C’est avec gravité que la rapporteuse hongroise Anna Júlia Donáth a défendu son rapport lundi au Parlement européen. Dans celui-ci, elle s’inquiète de la réduction de l’espace dévolu à la société civile en Europe. Les syndicats, ONG et autres journalistes auraient selon son rapport de moins en moins de place pour exercer correctement leurs activités. Ils seraient notamment victimes de cadres législatifs oppressifs visant à réduire leur puissance d’action en les poussant à l’autocensure. Or, comme l’a souligné la députée, leur rôle est primordial dans la défense des droits fondamentaux et des démocraties européennes.
Au moment où la guerre en Ukraine laisse présager des conséquences à long terme sur sa société civile, la rapporteure Anna Júlia Donáth a souligné en ces mots la pertinence de son rapport : « Lorsque les réfugiés ukrainiens franchissent les frontières européennes, qui sont là pour les aider ? Pas des soldats, pas des politiques ou des fonctionnaires mais des gens comme vous et moi, des gens de la société civile. » Parmi les solutions envisagées, le texte souhaite garantir aux organisations la possibilité de participer à l’élaboration des lois et des politiques. Il veut aussi surveiller l’accès de ces derniers à des financements durables. Ce rapport a été voté par la majorité des députés. Didier Reynders, commissaire européen à la Justice a assuré que le « rapport alimentera les travaux de la Commission européenne ».
Avec la guerre en Ukraine, l’UE est au pied du mur. L’invasion russe a fait valser toutes les convictions européennes en matière de défense. Le sujet est revenu au cœur des débats et pour une majorité de parlementaires, il est temps de s’accorder sur une politique de sécurité commune et coordonnée, face à la menace russe.
« L’heure est venue de nous doter d’une Union de la Défense digne de ce nom ». Il y a encore quelques semaines, une telle déclaration de la part de la présidente du Parlement européen aurait été impensable. C’est pourtant ainsi que Roberta Metsola a ouvert le débat sur le nouveau rôle de l’Union européenne au cœur de la crise actuelle, ce mercredi 9 mars à Strasbourg. « Le conflit en Ukraine a fait voler en éclat le monde tel que nous le connaissons », a renchéri la présidente. Et pour cause, deux semaines après les premiers assauts russes, les débats ont été plus que jamais monopolisés par l’idée d’une politique commune de défense européenne.
Cette année, la journée internationale des droits des femmes est marquée par l’horreur de la guerre en Ukraine. Petit-déjeuner-débat, plénière, invitées d’honneur, le Parlement européen se concentre particulièrement sur l’héroïsme et les conditions de vie des Ukrainiennes.
« Quand il y a des bombardements, ma mère dit à ma petite sœur de dix ans que ce sont des feux d’artifices pour ne pas l’inquiéter », raconte avec émoi Oleksandra, la vingtaine, actuellement en stage au Parlement européen. Elle est l’une des six Ukrainiennes conviées au petit-déjeuner-débat à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes. Dans la villa Schutzenberger de style art nouveau, à deux pas du Parlement, ces invitées sont installées autour d’une grande tablée. Après quelques viennoiseries et un café nécessaire pour chasser la nuit encore marquée sur leurs visages, elles prennent la parole tour à tour. L’ambiance intimiste de la salle sombre amplifie l’émotion des appels à l’aide déchirants. « Ma grand-mère ne peut pas évacuer et ses médicaments sont indisponibles car elle est encerclée par les forces russes. Beaucoup d’amies de mon âge accouchent sous les bombes, dans des bunkers. C’est terrible… », se désole Oleksandra. L’évènement se conclut sous des applaudissements chaleureux : « Slava Ukraini ! », lance la jeune Ukrainienne. Un cri repris en cœur avant que tout le monde ne parte en séance plénière.
D’autant plus que cela pourrait décourager d’autres pays candidats à l’adhésion. « Une réponse favorable à l’Ukraine pourrait créer des effets pervers vis-à-vis de la Bosnie », analyse l'eurodéputé français Arnaud Danjean (PPE, centre-droit). L’ancienne république yougoslave attend en effet une réponse à sa candidature depuis 2016.
La corruption et les manquements à l’État de droit sont aussi des obstacles à l’entrée des trois pays dans l’UE. Sur le plan économique, ils restent fragiles. C’est notamment le cas de la Moldavie qui a le salaire minimum brut le plus bas d'Europe : 46 euros mensuels, soit 35 fois moins que le Luxembourg.
Les États menacés géopolitiquement ont besoin d’un symbole en temps de guerre, comme le souligne Richard Stock, directeur général du Centre européen Robert Schuman : « Ce que les gouvernements réclament, c’est la possibilité de faire croire que cette adhésion serait possible, car cela galvanise la population face aux Russes. »
Tara Abeelack et Milan Busignies
Les bombes et les chars russes ont précipité la demande d’adhésion de l’Ukraine, de la Moldavie et de la Géorgie à l’UE. Les eurodéputés ont soutenu leur démarche lors d'une session plénière exceptionnelle, organisée après l'invasion de la Russie. Le sujet a été également été débattu lors du sommet de Versailles, qui réunit les 27 chefs d’État, ce jeudi 10 mars.
Une menace au-delà des frontières ukrainiennes
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a plaidé pour une intégration « sans délai » dans l’Union. Ses voisins lui ont emboîté le pas. La Moldavie craint notamment les conséquences de la guerre. Chisinau partage en effet 940 kilomètres de frontières avec l’Ukraine. Une inquiétude renforcée par la présence de la Transnistrie, une région moldave pro-russe autoproclamée indépendante depuis 1992. Du côté de la Géorgie, l’intervention militaire du Kremlin en 2008 reste dans tous les esprits. L'opération visait à soutenir les zones russophones d’Ossétie du Sud et d’Abkhazie contre Tbilissi.
Le début d’une longue procédure
Le 7 mars, l’Union européenne a officiellement lancé l’examen des trois demandes de candidature. La Commission doit rendre un avis sur la question. S’il est positif, c’est alors aux 27 ministres européens de valider définitivement le statut de candidat. Pour appuyer leur candidature, les trois Etats invoquent l’article 49 du traité sur l’UE. Selon ce texte, tout pays qui estime respecter les valeurs de l’Etat de droit et de la démocratie peut demander à devenir membre. Une étape qui ne garantit pas forcément une adhésion ultérieure.
La procédure est en effet longue et nécessite d’examiner les acquis communautaires : 35 chapitres portent sur les obligations à respecter. Parmi les prérequis, les pays sont contrôlés sur la conformité de leurs institutions avec l’État de droit, leur politique fiscale ou encore sociale. Selon Sophie Pornschlegel, analyste au think tank EPC (European policy centre), « c’est un processus qui va durer au moins une dizaine d’années ».
Lutter contre la corruption
Ce rapport propose l’élimination progressive des passeports dorés d’ici 2025, une régulation stricte des visas et un prélèvement de 50% au bénéfice de l’UE sur chaque investissement en échange d’un titre de séjour ou d’une citoyenneté. « Nous voulons des investissements injectés dans l’économie réelle et faire en sorte que les investisseurs de bonne foi obtiennent des visas dans les États membres », explique Sophia In’t Veld.
Facteurs de corruption et de blanchiment d’argent, ces programmes sont très critiqués par la majorité des eurodéputés, notamment par le grec Konstantinos Arvanitis (La Gauche) : « Il est inhumain d’avoir des personnes qui meurent de froid, qui se noient à nos frontières alors qu’il existe une porte pour blanchir l’argent sale ».
Seule l'extrême droite européenne défend une position plus nuancée : « La culpabilité est individuelle. C’est une des valeurs de l'Europe. Il ne faut pas condamner l’ensemble des oligarques et leurs familles », tempère l’allemand Nicolaus Fest (ID, extrême droite). Ce dernier a participé à la rédaction du rapport mais s’est abstenu lors du vote en plénière.
Un rapport qui met la Commission sous pression
Dans ce contexte, la Commission européenne se retrouve sous pression pour proposer des solutions : « Cette fois je ne vais pas vous lâcher, je vais vous traquer, vous pourchasser, jusqu'à ce que vous fassiez cette proposition », a averti Sophia In’t Veld en s’adressant directement à Didier Reynders, commissaire aux libertés civiles, de la justice et aux affaires intérieures.
L´élu néerlandaise, qui porte ce combat depuis 2014, accuse la Commission de vouloir laisser les États membres concernés adopter leur propre législation sur le sujet. Le risque étant qu'à l'échelle nationale, rien ne soit fait et que le problème perdure.
Selon une étude réalisée en octobre 2021 par la Commission, 132 000 personnes ont obtenu une résidence ou la citoyenneté européenne par le système des passeports dorés entre 2011 et 2019. Cela représente un investissement total d’environ 21,4 milliards d’euros dans les États concernés.
Dorian Mao et Amine Snoussi
Lors de la session plénière du Parlement européen à Strasbourg, les députés se sont penchés sur les passeports et les visas dorés. Une pratique controversée qui revient dans l’actualité avec les sanctions prises contre les hommes d’affaires proches de Vladimir Poutine.