La résolution réclame des autorités russes une enquête approfondie sur la mort de Sergueï Magnitski. Cet avocat fiscaliste, arrêté après avoir révélé une fraude fiscale d’ampleur, est mort dans des circonstances non élucidées en garde à vue en 2009. Deux amendements appelant au réexamen de l’affaire Mikhaïl Khodorkovski, à la poursuite plus avant des investigations sur la mort du journaliste Khadjimourad Kamalov et à la condamnation des personnes impliquées dans le meurtre de la journaliste Anna Politkovskaïa ont eux été rejetés à une très courte majorité.
Cette prise de position fait notamment suite aux élections législatives de décembre à la Douma, déclarées non conformes aux normes européennes par l’Organisation de sécurité et de coopération européenne, à l’interdiction de présentation de certains partis aux élections présidentielles et au véto de la Russie au Conseil de sécurité sur la condamnation des massacres en Syrie.
Marc Schmitt
La Russie doit aller vers plus de démocratie. Le Parlement européen, reconnait que « les relations entre l’Union européenne et la Russie se sont développées ces dernières décennies » et « devraient s’intensifier encore davantage à l’avenir », mais demande aux autorités russes des changements dans trois domaines.
Les droits de l’Homme d’abord. La résolution adoptée jeudi, et à laquelle seuls l'extrême gauche et les eurosceptiques de l'EFD ont refusé de s'associer, déplore « la répression par la police des manifestations pacifiques organisées en réaction à des irrégularités et des fraudes électorales ». Le Parlement dénonce également des lois récemment adoptées qui restreignent « la liberté d’expression en matière d’orientation sexuelle ou d’identité de genre ».
La démocratie représentative ensuite: le Parlement appelle de ses vœux une réforme de la loi électorale russe et déplore « la décision de refuser le dépôt de candidature aux élections présidentielles de Grigori Iavlinski ».
Enfin l'attitude face à la Syrie. La résolution invite la Russie « à permettre au Conseil de sécurité d’agir sur la base des propositions de la Ligue Arabe pour régler la crise » et lui demande « de mettre un terme immédiat à la vente d’armes et d’équipement militaire au gouvernement syrien ».
Sur des oeufs
La résolution dépasse donc largement le cadre des élections présidentielles du 4 mars. Cependant, le Parlement marche visiblement sur des œufs, pris en tenaille entre son attachement aux valeurs et la volonté de ne pas trop froisser un allié stratégique de première importance.
Le polonais Ryszard Czarnecki (ECR), a mis les pieds dans le plat à l’issue du vote. « Aujourd’hui nous condamnons la Russie mais tout ceci est de l’hypocrisie . Il vaudrait peut-être mieux se tourner vers les gouvernements des États membres qui sacrifient également les droits de l’Homme au nom des relations commerciales. Il faudrait que les représentants des États membres y réfléchissent sinon la démocratie ce sera juste des bons mots », a-t-il indiqué.
A quelques jours des présidentielles russes, Strasbourg a adopté jeudi une résolution demandant à Moscou plus de démocratie et un changement d’attitude sur la crise syrienne.
Ce pourrait être le cas d’Eva Joly, présidente de la commission développement et d’Arnaud Danjean, président de la commission sécurité et défense. De source parlementaire, il apparait « peu probable » que leur remplaçant leur succèdent à ces postes très en vue. Le scénario le plus vraisemblable serait donc leur remplacement à ses postes par des « cadors » français de leur parti, qui quitteraient leur commission, libérant une place pour les nouveaux venus. Ces présidences pourraient aussi être utilisées comme monnaie d’échange avec d’autres délégations nationales du même groupe pour avancer des pions dans d’autres commissions. Bref, des changements seraient alors à prévoir.
Une preuve, s’il en fallait une, que la vie politique nationale influe aussi, même à la marge, sur le fonctionnement du Parlement européen.
Marc Schmitt
Un handicap pour le Parlement ?
Ces départ n'entraveront pas le fonctionnement du Parlement européen. Ce dernier est en effet habitué aux départs et aux arrivées fréquents. Toutes nationalités confondues, 19 députés ont quitté leur fonction en 2011. On en compte déjà 6 depuis début 2012. Les modalités de remplacement varient selon les pays mais doivent toutes obéir à une règle mise en place par le Parlement européen : l'élection.
Elections partielles, désignation par un vote du parlement national, les méthodes appliquées sont diverses. En France selon l’article 24 de la loi du 77-729 du 7 juillet 1977, le remplaçant est le suivant sur la même liste lors des dernières élections européennes.
Chaque eurodéputé siégeant dans diverses commissions, il est d’usage que le nouveau venu reprenne les fonctions de la personne qu’il remplace. La répartition par nationalité des sièges en commissions résultant d’un accord complexe entre les différentes délégations nationales au sein des groupes politiques, il est périlleux de la remettre en cause. Cependant chaque délégation peut changer à sa guise la répartition de ses élus sur les postes qui lui reviennent. Deux eurodéputés PSE français siégeant dans deux commissions différentes pourront donc être interchangés à la guise de la délégation.
Si l’enjeu est faible pour les simples membres, il en va tout autrement lorsque les sortants assurent la présidence de commissions.
Un peu exilés au Parlement européen, certains eurodéputés français sentent l'heure arrivée de rebondir sur la scène nationale et plongent dans les campagnes qui vont rythmer la vie politique française jusqu'à l'été. Quatre d'entre eux sont en lice pour les présidentielles. En cas de succès quelles conséquences, pour eux et pour le Parlement européen?