice, basée au Luxembourg, dont le jugement sera contraignant. Ce qui pourait avoir la conséquence étonnante que la Cour de justice puisse demander à un Etat membre de reviser sa constitution... De leur côté, les cours nationales devront en surveiller l'application. En France vraisemblablement, ce sera le Conseil constitutionnel qui aura la charge de cette vérification, comme pour toute question constitutionnelle.
S'il y a des écarts, la déclaration des chefs d'Etat et de gouvernement de la zone euro publiée le 9 décembre prévoit qu'une « correction automatique sera déclenchée ». Les modalités de cette correction devront donc avoir été prévues à l'avance. Cet ajustement des budgets sera réalisé par les autorités nationales.
En 2010, le déficit de la France était de 7,1% du PIB. D'après les prévisions du gouvernement, il sera ramené à 5,7 % en 2011 à 110 milliards d'euros. La loi des finances pour 2012 devrait prévoir un déficit public de 4,5 % en 2012, donc une économie de 22 milliards d'euros.
On est encore loin du 0,5% qui doit être atteint et qui représente une centaine de milliards d'économies supplémentaires par rapport à 2011. Pour parvenir progressivement à un budget aussi serré, les Etats membres suivront un « calendrier proposé par la Commission ». Dans un premier temps, il faut que les pays règlent leur dette et recollent aux critères de Maastricht. Actuellement, 23 pays de l'UE sur les 27 sont engagés dans une telle procédure. La Commission et le Conseil européen surveilleront « la mise en œuvre du programme et les plans budgétaires annuels ».
A Maastricht, en 1997, les pays de l'Union européenne avaient signé le Pacte de stabilité et de croissance, qui les engageaient à limiter le déficit public annuel à 3% du PIB et la dette publique à 60% du PIB. Ces engagements n'ont pas empêché les Etats de l'UE d'engranger des déficits et des dettes importantes. Dans sa loi de frein à l'endettement, l'Allemagne prévoit d'ailleurs qu'en cas de « situation d'urgence exceptionnelle qui échappe au contrôle de l'Etat et compromette les finances publiques » la loi peut être outrepassée « sur décision de la majorité des membres du Bundestag », le Parlement allemand. La règle d'or adoptée par l'Espagne cette année possède le même type de dérogation.
Il faudra maintenant attendre de voir à quel point cette règle d'or de la zone euro est contraignante et si elle empêchera réellement les pays de s'endetter.
Jeanne Richard
Les « dark pools » sont dans le collimateur de la Commission européenne. Le projet de révision de la directive concernant les marchés d’instruments financiers (MIF) entend faire la lumière sur ces plateformes de négociation opaques, sorte de système alternatifs aux grandes bourses réglementées. C’est pourtant la transposition de la directive MIF qui a permis, en 2007, l’apparition de ces plateformes en Europe.
Le terme « dark pool » recouvre en fait plusieurs types de systèmes informatisés d’échanges réservés aux investisseurs institutionnels opérant sans « transparence pré-négociation ». Explications : sur une plateforme de négociation classique, les ordres de bourses (achat ou vente) sont publics. Ces ordres, qui représentent l’offre et la demande, contribuent à la formation du prix d’une action. Les émetteurs d’ordres sont connus. Il y a « transparence pré-négociation ». Dans les dark pools, cette transparence n’existe pas. Autrement dit, les ordres ne sont pas publics et les acteurs sont anonymes. Les acheteurs et les vendeurs sont mis en relation directement par l’opérateur de la Dark pool, qui est le seul à détenir les informations sur l’offre et la demande.
2 à 5 % des échanges en Europe
Deux types de dark pools se distinguent alors: les plateformes « prix de référence » et les « crossing networks ». Pour les premières, le prix est « importé » des plateformes transparentes, il est connu à l’avance. Dans les secondes, les acteurs s’échangent des actions à un prix qui est déterminé entre eux grâce à l’intermédiaire de l’opérateur de la dark pool qui les met en relation. Contrairement aux dark pools « prix de référence », les crossing networks, n’ont pas de véritable statut au regard de la directive MIF de 2007. Ce sont des plateformes qui organisent des échanges de « gré à gré », c’est à dire des transactions qui sont passées directement du vendeur à l’acheteur. « En matière de négociation, hormis la fin des monopoles, c’est la seule chose qui a changé avec la directive MIF. Les échanges de gré à gré ont toujours existé mais aujourd’hui, ils sont organisés sur des plateformes», explique Marc Salvat, consultant et formateur chez First Finance.
Les transactions sur les dark pools concernent majoritairement de gros volumes d’actions. Elles ne sont publiques qu’après avoir eu lieu. L’objectif des dark pools est d’éviter que l’émission d’un ordre ait un impact sur les prix. Par exemple, un acteur va utiliser une dark pool s’il veut vendre massivement des actions sans que le prix de celle-ci ne chute.
Dans la plupart des cas, les dark pools sont opérés soit par des banques, soit par les bourses traditionnelles. Il n’existe pas à ce jour de chiffres clairs sur les volumes d’actions échangés. Ces chiffres varient d’un mois à l’autre. En Europe, les estimations varient de 2 à 5% du total des actions échangées. Le phénomène est beaucoup plus développé aux Etats-Unis, les estimations varient de 10 à 15%. Ce qui est certain, c’est que les volumes échangés sur les dark pools tendent à augmenter.
Manipulations de cours
Les dark pools sont souvent critiqués pour leur manque de transparence. La principale dérive constatée par les régulateurs concerne le processus de formation des prix. Sur les marchés, un prix est essentiellement formé à partir de la confrontation de l’offre et de la demande. Mais, si les volumes échangés de manière opaque deviennent trop importants par rapport à ceux échangés sur les marchés transparents, le processus de formation des prix peut être faussé. Cela ouvre également la porte à d’éventuelles manipulations de cours.
La proposition de révision de la directive MIF ne prévoit pas d’interdire les dark pools, mais seulement d’imposer la transparence si elles causent « des distorsions de concurrence » ou si elles « réduisent l'efficacité globale du processus de découverte des prix ». Les modalités concrètes des moyens dont disposeront les régulateurs restent encore à déterminer. Des négociations sont actuellement en cours.
Pour Marc Salvat, « Si on veut vraiment réguler des plateformes comme les crossing networks, il faudrait interdire les échanges de gré à gré. Or, les échanges de gré à gré existeront toujours. Je ne vois pas aujourd’hui comment l’intervention des régulateurs changera quoi que ce soit. »
Brice Lambert à Paris
Pour Paul Atkinson, chercheur en économie à Sciences Po Paris et ancien membre de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), la crise actuelle est une crise de la confiance.
Le ratio « fonds propres / actifs pondérés du risque » (core tier one / RWA)
C'est toujours l'instrument principal de mesure de la solvabilité d'une banque.
La notion de fonds propres est restreinte, n'y sont admis que le capital apporté par les actionnaires et les bénéfices reportés de la banque. C'est ce qu'on appelle le « core tier one ». Ce ratio de core tier one a été fixé à 4.5 % par le CBCB (Comité de Bâle sur le contrôle bancaire) mais l'Autorité bancaire européenne (ABE) l'a élevé à 9%. Les banques européennes ont jusqu'à 2012 pour s'y soumettre.
Ratio de levier
Ce ratio est un rapport entre les positions prises sur le marché et les fonds propres. Avec 100 euros, une banque peut se positionner sur un achat de 1000 euros sans avancer l'argent, en espérant revendre encore plus cher. L'effet de levier est ici de 10. Des leviers trop importants mettent les fonds propres en danger en cas d'échec de la transaction (impossibilité de revendre au prix escompté). Dorénavant, une banque ne peut plus se positionner pour un montant supérieur à 33 fois ses fonds propres. A noter qu'aux États-Unis, les leviers pratiqués restent autour de 10 ou 15, mais les pratiques comptables n'y sont pas les mêmes. La nouveauté de Bâle III est d'intégrer les risques du hors bilan et des produits dérivés. C'est une manière d'essayer de lutter contre les transactions effectuées sur le marché parallèle non-réglementé (on estime les opérations hors bilan à 2/3 des transactions totales). Ce ratio sera testé à partir de 2013 avant son éventuelle adoption.
Gestion du risque de liquidité
Le fonctionnement du système bancaire exige une circulation permanente de « valeurs », les liquidités. A prête à B, C rembourse à B... En cas de crise, certains actifs deviennent indésirables et donc invendables. La banque se retrouve dans l'impossibilité de les échanger et le circuit est paralysé. C'est ce qu'on appelle le risque de liquidités.
Pour éviter cette impasse, les accords de Bâle imposent un ratio de liquidité. Concrètement, il s'agit d'obliger les banques à détenir un quota d'actifs sans risque, faciles à mobiliser en cas de besoin. Une première partie de ces mesures sera mise en œuvre en janvier 2015, l'autre en janvier 2018.
Le coussin contra-cyclique
Il s'agit d'alimenter les fonds propres quand la conjoncture est favorable pour anticiper une dégradation de l'économie. C'est ce qu'on appelle le coussin ou volant contra-cyclique. L'alimentation de ce coussin est proportionnelle à la santé de l'économie. Quand tout va bien le coussin est alimenté à hauteur de 2,5 % des actifs pondérés des risques. En situation de crise, les banques peuvent cesser de l'alimenter. Les superviseurs rencontrent cependant une limite : comment définir la santé de l'économie ? C'est à dire comment déterminer les périodes et les niveaux d'apport au coussin contra-cyclique. Cette mesure se mettra progressivement en place entre 2016 et 2019.
catherine deunf et fabien piégay
Le point sur la règle d'or dans les Etats membres de la zone euro. Cliquez sur le pays en question pour en savoir plus.
Lors du sommet européen du 26 octobre 2011, dix mesures ont été prises pour renforcer la zone euro. L'objectif est d'accentuer la coordination et la surveillance des politiques économiques, toujours dans le souci de réduire les dettes publiques. Une administration parallèle à celle des 27 est en passe de se construire, avec notamment l'instauration de trois nouvelles présidences permanentes.
Ainsi, un Conseil européen de la zone euro est instauré, avec son propre président et la tenue d'un sommet réunissant les chefs d'Etat et de gouvernement au moins deux fois par an. En juillet 2012, l'Eurogroupe, rassemblant les 17 ministres des Finances, pourrait également être doté d'un président permanent basé à Bruxelles.
Autre point important : son « groupe de travail », assemblée informelle réunissant les 17 directeurs du Trésor et les gouverneurs de leurs banques centrales nationales, s'institutionnalise avec l'élection d'un président permanent, basé aussi à Bruxelles. Il pourra recourir à l'expertise des services de la Commission.
Quel rôle pour le Parlement européen?
Cette nouvelle architecture risque-t-elle de marginaliser la Commission et le Parlement européen ? C'est l'opinion de l'eurodéputé Jean-Paul Gauzès (PPE) : « Les craintes de voir minimiser le rôle du Parlement » sont bien présentes. Il estime que « l'orientation prise aujourd'hui met de côté l'esprit communautaire. »
De son côté, l'élue socialiste Pervenche Berès considère que la voie intergouvernementale ne pourra pas se passer des institutions communautaires : « Pour que les propositions issues du traité soient mises en place, il faudra forcément revenir à la Commission et au Parlement. »
Mais voter à 27 des propositions ne concernant que la zone euro n'est pas sans poser problème. L'eurodéputée est la première à avoir soulevé cette question dans l'un de ses rapports. Selon elle, le Parlement doit adapter ses méthodes de travail. Mais à l'heure actuelle, constate-t-elle, il est interdit d'évoquer publiquement ce tabou.
Marion Garreau