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Une culture peut en cacher une autre

25 novembre 2022

Une culture peut en cacher une autre

Street art, stand up, féminisme, le quartier Gare héberge un concentré de cultures en mouvement. Une large palette d'acteurs y dessinent une mosaïque singulière.

“Ici, si un gars te dit qu’il n’a pas mangé depuis trois jours, c’est qu’il ne fait pas d’effort”, pense le jeune homme. Le couple préfère acheter les aliments qu’il consomme, mais quand la manche n’est pas fructueuse - généralement 45 € en une journée - il se rabat sur l’une des maraudes. “Et si tu ne la trouves pas un jour, tu peux être sûr qu’il y en aura une autre le lendemain, même le dimanche”, lance Elie.

Capsule, poils bruns et museau blanc, n’est pas en reste. Tous les vendredis, les membres de l’association Gamelles pleines fournissent des croquettes. Les passants, eux aussi, se montrent généreux avec le chien. “Parfois, il mange plus que nous”, s’amuse Enzo.

Adélie Aubaret et Camille Perriaud 

[ Plein écran ]

Apprenti manipulant la poche à douille pour détailler une planche en chocolat dans l’atelier. © Audrey Burla

Côté friperie, les prix sont libres avec un montant minimum en fonction des vêtements. Par exemple, il faut compter au moins 6 € pour une veste. Les recettes permettent de payer les charges incompressibles telles que le loyer du local, appartenant à la mairie, de 800 € par mois. Le président indique que l’association, en déficit, survit pour le moment grâce aux économies qu’elle a accumulées.

“Sans les aides, ça ferait longtemps qu’on serait fermé”, confie-t-il. Mais Carijou a un atout, elle dépend de Caritas Alsace, une structure caritative faisant partie du réseau du Secours Catholique. Grâce à elle, l’association bénéficie d’aides financières de la Région, de la Ville de Strasbourg mais aussi du Fonds social européen (FSE).

Après avoir été hébergé six jours au quartier Gare, le jeune homme a été contraint de retourner à la rue avant de refaire une demande, restée sans réponse. Pour les profils comme Alain et Hamza, le Point accueil solidarité propose un abri de jour. Cette structure unique en France, initiative de la SNCF, accompagne depuis 1998 les précaires dans leurs démarches administratives.

La responsable, Michèle Boehm, se sent impuissante face à la prise en charge de ces personnes : “Là, on en est à se demander si on héberge celui qui n’a qu’un bras, celui qui est en fauteuil, ou celui qui est en chimio… Qui on prend ? C’est horrible.” Mehdi Bouzouad, président de l'association Ô cœur de la rue 67, multiplie de son côté les appels aux hôteliers du secteur. Il essaie de trouver des places, souvent en vain, aux sans-abris qu’il rencontre lors des maraudes.

La table est dressée, bancs et chaises sont installés de part et dautre. Verres à pied et couverts sont disposés sur la nappe bleue. À côté, une seconde table avec une quinzaine de gobelets, des bouteilles de limonade et des thermos de café ou de thé. Entre les rires et les éclats de voix, les verres se remplissent et se vident. Les huit convives font une razzia de muffins au chocolat. La scène a tout lair dun repas de famille. Sauf quelle se tient en extérieur sur la place Karl-Ferdinand-Braun, dans le quartier Gare à Strasbourg, au beau milieu des passants et des gens qui garent leur vélo.

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