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Il y a un an, l'Union européenne et la Turquie concluaient un accord pour résoudre la crise migratoire. Réunis à Strasbourg, les eurodéputés ont fait le point sur la situation, sur fond de crise diplomatique.

« Nous devons débattre sérieusement du cas de la Turquie qui se permet de traiter des pays européens de fascistes. » C’est avec ces mots que Sanders Loones (ECR, conservateurs) a lancé les débats, lundi 13 mars à Strasbourg, au Parlement européen.

La semaine précédente, l'interdiction de plusieurs meetings en Europe, auxquels devaient se rendre des ministres turcs, avait déclenché de violentes réactions de la part du président turc Recep Tayyip Erdogan. Comparant ces méthodes à du « nazisme » et les Pays-Bas à une « république bananière », il est allé jusqu'à menacer de rompre unilatéralement l'accord sur les migrants signé avec l’Union européenne en mars 2016.

Des attaques virulentes dénoncées par certains dirigeants comme le président du Conseil européen Donald Tusk, le président français François Hollande et la chancelière allemande Angela Merkel. Malgré ces condamnations orales, l’Union européenne n’a, pour l’instant, adopté aucune sanction concrète contre la Turquie. Et pour cause. L'accord migratoire conclu l'année dernière, et destiné à endiguer l'afflux massif de réfugiés en Europe, reste stratégique pour de nombreux pays européens.

« Erdogan a abusé de cet accord », a affirmé Ska Keller, co-présidente allemande du groupe Verts/ALE, au cours du débat au Parlement. Selon elle, la situation actuelle donne au président turc une liberté de ton mais le « soustrait également aux critiques sur les violations des droits de l'homme » faites depuis plusieurs mois. L’Allemande Angelika Mlinar (ALDE, libéraux) a encouragé les européens à arrêter de « décliner leurs responsabilités » et à enfin trouver des « alternatives » au pacte entre l'UE et la Turquie, comme la création d'un visa humanitaire. Manfred Weber, président du groupe PPE, a plaidé, en revanche, pour un maintien du texte. Quant à Guy Verhofstadt (ALDE, libéraux), il a demandé le gel immédiat des négociations d'adhésion de la Turquie à l’Union. Au risque qu'Ankara ne respecte plus ses engagements envers ses partenaires européens.  

Victor Noiret

Frachement réélu, le président du Conseil européen Donald Tusk est venu présenter le 15 mars les conclusions de la dernière réunion des chefs d’Etat et de gouvernement. La plupart des groupes politiques lui ont réaffirmé leur soutien, sans pour autant être d’accord sur l’orientation à donner à l’Union européenne.

20170316-AM tusk.jpgLe gouvernement de son pays voulait sa tête, et c’est peut-être ce qui l’a sauvée. L’obstination de Beata Szydlo, la Premier ministre polonaise, a conduit les 27 autres Etats membres à se serrer les coudes pour la réélection de Donald Tusk à la présidence du Conseil européen, le 9 mars. Venu présenter les conclusions de ce sommet au Parlement européen à Strasbourg le 15 mars, le Polonais a été plutôt bien accueilli par les chefs des différents groupes politiques.

Après les félicitations du président du Parlement Antonio Tajani, le président de la Commission Jean-Claude Juncker a également complimenté Donald Tusk. Il s’est aussi essayé à l’humour : « C’était la première réunion du Conseil dans le nouveau bâtiment. Je pense que c’était la Tusk tower, et je préfère la Tusk tower à l’autre tour » a-t-il plaisanté, en référence à la « Trump Tower » du nouveau président des Etats-Unis. Manfred Weber (PPE, centre-droit) s’est quant à lui particulièrement réjoui de la réélection du président du Conseil.

Des conclusions décevantes sur le fond

Ces paroles de bienvenue n’ont toutefois pas pu faire oublier un Conseil européen décevant. Les conclusions présentées par Donald Tusk portaient sur trois axes : le libre-échange et la croissance au sein de l’Union, la défense et la sécurité, et enfin la gestion des flux de migrations. Il s’est d’abord félicité de la reprise de la croissance « partout en Europe », et d’un chômage « à son plus bas niveau depuis 2009 ». Concernant la crise migratoire, il a invité les acteurs européens à accélérer la mise en place de la déclaration de Malte, signée le 3 février. Le texte prévoit des mesures pour tenter de fermer la route de la Méditerranée centrale, empruntée par plus de 180000 migrants en 2016. Le temps presse selon le président du Conseil : l’été est en effet une saison propice aux traversées. Au sujet de la défense enfin, le président du Conseil a rappelé qu’il s’agissait d’un domaine stratégique, tout en expliquant que les chefs d’Etat et de gouvernement reviendraient dessus en juin, lors du prochain Conseil.

« Serez-vous l’homme de ces défis ? »

20170316-AM tusklamberts.jpgL’avenir de la construction européenne a particulièrement fait réagir Gianni Pittella (S&D, sociaux-démocrates). Le président du groupe socialiste du Parlement s’est interrogé sur la direction prise par l’Europe, et la rapidité de l’intégration européenne : « Le problème de l’Europe ce n’est pas d’avancer à 2, 3 ou 4 vitesses, c’est son orientation : où souhaitons nous aller ? ». Un questionnement partagé par la gauche radicale (GUE/NGL) et les écologistes. Philippe Lamberts (Verts/ALE) a d’ailleurs interpellé personnellement Donald Tusk à ce sujet : « On se demande si vous êtes l’homme de la situation, si vous avez le leadership et la vision qui permettront de sortir l’Europe de l’ornière. » Le co-président des Verts a ensuite évoqué la nécessité de mieux gérer la crise migratoire et de développer une Europe de la justice sociale, avant de mettre en garde contre une dérive sécuritaire de l’Union. A l’issue de son  discours, il s’est tourné une dernière fois vers Donald Tusk :« Serez-vous l’homme de ces défis ? » 

Texte: Anne Mellier

Photos: Maxime Bossonney

Droits de l'homme: les Philippines pointées du doigt

16 mars 2017

Droits de l'homme: les Philippines pointées du doigt

Le Parlement européen a adopté jeudi 16 mars à Strasbourg une résolution dénonçant l'arrestation de la sénatrice philippine Leila De Lima. 

Vers une politique de coopération européenne pour l’Arctique

16 mars 2017

Vers une politique de coopération européenne pour l’Arctique

Le Parlement européen, réuni en session plénière, a adopté jeudi 16 mars une résolution pour établir une « politique intégrée de l’Arctique ». 

Le Parlement européen a adopté jeudi 16 mars une résolution s'inquiétant de la situation de la sénatrice philippine Leila De Lima. Arrêtée le 24 février dernier, cette opposante politique est accusée de trafic de drogue par le régime.

Le Parlement européen s’est penché, jeudi 16 mars, sur l’arrestation de la sénatrice Leila De Lima aux Philippines. Cette militante des droits de l’homme est une opposante historique du président Rodrigo Duterte. Elle est aujourd’hui accusée par les autorités d’avoir été à la tête d’un réseau de trafic de drogue lorsqu’elle était ministre de la Justice, entre 2010 et 2015.

La résolution adoptée par les eurodéputés remet en cause les chefs d’accusation officiels, craignant que les charges retenues contre la sénatrice aient été « presque entièrement inventées » pour la discréditer aux yeux de l’opinion. « Il faut maintenant faire tout ce qui est en notre pouvoir pour lui assurer un procès équitable », a plaidé l'eurodéputé danois Anders Vistisen (ECR, conservateurs), co-auteur du texte avec cinq autres eurodéputés.

Embrassant plus généralement la situation actuelle aux Philippines, la résolution rappelle les soupçons de meurtres extrajudiciaires qui pèsent sur le régime. Selon Amnesty International, plus de 7000 personnes seraient mortes depuis juin 2016 et le début de la « guerre contre la drogue » menée par Rodrigo Duterte.

Le Parlement réclame la libération immédiate de Leila De Lima et menace de mettre fin aux avantages commerciaux avec l'Union européenne dont bénéficient actuellement les Philippines. Il appelle également le Conseil des droits de l’Homme des Nations unies à initier une enquête internationale sur les violations des droits fondamentaux dans le pays.

Anne Mellier

Le Parlement européen a adopté jeudi 16 mars une résolution pour établir une « politique intégrée de l’Arctique ». Une région à forts enjeux pour l'Union européenne.

Le développement de nouvelles routes maritimes et l’augmentation des possibilités d’exploitation des ressources naturelles ont fait de l’Arctique un enjeu géopolitique et économique majeur. Non sans menace pour la sécurité de la région. Le Parlement européen a adopté jeudi 16 mars une résolution pour établir une « politique intégrée de l’Arctique ». Le rapport insiste sur l’importance de la lutte contre le réchauffement climatique, l’objectif étant de limiter la hausse des températures à 1,5°C d’ici à 2100. « Les changements environnementaux en Arctique sont plus rapides que partout ailleurs dans le monde.  Il faut agir maintenant », explique l’eurodéputée finlandaise Sirpa Pietikäienen (PPE, centre-droit).

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Le but de la résolution est d’établir une stratégie commune pour l’Arctique, « pour garantir un développement économique, social et environnemental durable de la région », selon l’eurodéputé estonien Urmas Paet (ALDE, libéraux-démocrates). Il faut aussi s'assurer que l’Arctique reste une « zone de paix ». Selon lui, ce développement durable n’est possible qu'en plaçant au cœur du projet les peuples autochtones. « On a poussé ces peuples dehors. Il faut rétablir leurs droits sur leurs terres. » L’Union européenne entend également favoriser la gouvernance multilatérale. Elle se porte donc candidate pour acquérir le statut d'observateur au sein du Conseil de l’Arctique.

 

20170316-LR dsc_0181.jpgSi la large majorité des eurodéputés ont voté pour cette résolution, une question a toutefois divisé l’assemblée : celle de l’extraction et de la production de gaz et de pétrole. Pour l’eurodéputée finlandaise Heidi Hautala (Verts/ALE), « l’UE doit tout faire pour interdire les activités d’extraction. Le changement climatique est plus important que les souverainetés nationales ». Cet avis n’est pas partagé par l’eurodéputé estonien Urmas Paet (ALDE). Selon lui, vouloir interrompre toutes les activités dans la région n’est pas réaliste : « L’Arctique est une zone qui assure la sécurité énergétique de l’Europe. L’exploitation doit être faite de manière consciencieuse et responsable.»

La Commission européenne a assuré « qu’elle soutiendrait cette résolution précieuse », sans pour autant annoncer de mesures concrètes.

Texte : Romane Viallon

Photos : Camille Langlade, Romane Viallon 

Les importateurs de minerais « de sang» sommés de panser les plaies

16 mars 2017

Les importateurs de minerais « de sang» sommés de panser les plaies

Le Parlement européen a adopté un règlement qui impose de contrôler l'importation de certains minerais présents dans les smartphones afin de lutter contre le financement de groupes armés.

« L'Union européenne doit assurer un statut particulier à l'Irlande du Nord »

16 mars 2017

« L'Union européenne doit assurer un statut particulier à l'Irlande du Nord »

L'eurodéputée Nord-irlandaise Martina Anderson s'inquiète des répercussions du Brexit sur les rapports entre l'Irlande et l'Irlande du Nord.

Le Parlement a adopté, jeudi 16 mars, un règlement visant à imposer aux entreprises de contrôler l'origine de leurs approvisionnements en métaux utilisés dans les smartphones ou ordinateurs portables. Il s'agit d'endiguer le financement des groupes armés qui s'enrichissent par le biais d'exploitations minières.

Saviez-vous que votre téléphone ou votre ordinateur peut participer à l’instabilité des zones de guerre ? Les minerais dits “de sang” comme l’étain, le tantale, le tungstène ou l’or présents dans les composants électroniques sont, pour une partie, issus de mines contrôlées par des milices armées, notamment en Afrique. Le Parlement européen, inspiré par un guide de l’OCDE datant de 2012, a adopté le 16 20170316-BD dsc_0026.jpgmars un règlement contraignant les entreprises importatrices de ces métaux à vérifier la fiabilité de leurs fournisseurs.

Ce mécanisme d’autocertification, proposé en 2014 par la Commission, a été l’objet d’une longue bataille entre le Parlement européen et les Etats membres. Initialement, la proposition privilégiait une démarche volontaire des industriels. Ils auraient été libres de vérifier ou non leurs importations et d’organiser des contrôles auprès de ceux qui les approvisionnent.

« Adopter une position volontaire et dire qu'on se soucie des droits de l'Homme en Afrique, ça n’aurait pas été possible » explique Marie Arena, eurodéputée belge (S&D, sociaux-démocrates). Elle a pesé tout au long des négociations afin que les entreprises soient obligées de s’assurer de la due dilligence, c'est-à-dire garantir le respect des droits de l'homme, des lois et règlements nationaux et internationaux, lors de leurs approvisionnements en métaux.

Sécuriser les importations

Le nouveau règlement doit servir à lutter contre le financement des groupes armés, en s'assurant que les importateurs ne se fournissent pas auprès d'eux. Si aucune région n’est mentionnée explicitement, la principale zone concernée est l’Est de la République démocratique du Congo, une région particulièrement instable et qui regorge de minerais rares. Un exemple abondamment cité par les eurodéputés lors des débats.

Les 20170316-BD carte_minerais_conflit.jpgeurodéputés ont plébiscité le réglement en l'adoptant avec 558 voix pour et seulement 17 voix contre. Pour Chris Heron, représentant d’Eurométaux, un groupement d’importateurs de métaux non-ferreux, la nouvelle réglementation permettra « d’aller de l’avant » en « augmentant la sécurité de l’approvisionnement ». « Nous sommes très heureux de ce texte », complète-t-il.

Celui-ci a aussi une dimension symbolique forte pour l’Europe : « Par cet accord, l'Europe prouve qu'elle est encore une communauté de valeurs et qu'elle est capable de les exporter », souligne le Britannique David Martin (S&D, sociaux-démocrates). Une volonté d’autant plus importante que la loi américaine Dodd-Frank, un équivalent du règlement adopté par le Parlement, est menacée par l'administration Trump. Le 45ème président des Etats-Unis s'est en effet exprimé pour un allégement des contrôles sur les importations des minérais.

« On pouvait faire mieux et on pourra faire mieux »

Le large consensus dont le réglement a fait l'objet au Parlement européen n’aurait pas été possible si certaines concessions n’avaient pas été faites. « On pouvait faire mieux et on pourra faire mieux », estime Marie Arena. Pour l'instant l’accord reste limité à quatre minérais. Eurométaux et certains eurodéputés croient en une possible extension de ce texte à d'autres secteurs à l'avenir. « J'espère que nous pourrons bientôt contrôler aussi les importations en produits textiles », escompte ainsi l'Allemand Bernd Lange (S&D), président de la commission du commerce international. Une extension aux « diamants de sang », ces diamants dont l’exploitation alimente des conflits en Afrique est également envisageable, selon ce même député.

Le règlement sur les minérais de sang a vocation à couvrir 95 % des importations de ces métaux. Seuls, les petits importateurs ne sont pas concernés, tels les dentistes et les joailliers, qui utilisent les minerais concernés en infime quantité. Maintenant qu'il a été validé par les eurodéputés, la nouvelle réglementation devrait entrer en vigueur d'ici à 2019 et les contrôles se généraliser d'ici 2021. Un délai que certains eurodéputés de gauche auraient souhaité plus court : « Combien de nouveaux morts d'ici quatre ans ? », s'est ainsi interrogé l'eurodéputé allemand Helmut Scholz (GUE/NGL, gauche radicale).  

Texte: Maxime Bossonney, Baptiste Decharme

Photo : Baptiste Decharme

Infographie : Laurent Rigaux

 

L'eurodéputée nord-irlandaise Martina Anderson (GUE/NGL, gauche radicale) est membre du Sinn Féin (parti pour l'unité de l'Irlande). Après la décision du Parlement britannique d'autoriser le Brexit lundi 13 mars, elle s'inquiète des répercussions sur les rapports entre l'Irlande et l'Irlande du Nord.

Quel impact peut avoir le Brexit sur la relation entre les deux Irlande ?

Le Brexit va être un désastre, un fiasco, c'est de la folie. Il va mettre en danger un accord international de paix, qui est l'accord du Vendredi saint, voté en 1998 entre les deux Irlande et soutenu par les Nations Unies. Nous ne pouvons tolérer une situation où de nouvelles frontières seraient érigées en Irlande. Le gouvernement anglais dit qu'il y aura des frontières « frictionless » (sans frictions), mais on ignore encore ce qu'il entend par là. Je vous rappelle qu'il existe encore chez nous des groupes armés qui n'ont toujours pas signé l'accord de paix !

Que doit faire l'Union européenne ?

L'Union européenne doit s'assurer qu'aucune frontière ne soit rétablie au sein de l'Irlande. Ce serait une violation des traités européens qui impose le respect du droit international. L'Europe doit également se pencher sur la création d'un statut particulier pour l'Irlande du Nord afin que nos relations avec les Etats membres restent inchangées. Les Irlandais doivent rester libres d'aller et venir entre le Nord et le Sud de leur île. Nous sommes toujours dans une situation de post-conflit, malgré la vingtaine d'années écoulées. Ces 20 ans ont été marqués par des tensions, l'Union européenne doit donc nous garantir un statut particulier.

Cela pourrait-il mener à un référendum comme celui prévu en Ecosse ?

Pour la première fois, les Unionistes ne sont plus majoritaires en Irlande du Nord. Depuis les élections législatives du 2 mars dernier, le Sinn Féin est même devenu le deuxième parti, à seulement un siège du Parti unioniste démocrate. De plus, l'Irlande du Nord a voté à 56 % contre le Brexit. Je ne dis pas que les 56 % étaient pour l'unité, mais cela pourrait faire bouger les lignes, surtout chez les agriculteurs avec la disparition de la PAC.

Hugo Laridon

 

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