« Un excès d’ambition »
Le projet de loi rend aussi obligatoire la mention de l'empreinte carbone de la batterie sur son étiquette. Un moyen pour l’utilisateur de reprendre la main sur sa consommation. Mais cette décision inquiète Claude Chanson : « C’est une opération technique qui doit être maîtrisée et dont la difficulté est négligée. L’excès d’ambition du Parlement [...] va rendre l’application difficile. » Il déplore aussi une législation déconnectée des réalités de l’industrie.
Ses plaintes trouvent un écho chez les députés du parti des Conservateurs et réformistes européens (ECR). Affirmant que ces mesures freineraient l’innovation et augmenteraient les prix d’achat des batteries sur fond de crise énergétique liée à la guerre en Ukraine, ils ont voté en grande majorité contre ce règlement. Une excuse qui ne passe pas chez les Verts : « C’est un nouvel argument pour eux pour ne pas opérer la transition. Ils brandissent une nouvelle fois la menace de prix hauts [...] pour les citoyennes et citoyens pour ne pas avoir à sortir d’un système basé sur les énergies fossiles », explique Marie Toussaint, membre suppléante de la commission environnement. Une transition énergétique pourtant déjà en marche. D’ici 2030, 30 millions de véhicules à zéro émission circuleront sur les routes européennes.
Louise Llavori et Loris Rinaldi
80 % de batteries recyclées d’ici 2030
Les députés sont unanimes sur un point : alors que la demande mondiale de batteries devrait être multipliée par 14 d'ici 2030, il est urgent d’encadrer leur fabrication. Pour la première fois, ce projet de loi ambitionne de régir l'ensemble du cycle de vie des produits, de la conception à la consommation et jusqu'au recyclage. Dans ce domaine, le texte fixe de nouveaux objectifs par rapport à la proposition initiale de la Commission : 70 % des batteries devront être recyclées par leur fabricant en 2025, et 80 % en 2030. Des chiffres qui font grincer des dents les fabricants de batteries. L’association Recharge, qui représente les industriels du secteur, exprime ses réticences et craint pour la compétitivité du marché européen. « D’accord pour que l’Europe montre la voie en matière de production environnementale, mais ce n’est pas quand on représente 5 % du marché qu’on peut prétendre jouer le rôle d’un leader mondial, [...] c’est mettre la charrue avant les boeufs », développe Claude Chanson, directeur général de Recharge France.
Si les industriels critiquent ces initiatives, elles sont bien mieux accueillies par les organisations de consommateurs. C’est le cas du volet sur la réparabilité des batteries. Pour les véhicules légers comme les vélos ou d’autres appareils du quotidien, ce dernier exige que leurs batteries soient facilement démontables et remplaçables par l’utilisateur. Une mesure qui présente un double avantage pour le Bureau européen des consommateurs (Beuc) : « Le consommateur n’a plus à remplacer son appareil lorsque sa batterie tombe en panne, il peut donc le garder plus longtemps. C’est gagnant-gagnant pour l’usager et l’environnement », se réjouit Isabel Lopez-Neira, chargée de la politique de développement durable pour le Beuc.
Qu’elles soient insérées dans nos ordinateurs, au dos de nos téléphones ou au cœur des véhicules électriques, les batteries sont devenues indispensables. À l’heure où les prix du gaz et des carburants ne cessent de flamber, l'Union européenne veut améliorer la production et l’utilisation de cette énergie décarbonée. Les eurodéputés votaient, jeudi 10 mars, un règlement impulsé par la Commission européenne visant à renforcer la législation existante sur les batteries et leurs déchets. Pour l’Union européenne qui vise la neutralité carbone en 2050, cette ambition s’inscrit dans les objectifs qu’elle s’est fixés en matière d’écologie et de transition énergétique.
Ce jeudi 10 mars, les eurodéputés ont voté en faveur d’un nouveau règlement assurant une production et un recyclage plus responsables des batteries électriques. Approuvé par une grande majorité de l’hémicycle, le texte fait l’objet de résistances de la part de certains parlementaires et industriels. Ils y voient un frein à l’innovation ainsi qu’une menace pour la stabilité des prix.
Dans une résolution, les eurodéputés ont appelé la Commission à activer immédiatement le mécanisme conditionnant le versement des fonds européens au respect de l’État de droit pour la Hongrie et la Pologne. Cet appel fait suite à l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 16 février dernier, qui validait le mécanisme et déboutait ainsi les recours de la Pologne et de la Hongrie. Ces deux pays sont dans le collimateur des institutions européennes pour intimider les juges, discriminer des minorités et pour des affaires de corruption. L'objectif du mécanisme est de les sanctionner par une réduction, voire une suspension des financements européens. Avec cette résolution, le Parlement européen fait de nouveau pression sur la Commission, seule entité capable d'activer ce mécanisme. Ses précédentes interpellations, vieilles de plusieurs mois, sont restées lettres mortes. « L’arrêt de la CJUE pourrait subir un délai supplémentaire au vu de l’engagement très fort de la Pologne et de la Hongrie depuis le début de la guerre en Ukraine », a affirmé Sylvie Guillaume, présidente de la délégation française des sociaux-démocrates (S&D). Une possibilité que ces derniers veulent éviter à tout prix. « Il ne faut pas repousser cette décision. Le Parlement doit balayer l’aspect marchandage, auquel cas cela ressemblerait à une manipulation ». Pour les socialistes, reculer renverrait l'image qu’il subsiste encore des doutes sur les mesures à mettre en application. Des doutes dans lesquels pourrait s'engouffrer le Premier ministre hongrois Viktor Orbán afin de faire plier la Commission.
Mardi 8 mars, l'eurodéputée lettone (PPE, centre-droit), Sandra Kalniete, présentait le rapport sur les ingérences étrangères dont elle a eu la charge pendant 18 mois. Y est pointée du doigt la Russie notamment, alors que Vladimir Poutine envahit l’Ukraine. Une actualité qui rappelle l’histoire familiale de l’eurodéputée, sur laquelle elle s’est confiée en marge d’une conférence de presse.
C’est à Togour, en Sibérie, que Sandra Kalniete est née. Sa mère et son père ont été déportés par les autorités soviétiques respectivement en 1941 et 1949. Sa mère était considérée comme un « élément socialement dangereux », et son père était le fils d’un « bandit », un résistant qui combattait l’Armée rouge en Lettonie. C’est au goulag que ses parents se sont rencontrés et qu’ils ont eu leur unique fille en 1952. Malgré leur misère et le travail forcé dans une scierie, Sandra Kalniete raconte dans son autobiographie, En escarpins dans les neiges de Sibérie (éditions des Syrtes, 2003), avoir eu une enfance heureuse : « Mon univers se bornait à l’amour de mes parents. » Ceux-ci se démenaient pour lui cacher leurs souffrances.
Lorsqu’elle a cinq ans, sa famille est enfin autorisée à quitter la région de Tomsk et à retourner en Lettonie. Sandra Kalniete ne prendra réellement conscience de ce qu’ils ont vécu que dans les années 1980, lorsqu’elle s'engage pour la libération de la Lettonie. Elle a alors la trentaine. « Mes parents, une fois revenus du goulag, avaient tellement peur du pouvoir communiste qu’ils m’ont tout caché, pour me protéger. »