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À dix jours du premier tour, sept têtes de liste ont débattu sur le thème de la sécurité, de l'environnement et de la pauvreté dans la librairie Kléber. À grand renfort d'affirmations, parfois inexactes.
« Ce sentiment d’insécurité se nourrit des ouï-dire », nuance Paul Quin, l’adjoint au maire, chargé de la sécurité depuis 2003 : « Si vous regardez les chiffres de l’Insee, la délinquance a surtout beaucoup baissé depuis le début des années 2000. À l’époque, on comptait 136 faits de délinquance pour 1000 habitants, aujourd’hui on est passé à 80. C’est dans la moyenne nationale ». Au Nouvel An, une vingtaine de voitures ont brûlé à Mulhouse contre plus de 200 à Strasbourg.
Les Mulhousiens ne se montrent pas tous catégoriques sur l’état de leur ville. Rachid, 30 ans, est heureux d’être de retour depuis peu dans la cité haut-rhinoise : « Je vis bien ici, la sécurité est assurée, alors que j’ai passé un an compliqué à Lille ». De même pour Sophie, lycéenne de 16 ans, qui considère la commune sûre même si « Mulhouse n’est pas une ville où on se sent facilement bien ». La jeune femme souligne seulement les petites incivilités du quotidien : poubelles renversées ou irrespect face à la police.
Combattre la pauvreté
Loïc Minery (EELV) reconnaît « le problème », mais pense également que les causes sont plus profondes : « Il faut changer de regard. Le point de départ sont les insécurités du quotidien, les gens qui n’ont pas les moyens de payer leur facture ». Pour le candidat de la liste « Mulhouse en commun », la municipalité doit donner la priorité à la lutte contre la précarité, la sécurité restant une compétence régalienne.
Julien Wostyn, tête de liste de Lutte ouvrière, dit quasiment la même chose : « Le problème de la sécurité ne se résout pas en mettant des caméras ou des policiers à chaque coin de rue ». Le candidat fait le constat de quartiers « laissés à l’abandon » où « les logements ne sont pas entretenus ni rénovés. Tant qu’on ne combattra pas réellement la pauvreté et le chômage, on en arrivera toujours à des situations violentes ».
Des propositions fortes ont émergé afin de lutter contre l’insécurité. Michèle Ritz (RN) a fait du doublement des effectifs de police municipale une promesse de campagne. « Aujourd’hui, Mulhouse compte 5,5 agents de police pour 1000 habitants, Nice en compte plus du double avec 10,6 », argumente la candidate. Une mesure qui laisse Paul Quin sceptique : « Le recrutement d’un agent coûte entre 40 000 et 50 000 euros par an, sans compter les équipements et les véhicules qu’il faut lui fournir ».
Une situation difficile à résoudre
Si la sécurité arrive tout en haut du programme de la maire sortante, c’est peut-être aussi à cause d’une certaine réputation de Mulhouse, souvent associée aux questions sécuritaires. La venue du président Emmanuel Macron dans le quartier de « reconquête républicaine » de Bourtzwiller le 18 février 2020 a été perçue comme une nouvelle stigmatisation de la ville. Loïc Minery confirme : « La venue de Macron est symptomatique. Quand on parle de Mulhouse, c’est uniquement par cet aspect là ! »
Donner autant d’importance à la sécurité dans le discours public, Paul Quin en convient, peut contribuer à renforcer cette image. « Certes, il y a un fantasme sur cette question. Mais si vous n’en parlez pas, vous donnez l’impression que vous ne vous en préoccupez pas. »
C’est sans doute l’une des raisons pour lesquelles l’enjeu sécuritaire fait autant parler à chaque nouvelle campagne municipale, alors que les compétences de la mairie en matière de sécurité restent minimes. Il existe une disproportion entre l'importance de ce sujet dans les débats par rapport au poids réel de ce domaine dans les actions et les moyens de la municipalité. En 2018 à Mulhouse, les dépenses investies dans les équipements consacrés à la sécurité représentaient 419 millions d’euros, soit 1,07% des dépenses totales d’investissements.
Sarah Chopin et Jérôme Flury
Hombeline du Parc (RN) : « Les effectifs de la police municipale ont diminué de plus de 10 % pendant le mandat actuel ».
C’est vrai. Selon les chiffres du ministère de l’Intérieur, consultables sur le site data.gouv, il y avait 157 policiers municipaux en 2014, au début du mandat. Ils sont désormais 141, ce qui représente une baisse de 10,19 % des effectifs.
Jean-Philippe Vetter (LR) : « Le 31 décembre et le 1er janvier, de nombreux habitants des quartiers se sont sentis abandonnés par la Ville. Nous n’avons pas eu de présence policière sur place, et quasiment aucune interpellation ».
C’est faux. La couverture de l’événement par les médias locaux - notamment la chronologie et les photos prises par les DNA - permet d’affirmer que les forces de l’ordre sont intervenues le soir de la Saint-Sylvestre, dans différents quartiers. Une quarantaine de personnes, principalement des mineurs, ont été interpellées.
Jeanne Barseghian (Les Verts) : « Strasbourg est l’une des villes les moins endettées de France ».
C’est imprécis. Strasbourg se situe en 14ème position des communes de plus de 100 000 habitants les moins endettées. Pour établir un classement, le Cabinet Michel Klopfer a utilisé un indicateur : la capacité de désendettement. A Strasbourg, elle est de 4,7 ans, soit le nombre d'années nécessaires pour rembourser sa dette en utilisant la totalité de son épargne brute. Ce chiffre est inférieur à la moyenne nationale (8,1 ans).
Jean-Philippe Vetter (LR) : « Pendant six ans, les élus ici présents ont bétonné la Ville, maintenant ils parlent de la verdir. Il y a une incohérence. Je n’ai pas voté le plan local d’urbanisme, et je me suis toujours opposé à la bétonisation ».
C’est ambigu. Le plan local d’urbanisme (PLU), principal outil de planification de l’aménagement du territoire à l’échelle intercommunale, a été adopté au conseil de l’Eurométropole le 16 décembre 2016. Le texte prévoit entre autres la construction de 45 000 logements entre 2016 et 2030, soit environ 3 000 nouveaux logements par an. Les conseillers communautaires Jeanne Barseghian, Chantal Cutajar, Alain Fontanel et Catherine Trautmann ont effectivement voté en faveur du PLU. Mais Jean-Philippe Vetter ne s’y est pas vraiment opposé : il s’est abstenu en 2016.
Catherine Trautmann (PS) : « A l’époque, quand j’ai eu besoin de soutien pour réaliser le tramway, les écologistes ont voté contre ».
C’est discutable. Fraîchement élue maire de Strasbourg en 1989, Catherine Trautmann (PS) a porté la réintroduction du tramway dans la ville face à la droite, favorable au métro. Le 30 juin 1989, les conseillers de la communauté urbaine, à 56 voix pour et 34 contre, avaient voté en faveur du tramway. Les élus écologistes avaient-ils soutenu le projet ? Difficile de le savoir, le vote était secret. En revanche, Andrée Buchmann (les Verts) avait déclaré lors des délibérations : « Le tramway représente une chance pour Strasbourg. C’est pour cela que les écologistes y ont été et sont toujours favorables, et que je voterai pour. »
« Priorité numéro 1 » pour la maire sortante, Michèle Lutz (LR), « première des libertés » pour Christelle Ritz (RN), « droit fondamental » pour Fatima Jenn, candidate indépendante : à Mulhouse, la sécurité reste le sujet majeur de chaque nouvelle échéance municipale.
À droite, en particulier, les idées ne manquent pas pour rendre la ville plus sûre. Michèle Lutz, candidate à sa succession, propose, entre autres, de « créer une police municipale de nuit » et veut continuer à déployer des caméras de surveillance en ville. Des propositions qui rappellent celles de la candidate du Rassemblement national (RN), Christelle Ritz, qui vise en plus « la création d’un centre d’éloignement pour mineurs délinquants récidivistes » ou encore l’utilisation de drones pendant les manifestations.
À gauche, les propos insistent sur l’importance de la prévention : médiation et police de proximité pour le candidat des Verts, Loïc Minery, qui rassemble une majorité de la gauche, mais également pour la candidate LREM, Lara Million, soutenue par les socialistes mulhousiens. Quant à Fatima Jenn (sans étiquette), elle veut développer le « rôle de prévention » de la police municipale.
La délinquance en hausse
La sécurité est une vieille rengaine à Mulhouse. L’ancienne ville industrielle est depuis longtemps réputée pour sa pauvreté et sa délinquance. Selon les derniers chiffres du ministère de l’Intérieur, celle-ci est même en augmentation en 2019, par rapport à l’année précédente : +24% de violences physiques et +23% d’atteintes aux biens. Et ce, malgré la multiplication, ces dernières années, du nombre de caméras de surveillance : 293 en fonction à ce jour, contre 111 en 2013.
Le 8 février 2020, c’est une rixe opposant une dizaine de jeunes des quartiers Les Coteaux et Wolf/Wagner qui remet Mulhouse sous le feu des projecteurs. Cet affrontement, qui a fait un blessé grave, est loin d’être le premier dans la ville de 109 000 habitants. Trois jours auparavant, des coups de feu avaient même été échangés dans un différend, avenue du Président-Kennedy, près de la mairie.
Les habitants sont 56% à citer la sécurité comme une de leurs principales préoccupations, selon un sondage publié par la municipalité en décembre dernier, devant le développement économique et l’emploi (cités à 46%). « Il y a certaines rues où je n’irais pas le soir... comme celle-ci », témoigne un vendeur de légumes sur le marché du Quai de la Cloche, en désignant l’avenue Aristide-Briand.
Peu de nouveaux entrants mais plus de jeunes. La moyenne d’âge des candidats au poste de maire a baissé de 1,7 ans passant de 59,1 à 57,4 ans en 2020. Mouvement que l’on retrouve dans d’autres élections. Le « jeunisme » avait touché les législatives de 2017, l’âge moyen des candidats était passé de 54,1 à 48,2 ans. Paradoxalement, la moyenne d'âge des maires en place ne cesse d’augmenter : 63 ans dans le Bas-Rhin pour cette fin de mandature.
Pauline Boutin