© Julie Lescarmontier et Angelina Lenez
Le coût de l’indépendance
A contrario, certaines structures sociales et solidaires font le choix de refuser des subventions. C’est le cas du Wagon Souk. Situé rue du Rempart, il est géré par l’association Sauver le Monde présidée par Mohammed Zahi. Les revenus du Wagon Souk proviennent exclusivement de ses activités : cantine et café solidaires, vente de plantes, friperie, réparation et vente de vélos et événements. Afin de s’adapter aux petits budgets, une grille tarifaire a été mise en place, notamment pour la cantine, avec des prix basiques, solidaires et de soutien.
L’association peut se permettre d’être déficitaire, ses pertes financières sont compensées par les gains des autres associations du réseau Caritas Alsace. Le but de Carijou n’est pas tant de générer du profit que d’aider à la réinsertion et au pouvoir d’achat des plus modestes.
Pas d'association de commerçants
Quant à l’association de commerçants du quartier, elle n’a pas vu le jour. Christelle Ladenburger admet que “pour la mise en place d’un réseau des commerçants, il y a encore du travail” À propos du développement économique, elle nuance : “Tout n’est pas encore enterré. On avait fait une étude du tissu économique du quartier Gare-Laiterie en 2018-2019, mais faute de moyens humains il n’a pas été possible de poursuivre ce travail. On a répondu à d’autres urgences, notamment depuis 2020 (du fait de la crise Covid, ndlr).”
En 2000, l’intérim s'installe
Un autre symbole de la transformation du Faubourg-de-Saverne ces vingt dernières années est l’installation en nombre d'agences d'intérim. “Manpower est arrivé au début des années 2000, puis d’autres, aujourd’hui il y en a cinq dans la même rue”, témoigne Sophie Veith, responsable de l’agence Manpower depuis 2011. La dernière à rejoindre le Faubourg, Morgan Service, est arrivée en 2018.
Cela fait deux décennies que cette enseigne existe et pourtant “ça a toujours été compliqué financièrement”, explique Jean-Daniel Delrue, encadrant technique chez Carijou. Même si les clients sont nombreux, les prix sont trop bas pour que l’association atteigne l’équilibre financier. Il est question de les augmenter, tout en conservant une politique de prix abordables.
Le prévôt de son côté s’en défend : "Ça paraît très sectaire, on le comprend, c’est un circuit fermé. On nous voit avec des habits rituels, c’est visuel. Mais à la différence d’une secte, on n’oblige personne à rester."
Autre association sociale et solidaire installée dans le quartier, Carijou a bien failli fermer ses portes il y a quelques années à cause de problèmes financiers. Le magasin de jouets d’occasion n’est d’ailleurs pas sorti d’affaire. Son concept : vendre à bas prix des jeux pour les familles modestes. Son but est aussi de favoriser l’insertion : ses 13 employés bénéficient d’un CDDI (contrat à durée déterminée d’insertion), qui permet d’être formé et de travailler pendant deux ans. L’atelier de Carijou, situé dans le quartier de la Meinau, reçoit les dons de jouets et les restaure. Ils sont ensuite vendus dans deux magasins strasbourgeois, dont un se trouve rue Faubourg-National.
Soutenir les auto-entrepreneurs
À défaut de subventions, l’Eurométropole et ses partenaires tentent bien d’encourager des résidents de QPV à se lancer dans l’aventure de l’entreprenariat. L’accès au crédit devient par exemple plus facile. Pour ceux qui ont un projet, il y a CitésLab. Fruit du partenariat entre l’Eurométropole et l’agence de conseils Tempo, ce dispositif accompagne toutes les étapes de la création d’entreprises. L’objectif est de pérenniser ces projets au sein du QPV. En réalité, au moment de se lancer “tous (les entrepreneurs, ndlr) ont en tête un jour de quitter le quartier ”, reconnaît Matthieu Bolot, chargé de mission à CitésLab, en parlant des 19 habitants de la Laiterie qu’il a accompagnés de 2017 à aujourd’hui. Mais si les gens veulent partir, pourquoi passe-t-on de 120 entreprises à 156 à la Laiterie, entre 2015 et 2019, d’après l’Insee ? “Enormément d’auto-entrepreneurs travaillent de chez eux ”, ajoute Matthieu Bolot. Si une trentaine d’entreprises tiennent une vitrine, 85,3 % d’entre elles sont belles et bien invisibles.