C’est dans un climat de tension extrême, sous la menace d'une invasion russe de l'Ukraine, que s’est déroulée la session plénière de février. Dans ce contexte exceptionnel, les députés européens ont vu leur agenda bousculé. Les réunions se sont multipliées pour faire face aux revirements incessants du Kremlin. Toute la semaine, Vladimir Poutine a soufflé le chaud et le froid.
Malgré cette agitation, le Parlement européen a réussi à parler d’une seule voix. Les dirigeants des groupes parlementaires ont adopté une déclaration commune exprimant leur solidarité vis-à-vis du voisin ukrainien. Cette unité s’est retrouvée sur d’autres combats, en particulier sur le front sanitaire avec des recommandations sur la lutte contre le cancer, deuxième cause de mortalité en Europe. Lors de l'intervention de Josep Borrel, le chef de la diplomatie européenne, en amont du sommet stratégique avec l'Union africaine, c'est encore ce message d'unité qui a été martelé, seul moyen pour l'UE de trouver une place sur la scène internationale.
Dans une autre affaire touchant la cybersécurité, là encore, les groupes politiques se sont tendus la main. Les eurodéputés ont conclu tacitement à la mise en place d’une commission d’enquête sur les agissements du logiciel espion Pegasus.
D’autres sujets se sont faufilés entre les mailles de cette actualité incertaine, notamment la précarité des jeunes, aggravée par la pandémie de covid-19 ou encore les 20 ans de l’euro, avec une invitée d’honneur, la présidente de la BCE, Christine Lagarde.
Face aux incertitudes et aux divisions, le Parlement européen veut ainsi montrer un visage uni pour protéger un principe intangible, celui de l’État de droit.
Charlotte Thïede
Les députés européens ont débattu d'un rapport sur l'état des droits de l’homme et la démocratie. Ils se sont montrés préoccupés par la situation dans le monde. Marìa Soraya Rodriguez Ramos, députée européenne (Renew, libéraux), en charge du rapport, a même affirmé que 2021 “ne sera pas dans les annales de la meilleure année concernant les droits humains.” Les effets de la pandémie de covid-19 et la situation dans des pays tels que l’Éthiopie, l’Érythrée ou le Myanmar inquiètent considérablement les eurodéputés. Le rapport souligne qu’il faut intensifier la coopération européenne avec des partenaires démocratiques partageant les mêmes valeurs comme les États-Unis. Il invite aussi tous les pays de l’UE à durcir leurs actions contre ces violations graves des droits de l'homme. Mais la portée de ce rapport laisse certains parlementaires sceptiques, à l'image de Raphaël Glucksmann (S&D, socialistes) qui aimerait passer “des paroles aux actes.”
Les eurodéputés réunis au Parlement européen à Strasbourg, ont approuvé en deuxième lecture la directive Eurovignette. Alors que l’Union européenne s’est engagée à réduire ses émissions nettes de gaz à effet de serre d’au moins 55% d’ici 2030, cette directive définit un objectif nouveau pour les États membres : celui de taxer en particulier les poids lourds non plus en fonction de la durée du trajet, mais en fonction de la distance parcourue. Elle propose aussi de réinvestir ces redevances dans le développement des transports durables. Une période de transition de huit ans à partir de 2029 est proposée aux États membres pour appliquer cette directive.
Après avoir voté des mesures fortes dans la lutte contre le cancer en Europe, les eurodéputés se sont attaqués aux risques de santé au travail. Ils demandent aux entreprises de réduire l’exposition de leurs travailleurs à trois substances cancérigènes (l’acrylonitrile, les composés du nickel, et le benzène). Une première étape, selon Katrin Langensiepen (Verts, écologistes), qui attend des révisions du texte: “Grâce à la persistance de ce Parlement on a fait un grand pas en avant mais le travail n’est pas encore terminé. 25 substances doivent encore être incluses dans la liste. On ne peut pas accepter qu’un seul travailleur tombe malade à cause d’un manque de protection”. Les données de l’Union Européenne (UE) montrent que 52 % des décès liés au travail sont dus aux cancers d’origine professionnelle.
Le salut nazi d'un député bulgare a perturbé la session du Parlement européen mercredi 16 février. ©Capture d'écran Parlement européen
Ce mercredi 16 février, au cours d'un débat sur l’État de droit au Parlement Européen à Strasbourg, le député bulgare Angel Dshambazki a quitté l’hémicycle en se fendant d’un salut nazi. Ce geste du membre du groupe « Conservateurs et Réformiste » n’a duré qu’une poignée de secondes mais a entrainé une vague d’indignations au sein du Parlement Européen. « Ce geste appartient au chapitre le plus sombre de notre histoire et doit y rester », a réagi la Présidente du Parlement Roberta Metsola. Le français Stéphane Séjourné, président du groupe Renew, s’est dit « choqué qu’une telle chose ait pu se produire dans l’hémicycle qui incarne la démocratie européenne, celle qui s’est construite justement contre le nationalisme ». Nombreux sont les députés à demander des sanctions contre Angel Dshambazki qui a déclaré pour sa défense avoir fait « un simple salut ».
La nouvelle directive européenne visant à réduire les substances toxiques dans les jouets a été adoptée par les eurodéputés à la quasi-unanimité. En plus de revoir à la baisse les taux de substances cancérigènes et mutagènes autorisés dans les jouets, elle va rendre plus difficile l’obtention de dérogations pour les fabricants. Elle va également supprimer le distingo entre les compositions des jouets destinés aux enfants de moins de 36 mois et les autres. Principales nouveautés: l’interdiction de l’usage de perturbateurs endocriniens et la prise en compte des jouets électroniques ou utilisant l’intelligence artificielle: “Les enfants peuvent être soumis à des manipulations ou à des localisations”, a plaidé le rapporteur Brando Benifei (SD, sociaux-démocrates). Une façon comme une autre pour l’Union européenne de protéger les futures générations.
L’instauration en 1986 du Marché unique avait aboli les tarifs douaniers, mais les entraves à la libre circulation des personnes, biens, services et capitaux restent nombreuses. Voté ce mercredi 16 février, le rapport de l’eurodéputé Kosma Złotowski (CRE, nationalistes) s’attaque aux derniers obstacles au libre-échange. Dans le collimateur des députés, on trouve notamment la pratique du « gold-plating » (« plaquage or »). Cette expression, en vogue à Bruxelles, désigne les normes nationales contraignantes qui forcent les entreprises étrangères à dépenser des sommes importantes pour se conformer à la régulation du pays où elles s’implantent. Le Parlement appelle donc les États membres à s'aligner davantage avec la législation européenne. Surtout, les parlementaires condamnent le repli protectionniste observé à l’occasion de la pandémie de covid-19. Ils déplorent la fermeture des frontières, qui a perturbé les chaînes d’approvisionnement en matériel médical et empêché la mise en place d’une réaction européenne unie face à cette crise sanitaire.