Vous êtes ici

De nombreux députés de gauche auraient cependant aimé aller plus loin, par exemple en fixant un taux d'impôt minimal dans l'ensemble des Etats européens. Rejetée dans l'hémicycle, cette proposition serait pourtant une mesure particulièrement efficace pour le député Espagnol Miguel Urbán Crespo (GUE/NGL, gauche antilibérale). « La course vers l'attractivité se manifeste par la dévalorisation des conditions sociales et un nivellement vers le bas en matière d'imposition. Nous les progressistes, nous proposions d'instaurer un taux minimum d'impôt de 18% sur les bénéfices des entreprises » regrette ce militant anticapitaliste.

« La Commission a tout de même fait passer 14 directives importantes contre l'optimisation fiscale », tempère le député tchèque Luděk Niedermayer (PPE, chrétiens démocrates), qui porte un regard moins sévère sur les mesures adoptées ces dernières années à Bruxelles.

Le verrou du Conseil

Si le rapport propose essentiellement des mesures fiscales, il suggère également de faire évoluer le fonctionnement institutionnel de l'Union européenne. Les députés européens souhaitent ainsi mettre fin à l'unanimité requise au Conseil de l'Union européenne pour les questions liées à la fiscalité, au profit d'un sytème de majorité qualifiée. La volonté du Parlement de lutter contre l'évasion fiscale se heurte en effet depuis des années à un blocage de la plupart des propositions dans ce domaine, dû au véto de pays hermétiques à tout changement de système. Le Parlement invite par conséquent le Conseil à organiser un sommet avant la fin de l’année 2019 pour trouver une manière de faciliter la prise de décision sur les questions fiscales.

« J'ai de l'amertume » déplore la députée européenne Eva Joly (Les Verts), « malgré l'adoption de ce rapport, il y a ce verrou au Conseil qui empêche toujours de passer à l'action, tout ça pour seulement quelques centaines de milliers d'habitants qui se goinfrent dans les paradis fiscaux. Mais pouvions-nous attendre autre chose de Jean-Claude Juncker ? ». Si l'ancienne magistrate au pôle financier de Paris, pointe ainsi le président de la Commission européenne, c'est que c'est l'ancien premier ministre du Luxembourg a mis en place pendant 19 ans ce qui fait aujourd'hui la richesse de son pays : le détournement des produits fiscaux des autres états. « Il faut priver le Luxembourg de son droit de vote au Conseil en activant l'article 7 sur la violation des valeurs de l'Union » soutient celle qui va bientôt quitter le Parlement après y avoir siégé pendant dix ans.

Pour se défendre, le Grand-duché rappelle les efforts qu'il a entrepris depuis cinq ans pour réduire les pratiques fiscales agressives sur son territoire, notamment en mettant en vigueur certains accords internationaux et européens. Le dialogue semble donc ouvert... Mais le ton se durcira t-il après le départ de Juncker ?

Jonathan Trullard, Thu Thuy Nguyen

Jean-Claude Junker et Donald Tusk étaient face aux eurodéputés, mercredi 27 mars à Strasbourg, pour évoquer les relations commerciales de l'Union européenne avec la Chine. L'eurodéputé Franck Proust (PPE, chrétiens démocrates), auteur d'un rapport sur les investissements étrangers en Europe, revient sur les enjeux de cette relation stratégique.

Jean-Claude Juncker a déclaré que l'Union européenne et la Chine sont des « partenaires stratégiques » mais aussi « des rivaux ». Que veut-il dire ?

La Chine est un partenaire commercial important pour l'Europe. Mais force est de constater que, dans les relations commerciales, elle ne joue pas avec les mêmes règles que nous. La preuve : en 2017, il y a eu 158 milliards d'euros d'investissements chinois en Europe et seulement 8 milliards d'euros en Chine. On veut instaurer la réciprocité.

Comment expliquer ce déséquilibre dans les investissements ?

Chez nous, quand un investisseur chinois veut venir prendre une entreprise, il le fait en toute liberté. Quand un investisseur européen veut s'installer en Chine, il doit nécessairement passer par un partenariat avec un associé chinois, donc donner un transfert de technologie. C'est un pillage de notre savoir-faire. On met en danger nos filières et nos emplois.

La route de la soie – le projet chinois de développement des liaisons maritimes et terrestres entre l'Asie et l'Europe – inquiète les eurodéputés. Que peut faire l'Europe pour équilibrer les rapports de forces ?

Cette route n'est pas à double sens, elle est à sens unique, et ça c'est dangereux. Les États européens doivent rester unis pour faire face à la puissance chinoise. L'Europe est la première puissance économique au monde. C'est une belle vitrine, ce n'est pas un supermarché. Et je remarque quand même une chose. Ce sont les gouvernements soit disant les plus protectionnistes - je pense à l'Italie - qui finalement permettent à la Chine de concrétiser sa route de la soie.

 

Propos recueillis par Héloïse Lévêque

 

Une longue série de scandales financiers

  • 3 juin 2008: Scandale UBS

  • 5 avril 2013: Offshore Leaks

  • 19 janvier 2014: China Leaks

  • 6 novembre 2014: LuxLeaks

  • 3 avril 2016: Panama Papers

  • 20 octobre 2017: Paradise Papers

  • 18 octobre 2018: CumEx Files

Le Parlement européen a adopté le 26 mars un plan d'action ambitieux pour lutter contre l'évasion fiscale. Une pression supplémentaire sur la Commission européenne et les gouvernements nationaux pour enfin régler ce problème qui gangrène l'Union européenne.

 

Panama et Paradise Papers, LuxLeaks et CumEx Files, plusieurs scandales ont révélé ces dernières années que des milliards d'euros échappent en toute légalité aux fiscalités des États au sein même de l'Union européenne. Pour y faire face, un plan d'action proposant des mesures d'envergure a été adopté mardi 26 mars par le Parlement européen. Fruit d'un travail de longue haleine mené par une commission spéciale dite TAX3, il est cependant non contraignant. Jusqu'à présent peu de décisions concrètes ont été prises par les Vingt-Huit sur le sujet, et pour cause, certains pays opposent un veto systématique à toute harmonisaton des règles fiscales.

Refonder le système fiscal

Le rapport du Parlement propose un vaste ensemble de mesures concrètes, telles que des restrictions pour les paiements en espèces, une harmonisation des règles sur la TVA, une vigilance accrue contre le blanchiment et la suppression progressive des passeports et visas dorés (programmes de certains Etats, comme Malte, accordant la citoyenneté ou la résidence en échange d'investissements financiers). Limiter les accords fiscaux négociés entre les multinationales et certains États est l'une des propositions les plus marquantes des eurodéputés. En 2014, le scandale des LuxLeaks a révélé le recours régulier de certains États à ces accords opaques entre les gouvernements et les multinationales cherchant à s'implanter sur leur sol. Des entreprises obtiennent alors des avantages fiscaux importants, comme Disney qui se serait acquitté de moins de 1 % d'impôts sur ses bénéfices européens centralisés au Luxembourg sur la période 2009-2013. Les eurodéputés soulignent dans leur rapport que ces pratiques sont « contraires au principe de solidarité de l'Union ». 1000 milliards d'euros d'argent public s'évaporeraient ainsi chaque année par optimisation fiscale estime Bruxelles, soit près de 2000 € par citoyen européen.

[ Plein écran ]

Pour la députée Eva Joly (Les Verts), le combat contre la fraude fiscale est décisif pour l'Europe, notamment pour financer la transition énergétique. © Héloïse Lévêque

28 mars 2019

"Nous devons rester unis pour faire face à la puissance chinoise"

Jean-Claude Junker et Donald Tusk étaient face aux eurodéputés, mercredi 27 mars à Strasbourg, pour évoquer les relations commerciales de l'Union européenne avec la Chine. L'eurodéputé Franck Proust (PPE, ...

Les eurodéputés veulent faire mieux contre la fraude fiscale

28 mars 2019

Les eurodéputés veulent faire mieux contre la fraude fiscale

Pour lutter contre une Europe gangrénée par l'évasion fiscale, les eurodéputés ont adopté mardi 26 mars un rapport de propositions concrètes . Une nouvelle pression pour la Commission européenne.

Le sujet du Brexit a de nouveau été au cœur des débats au Parlement européen mercredi 27 mars.  

À deux jours de la date initialement prévue pour la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, le président du Conseil européen, Donald Tusk, a défendu le 27 mars devant les eurodéputés une prolongation de la période de négociation de l’accord de retrait. L’UE a déjà accepté de repousser la date du Brexit au 12 avril. Si l’accord trouvé en novembre 2018 avec le gouvernement britannique est approuvé par la Chambre des communes dans les prochains jours, une extension technique jusqu’au 22 mai pourra être appliquée.

Pour Donald Tusk, l'Union européenne doit même envisager un report encore plus long de la date de sortie. Face aux députés, il a demandé de « ne pas trahir les 6 millions de personnes qui ont signé une pétition demandant la révocation de l’article 50, et le million de personnes qui ont marché dimanche dernier à Londres pour un nouveau référendum… parce qu’ils sont européens. »

Le président Tusk s'est également dit ouvert à la possibilité d'annuler purement et simple le Brexit.

« Le Brexit est irréversible »

L’eurodéputé britannique Nigel Farage (ELDD, eurosceptiques) s’est vivement opposé à cette possibilité : « Si le Brexit n’est pas réalisé, nous assisterons à une lente trahison contre tous les votes démocratiques. Le Brexit est irréversible. » Il a aussi appelé à un rejet de l’extension au 12 avril. « Expulsez la Grande-Bretagne au plus vite ! Nous pourrons poursuivre le reste de notre vie. »

Le président du groupe PPE Manfred Weber a salué les clarifications apportées par Donald Tusk, tout en appelant à ce que l'Union européenne continue à se préparer à la possibilité d'un « no deal » : « Toutes les options sont désormais sur la table. Elles sont claires et les Britanniques doivent choisir. »

En Grande-Bretagne, la Première ministre Theresa May s’engageait au même moment auprès des députés conservateurs à démissionner si ces derniers approuvent l’accord de retrait en fin de semaine.

Thu Thuy Nguyen

L'enquête de Jean Quatremer sur le suicide de Laura Pignataro a été publiée le 15 mars par Libération

Brexit: les eurodéputés appellent les Britanniques à sortir de l'impasse

28 mars 2019

Brexit: les eurodéputés appellent les Britanniques à sortir de l'impasse

Le sujet du Brexit a de nouveau été au coeur des débats au Parlement européen mercredi 27 mars.

Pages