Avec le Port-du-Rhin, le quartier de la gare est depuis longtemps le repaire des vandales. SekuOuane y a graffé à ses débuts dans les années 2000 avant de se tourner vers une pratique plus professionnelle. “C'est un secteur de passage. C'est une question de visibilité. Plus t'es proche des autoroutes et de la voie ferrée, plus tu vas avoir une concentration du graffiti”, précise-t-il.
“Vous arrivez dix ans trop tard”, déplore Wise, graffeur à Strasbourg depuis une vingtaine d’années. Pour lui, la scène strasbourgeoise est morte, les vandales ne se font plus voir. L’artiste aux 17 000 followers sur Instagram a beaucoup posé son blaze illégalement sur les murs de la ville. Aujourd’hui, sa signature colorée tout en courbes orne la chambre 105 du Graffalgar. Dans les autres pièces de cet hôtel fondé en 2014, les visiteurs profitent des œuvres de différents artistes professionnels, surtout strasbourgeois.
En 2015, les Zones franches urbaines (ZFU) ont laissé place aux Quartiers prioritaires de la ville (QPV). L’objectif d’un tel classement est de décloisonner un quartier marginalisé et défavorisé. Pour pallier le manque d’attractivité d’un QPV, trois grands axes de travail sont privilégiés : cohésion sociale, développement économique et renouvellement urbain.
La Laiterie fait partie des 18 QPV que compte l’Eurométropole. Situé au sud du quartier Gare, ce secteur a pour particularité d’être un QPV de petite taille (13 ha pour 3500 habitants), marqué par une forte précarité et un manque d’ancrage de sa population.
Prisé des graffeurs depuis toujours, le quartier Gare accueille aujourd'hui des fresques subventionnées par la ville. Ce qui génère des tensions entre les différents artistes à la bombe.
Le lieu a été plutôt bien fréquenté cet été mais les visiteurs se font désormais plus rares. Avec l’éviction de l’ancienne cuisinière Adama, l’égérie du Wagon Souk, à la suite d’un conflit avec Mohammed Zahi, c’est la pérennité de la structure qui est menacée. “Ce n’est pas le rêve américain ici”, regrette le président de l’association qui envisage de fermer et de se délocaliser à Marseille.
Mathilda Idri et Anis Boukerna
Si plusieurs habitants apprécient les efforts d'aménagement du QPV, concernant l'offre de commerces, ils attendent mieux. D’après Yann, résidant depuis 20 ans, “les commerces du coin ne satisfont que le strict minimum” et regrette qu’il n’y ait pas davantage de vie de quartier et de lieux conviviaux, “comme des cafés”. “C’est dommage qu’il n’y ait pas plus de commerces diversifiés ici”, regrette de son côté Baptiste, qui s’est installé il y a quatre ans. Huit ans après son classement en QPV, la Laiterie peine toujours au plan économique, et les entreprises en paient le prix.
Carla Génévrier et Zoé Dert-Chopin
Elle ne reçoit aucune aide ni subvention. “Le choix de faire une association est un choix de liberté”, explique Mohammed Zahi. Il craint d’être sous le joug des politiques et de ne plus pouvoir être autonome en acceptant de recevoir des aides publiques. Pourtant, il lui arrive de postuler à des appels à projet “lorsque les activités du Wagon Souk correspondent à ce qui est recherché”. Mais il se plaint de n’être jamais sélectionné.
Dans le hall sud de la gare, les ouvriers, dissimulés derrière de larges palissades s’affairent et les coups de marteau retentissent. Quinze ans après l’installation de la verrière de 6 000 m², les travaux ont repris. Débutés en mars 2022, ils devraient se poursuivre jusqu’à l’été 2024 pour un coût de six millions d’euros. Le projet implique une rénovation du bâtiment principal, un meilleur accueil des personnes en situation de handicap et surtout, une nouvelle offre commerciale. L’ambition affichée : se mettre à niveau des grandes gares européennes. Il faut dire que la gare de Strasbourg accueille 59 milliers de voyageurs par jour ; un chiffre en constante augmentation entre 2015 et 2019.