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La mairie souhaiterait faire de la Coop le “nouveau Berlin”, un espace artistique, jeune et attractif. Selon Zoé Bouchicot, c’est une “volonté de gentrification” qui se cache derrière ce projet. Une démarche qu’elle compare à celle opérée dans le quartier Gare dans les années 2000 et qui séduit certains artistes. Au Bastion XIV, Mathilde Cochepin s’y voit déjà. De retour de l’exposition “Résonance(s)”, la céramiste et illustratrice pour enfants déballe une tête de crocodile colorée. Dès la fin de son bail, elle prévoit de rejoindre les Ateliers bois du quartier Coop.

Le quartier de la Laiterie, de 13 hectares et 3 500 habitants, est classé depuis 2015 comme Quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV). Ce dispositif national vise à rendre plus attractives des zones socialement défavorisées. Pour atteindre cet objectif, trois piliers sont fixés : la cohésion sociale, le renouvellement urbain et le développement économique. À l’échelle de la Laiterie, le programme a été établi dans le contrat de ville de l’Eurométropole, signé par 43 partenaires institutionnels. Sur le papier, l’ambition économique est clairement énoncée : “Soutenir les commerces et services existants”. Parmi les priorités alors envisagées : encourager la création d’entreprises, valoriser les devantures et créer une association de commerçants. Huit ans plus tard, le bilan est décevant.

"Après tu peux bosser n’importe où dans le monde"

Comme chaque midi depuis 2012, N’Guyen Anza s’affaire à essuyer les derniers verres du service, derrière le grand comptoir de sa brasserie Au Gobelet d’Or, en plein cœur du quartier de la Laiterie. Il connaît bien ce secteur puisque ses parents ont repris le restaurant en 1988. Oui, je sais qu’on est dans un quartier prioritaire mais je n’ai jamais reçu d’aides de la part de la Ville, en tant que commerçant”, confie N’Guyen Anza. Il n’aurait pas refusé une aide pour remplacer prochainement les immenses baies vitrées, typiques mais vieillottes, de son établissement. Ce sera sur ses deniers propres.

Différents modèles d'économie sociale et solidaire coexistent au sein du quartier Gare. Des interrogations se posent quant à la pérennité de ces structures, toutes soumises à des contraintes financières.

La Coop : “le nouveau Berlin” ?

Quartier prioritaire de la Ville depuis 2015, le sud du secteur Gare devait bénéficier d’aides économiques. Les promesses peinent à se concrétiser.

Cette réputation a persuadé plus de 120 entreprises de l’Eurométropole à choisir des alternants issus de la maison strasbourgeoise. C’est le cas de la boulangerie Gare’mandise située place de la Gare. Son patron, Sylvain Ruhlmann, formé en partie chez les Compagnons, a décidé de se tourner vers l’institution : Ça aide d’être passé là-bas. Si on est dans le besoin, on appelle la maison. Les jeunes ont des profils très intéressants, ils ont cette philosophie d’aller plus loin.

 

[ Plein écran ]

Les travailleurs s'activent sur le chantier de la ligne G. 
©  Lisa Delagneau

Une cafetière à la main, Marie Storup, l’une des fondatrices du Cric, se souvient de ses années au quartier Gare : “La cuisine au centre, on a gardé ça de la Semencerie, pour le côté collectif.” La scénographe ne regrette pas son ancien atelier. “Ici, c’est moins crado. C’est plus bobo, lance-t-elle avec une pointe de sarcasme. L’hiver, il m’arrivait de retrouver ma colle gelée par le froid à la Semencerie.” À la gare, le bâtiment n’est pas chauffable. Écharpes, bonnets, polaires… Les artistes doivent s’adapter aux températures difficiles et à l’absence de lumière naturelle dans leurs ateliers.

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