Si les habitants de la Cité de l’Ill jouissaient d’un accès aux soins égal à celui des autres habitants de la Robertsau, seraient-ils en meilleure santé, auraient-ils la même espérance de vie ?
Ce n’est pas aussi simple. Beaucoup de gens ne trouvent pas la porte d’entrée. Aujourd’hui, pour avoir accès à un médecin spécialisé par exemple, il faut passer par Doctolib. Il faut avoir un smartphone, un abonnement, et savoir naviguer sur internet. C’est le problème de la fracture numérique: certaines personnes renoncent à se soigner parce qu'elles ne maîtrisent pas ces outils.
Pins, mésanges et chevreuils
La destruction des pins sylvestres, peupliers et marronniers aura un impact indéniable pour les riverains. Mais les espèces qui nichent actuellement dans cet espace ne devraient pas trop pâtir de sa disparition. “Il n’y a pas de cigogne blanche là-bas. Les mésanges, rouges-gorges et pics s’en sortiront très bien si des nichoirs sont installés dans les futurs jardins”, avance Bernard Irrmann, membre de la Ligue de protection des oiseaux (LPO). “On les entend beaucoup ici, à tel point que parfois on ne s’entend plus parler, et c’est super! Ce serait une vraie perte de ne plus les avoir”, se lamente pour sa part Christiane Cornec Rubio, dont le balcon fait directement face au bois.
Écureuils, chevreuils, blaireaux et sangliers seront eux aussi contraints à l’exil. “On est à côté d’une grande réserve de l’Eurométropole, qui s’étend sur des milliers d’hectares, donc le petit bois qui va être détruit c’est peanuts!”, confie Mathieu Bafaro, responsable pédagogique au Centre d’initiation de la nature et de l'environnement (Cine) de Bussierre. “Certes, cela sera une destruction de leur milieu naturel mais les animaux se rapatrieront vers la réserve naturelle.”
Les étudiants de l’Institut de formation en soins infirmiers (Ifsi) de Strasbourg ont vécu la crise sanitaire en première ligne. Si la plupart d’entre eux ont confirmé leur vocation, la gériatrie, elle, peine toujours à recruter.
“On est l’offre, et la demande est tellement haute”, expose Elouan, 21 ans. Étudiant infirmier en première année, le Breton prend l’air devant le bâtiment vitré de son école, dans le quartier de la Robertsau, à Strasbourg. Décontracté, il explique que son futur métier ne lui fait pas peur: “Je vois ça comme un avantage. Les conditions de travail sont tellement pourries qu’il y a plein de postes à prendre. On arrive en position de force.” Selon une enquête de la Fédération hospitalière de France menée en 2019, il y aurait en effet 2 à 5% de postes vacants chez les soignants.
En avril 2021, Elouan a postulé à l’Institut de formation en soins infirmiers (Ifsi) de Strasbourg sur Parcoursup. Comme lui, près de 700 000 candidats ont formulé au moins un vœu dans un Ifsi cette année. Depuis la suppression du concours au profit d’une sélection sur dossier, en 2019, la formation des blouses blanches est de loin la plus demandée sur la plateforme. Cette année, l’établissement de la Robertsau a étudié plus de 3 500 dossiers de candidature pour n’en retenir que 175. S’il y a donc beaucoup d’appelés pour peu d’élus, les candidats ne se découragent pas. Un engouement d’autant plus surprenant que selon une étude réalisée par l’Ordre des infirmiers en 2021, près de 40% des infirmiers affirment que "la crise leur a donné envie de changer de métier".
Pourquoi vous êtes-vous installé à la Cité de l’Ill ?
C’est un choix citoyen, je veux participer à la vie de la cité! Je revendique cette position: répondre aux besoins de santé est un acte citoyen. C’est pour cette raison qu’avec un autre médecin généraliste, on a créé la MUS en 2014. En 2020, on a emménagé ici dans cette nouvelle structure, au pied de la tour Schwab. Elle propose médecine générale, soins dentaires, aide psychologique et administrative, cabinet d’infirmerie.
Mais même ainsi, je considère que l’offre reste trop faible par rapport au reste de Strasbourg. Notamment en matière de soins spécialisés et par rapport à la densité de population qu’on trouve à la Cité de l’Ill.
Quelle est la situation de santé des habitants de la Cité de l’Ill ?
Ils sont en moins bonne santé de manière catastrophique. Ils meurent plus tôt, leur espérance de vie sans incapacité est moindre. En tant que médecin, c’est terrible de penser que la pauvreté joue un rôle déterminant en matière de santé et est associée à un risque de faire un AVC, de mourir plus tôt.
À la Cité de l’Ill, j’observe un certain nombre de pathologies chroniques: des problèmes dentaires, de l’obésité, des bronchites chroniques, du diabète, ainsi que des problèmes mentaux tels que l’isolement, la souffrance, la tristesse. Certaines zones du Neuhof, de Cronenbourg et de Hautepierre sont plus pauvres encore, et la situation y est encore plus préoccupante.
Le chant du pic vert peine à se faire entendre sous le vrombissement incessant des camions qui se dirigent vers le port aux pétroles, sa zone Seveso et ses friches. À partir du Pont du Canal, une dizaine de bâtiments abandonnés ou terrains inutilisés jalonnent le quai Jacoutot. Ici, la nature reprend ses droits, aidée ou non par la main de l’Homme. Cachée par d’épais sapins, Euroasis est la première de ces friches.
Baptiste Candas et Quentin Celet
Destruction d’un habitat naturel
La migration des animaux est possible car le bois de Bussière fait partie d’une trame verte et bleue, sorte de corridor écologique permettant de relier différents réservoirs de faune. Les conséquences de son remplacement par des logements sont “la destruction et la fragmentation des habitats”, comme l’explique l’Eurométropole sur le site Strasbourg ça pousse. “Certains effectifs sont en net déclin avec la disparition des habitats. C’est le cas du triton crêté qui vit dans le bois”, alerte Frédéric Petitpretz, bénévole au sein de Bufo, l’association d’étude des amphibiens et reptiles d’Alsace. Selon lui, le plus grand triton de la région, au ventre jaune vif ponctué de ronds noirs, se reproduit dans les mares rue de Bussière de mars à juillet et “fait sa petite vie terrestre la plupart du temps, sous des feuilles, des racines ou des souches”. Pour assurer la survie de cette espèce classée “quasi menacée”, il faudrait une mare tous les kilomètres environ.
Accepter l'évolution du bâti
Marc Hoffsess, l’adjoint à la maire de Strasbourg défend qu’il faut accepter l’évolution du bâti qui témoigne de son temps. “Une construction contemporaine, placée à côté d’une maison typique, affirmera l’architecture de notre époque, tout en valorisant par contraste celle du temps passé. Rien de pire que l’architecture pastiche!”
L’âme rustique de la cité, à laquelle sont tant attachés les habitants, ne risque pour autant pas de disparaître. L’exiguïté des terrains empêche les constructions massives et constitue donc un allié de préservation de l'architecture locale.