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Gaby Guthmann dans les jardins d'Euroasis. ©louise forbin

Tout en avançant, elle ajoute que le canal de la Marne au Rhin et ses berges fonctionnent comme un véritable “corridor écologique”. Il  “permet à la faune et à la flore d’y vivre et de se déplacer librement”. Dans le décor industriel du quai Jacoutot, il est encore possible de s’émerveiller. “En mai, on a vu des lucioles. Moi, je n’en avais jamais vu de ma vie”, sourit Anne Claire, d’Euroasis. “Vous avez déjà vu des lucioles, vous?”

 

Pierre Tryleski, médecin citoyen

Généraliste installé à la Cité de l’Ill depuis 1988, Pierre Tryleski préside la Maison urbaine de santé (MUS) dans ce quartier défavorisé de la Robertsau. Il défend un "choix citoyen".

Adapter le domicile des personnes âgées

Pour vieillir à la maison, des aménagements spécifiques s’imposent. Les points fondamentaux consistent à faciliter les déplacements entre chaque pièce et à éliminer les éléments pouvant présenter un danger. Pour y faire face, la salle de bains est une pièce stratégique. Il est impératif d’y ajouter des barres de maintien et de changer la baignoire en douche. Des aménagements qui représentent un coût important. Les personnes âgées peuvent bénéficier de subventions comme l’Aide personnalisée d’autonomie dont le montant varie en fonction de leur état de dépendance.

 

Au bout du quai, le port aux pétroles a recours à des fauches régulières pour se prémunir des incendies. Elles ont lieu trois fois dans l’année : “une au printemps, la coupe de sécurité, une fin juin-début juillet, la fauche de propreté, et enfin la fauche hivernale”, regrette Marie-Madeleine Leroy. Animaux pris au piège, perte de fleurs pour les insectes pollinisateurs : la coupe “nuit à la biodiversité”, justifie la militante.

“Je passe énormément de temps à écouter les gens”, déclare Chantal Acker Marx, souriante. Pendant treize ans, elle s’occupait de planifier des voyages d’affaires pour le compte d’American Express. En 2013, elle quitte l’entreprise dans le cadre d’un plan de départ volontaire. Elle imagine d’abord une reconversion en tant qu’auxiliaire de puériculture. Réalisant que le métier ne correspond pas à sa vision du soin, elle commence une formation de naturopathe à l’école Plantasanté en 2018. “Ce que je fais maintenant, pour moi, ça a du sens”, confie celle pour qui le naturopathe est un “éducateur de santé”. Son rôle consiste à redonner les bases du bien-être grâce à l’alimentation, la gestion des émotions ou l’activité physique. La thérapeute explique avoir une préférence pour les techniques du toucher comme la réflexologie, le magnétisme ou la massothérapie.

Un portrait socio-économique défavorable à la Cité de l’Ill

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André Mauchoffé (à droite) est propriétaire depuis 1977 d’un ancien corps de ferme rue Hechner. Son fils, Régis (à gauche), a rénové la grange il y a une dizaine d’années. ©Baptiste Candas

Quartier à la population de 22 000 habitants, la Robertsau abrite un hôpital spécialisé en gériatrie, une clinique (Sainte-Anne) et des dizaines de cabinets médicaux et d’infirmerie. Dans les rues calmes de ce secteur résidentiel, une économie florissante consacrée à la santé s’est développée au cours des années: pharmacies, laboratoires d’analyses, opticiens, boutiques de prothèses auditives.

Mais ces services ne sont pas répartis uniformément, loin de là. Avec ses 106 professionnels de santé, la rue Boecklin, principale artère du Vieux Robertsau, concentre la majeure partie de l’offre libérale de santé du quartier. À l'inverse, la Cité de l’Ill est sous-dotée: la Maison urbaine de santé (MUS), inaugurée en janvier 2021, dispose d’un panel sommaire. À part cette structure, ce Quartier prioritaire de la ville (QPV) ne compte que deux cabinets de médecine généraliste, un cabinet d'infirmerie libérale et une pharmacie.

Pour la géographe Wahida Kihal, du Laboratoire image ville et environnement (LIVE) de l’Université de Strasbourg, “quand on parle de santé libérale, la première chose à prendre en compte est que les médecins libéraux, et plus généralement tous les services associés à la santé, s’installent là où ils le souhaitent”. Il s'agit de choix conscients, fruit d’une stratégie des praticiens, qui ont des effets concrets sur la population des territoires délaissés.

La chercheuse distingue les notions de “disparité” et d’“inégalité” dans la répartition des professionnels de santé. Le premier terme désigne une absence d’offre de soins justifiée par un manque de demande. Par exemple, dans un territoire vieillissant, on trouve moins de pédiatres. Le terme d’“inégalité”, en revanche, renvoie à un vide médical lorsque la demande existe. 

C’est le profil socio-économique du quartier qui entraîne ces inégalités: dans les zones les plus défavorisées, les professionnels hésitent à s’installer, alors même que les besoins en matière de santé sont importants. La Complémentaire santé solidaire (CSS) permet le remboursement des soins pour les plus démunis, mais certains médecins refusent de prendre en charge les bénéficiaires de cette aide. La géographe souligne le paradoxe de la situation: “Un dispositif censé garantir l’accès égal aux soins pour tous devient un frein à l’accès au soin pour les personnes vulnérables.”

Cartographier l’accès inégal à la santé

Pour cartographier les inégalités de santé, Wahida Kihal utilise un “indicateur de défaveur socio-économique” qui met en lumière les caractéristiques des espaces fuis par les médecins et services de santé.

L’indicateur prend en compte plusieurs variables socio-économiques fournies par l’Insee: le taux de chômage, le revenu médian, le taux de familles monoparentales, la part des prestations sociales dans le revenu total, la part des enfants déscolarisés à partir de 15 ans, entre autres. L’objectif est de déterminer dans quel domaine les pouvoirs publics peuvent agir pour garantir l’égal accès aux soins.

En matière d’offre libérale, ces derniers sont impuissants: “On ne peut pas forcer la main aux médecins.” Cela explique l'aggravation du problème des déserts médicaux depuis plusieurs années. “Par contre, pour s’assurer de la prise en charge des patients bénéficiant de la Complémentaire santé solidaire (CSS), on peut imaginer la mise en place de contrôles pour vérifier le respect de la loi. Mais même cela est compliqué, parce que certains médecins ne jouent pas le jeu”, regrette l’universitaire.

Pierre-Mickaël Carniel et Matei Danes

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