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Une crise de l'euro ? En réalité, la monnaie unique est restée forte face au dollar. La crise de confiance qui gagne l'ensemble du système de crédit trouve ses racines en 2007, lorsque les gouvernements ont décidé de sauver leurs banques. Une situation aberrante, selon le CADTM, une ONG qui prône l'annulation d'une partie de la dette publique.

« Quand les gens doutent, ils veulent récupérer leur argent »

Pour Paul Atkinson, chercheur en économie à Sciences Po Paris et ancien membre de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), la crise actuelle est une crise de la confiance.

 

 

Comment la crise financière de 2007 a conduit à la crise de la dette

 

 

L’euro n'est pas en crise

A sa naissance en 1999, l’euro valait 1,17 dollar. Fin 2011, il s’échange à 1,33 dollar. Entre temps, le cours de la monnaie commune à 17 pays de l’Union européenne s’est envolé en 2008 pour atteindre 1,6 dollar en juillet, au plus fort de la crise grecque. Alors que l’éclatement de la zone euro est régulièrement évoqué dans les médias, cette monnaie reste forte face au dollar et au yuan sur le marché des devises. Pourquoi ?
La crise de la dette de certains pays de la zone euro n’est pas la crise de l’euro. Paul Atkinson, ancien économiste à l’OCDE, relativise le poids des pays en difficultés : « L’euro est une monnaie basée sur l’économie de 17 pays.» D’un côté, il y a la Grèce, le Portugal et l’Irlande qui sont plus fragiles, mais ces pays ne représentent que 6,3 % du PIB de la zone euro. C’est environ quatre fois moins que l’Allemagne qui, à elle seule, totalise 26 % du PIB de la zone (1).
L’euro reste une alternative crédible au dollar. Si certains pays de l’union européenne sont lourdement endettés, la situation n’est pas meilleure aux Etats-Unis. En septembre, la dette publique totale dépassait 14 000 milliards de dollars, soit plus de 100% du PIB. Plusieurs Etats comme le Minnesota ou la Californie ont frôlé la faillite. En comparaison, la dette publique de la zone euro représentait 87 % du PIB au deuxième trimestre 2011(2).
L’ex-directeur de la Banque centrale européenne Jean-Claude Trichet a fait de la lutte contre l’inflation sa priorité. Une politique qui semble reprise par Mario Draghi, le nouveau directeur de la banque. En septembre 2011, l’inflation de la zone euro restait modérée à 3 % selon Eurostat. Un chiffre qui rassurerait les investisseurs. Aux Etats-Unis, la Réserve fédérale a développé la stratégie inverse. En novembre 2011, le taux directeur de la FED était six fois plus faible que celui de la BCE.

Eléa Francois

Annulation de la dette, l'idée fait son chemin en Europe

C'était à Zografou, faubourg d'Athènes, fin 2011. Des fonctionnaires municipaux amènent des sacs de paperasse à un groupe d'habitants. La paperasse ? Des contrats d'endettement de la mairie. Le groupe ? Un comité d'audit de la dette grecque. Leur objectif ? Analyser les emprunts de leur ville, et selon leurs critères, trier ce qu'il est légitime de rembourser, de ce qui ne l'est pas.

L' idée vient du Comité d'annulation de la dette du tiers monde (CADTM), qui a vu le jour en Belgique en mars 1990. Mais ses germes remontent aux années 80. La Belgique est alors très endettée, les bourgmestres licencient les fonctionnaires à tour de bras. Eric Toussaint, principal dirigeant du CADTM, se souvient : « A Liège, ces licenciements se sont heurtés à la contestation syndicale. C'est là que j'ai commencé à me spécialiser dans l'étude des causes de la dette ». En 1989, François Mitterrand convoque le G7 à Paris. 60 000 personnes protestent alors dans la rue, dans le cadre de la campagne « Ça suffat comme ci », répondant à l'Appel de la Bastille pour l'abolition de la dette du tiers monde. Enthousiastes, Eric Toussaint et ses camarades décident de fonder le CADTM, afin de fédérer tous les mouvements belges de solidarité avec les luttes au Nicaragua, au Salvador, ou avec le mouvement des sans-terre brésiliens, des pays très touchés par la hausse des taux d'intérêts américains.


Séparer le bon grain de l'ivraie

Pour le CADTM, il y a la bonne dette : santé, éducation, social et la dette odieuse. « Les Etats la contractent en faisant des cadeaux fiscaux aux grandes entreprises et aux ménages les plus riches d'abord. Ensuite, pour combler ce manque, l'État s'endette auprès de ceux-là même à qui il a fait des cadeaux », explique Eric Toussaint. Ce message, il l'a longtemps prêché dans le désert européen.
Le CADTM produit du matériel d'analyse et de mobilisation sur cette question et essaime. Des comités se créent au Maghreb, à Haïti et au Proche Orient, puis au Togo, au Bénin, au Sénégal et en Inde. En 2008, trente CADTM nationaux fonctionnent, dont seulement quatre au nord. La même année, des Grecs se rapprochent de l'organisation. « Ils pensaient qu'il allait être très difficile de parler de la dette dans un pays épargné par ce problème. Six mois plus tard, c'était devenu une préoccupation quotidienne, massive. »
Aujourd'hui, c'est un peu la revanche d'Eric Toussaint et des siens : la dette est au cœur des préoccupations européennes, validant les thèses qu'il s'échinait à répandre. Désormais, c'est dans le vieux continent qu'il voyage, invité de tous les rassemblements militants, en mal d'explications. Fort de son expertise en la matière, il propose sa solution : construire, dans chaque ville, des comités citoyens d'audit de la dette, pour l'analyser, séparer le bon grain de l'ivraie, et mobiliser pour refuser de payer la crise. Et son travail commence à produire ses fruits : en France, en Espagne et au Portugal, des comités apparaissent et organisent des meetings. Et ce sont des jeunes qui reprennent le flambeau : la secrétaire générale actuelle du CADTM, Myriam Bourgy, a seulement 27 ans.

Elsa Sabado

 

 

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Eric Toussaint, du Comité d'annulation de la dette du tiers monde (CADTM), en Belgique. (©CADTM)

 

 

 

 

Le film qui crée le buzz

Le documentaire «Debtocracy» d'Aris Hatzistefanou analyse les causes de la crise grecque et avance des solutions. Depuis sa publication sur internet, le film d'une heure et quart est devenu un véritable phénomène de société. Eric Toussaint y explique comment la dette de l'Équateur a pu être réduite de 70% (à partir de la 42ème minute).

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