Vous êtes ici

Le module est validé, il peut être inséré dans un article pour être consulté par les internautes.

Se conformer est aussi un gage de confort et de sécurité auquel il n'est pas évident de renoncer, comme le souligne Solal, un étudiant en chimie de 19 ans. "Pour moi, dans cette société, on a l'habitude de donner un avis à partir du physique, sans connaître la personne. Donc si on est présentable, on ne peut pas susciter un point de vue négatif au premier abord."

Déconstruire pour ne pas subir

Ce qu'évoque le jeune homme a un nom : c'est l'effet de halo, une erreur de jugement qui pousse à se fier à sa première impression d'une personne. Il vaut donc mieux soigner ses traits les plus visibles... et donc son apparence. Bien conscient de ce phénomène, après le confinement, Solal a recommencé à se raser tous les trois jours, "obligé" par la présence des autres.

Où trouver la force de remettre en question ces normes si confortables ? Charlotte*, 27 ans, souligne l'importance de sa pensée féministe dans son rapport à son corps et aux exigences qui pèsent sur lui. "Je ne suis plus autant maquillée qu'avant. C'est l'âge qui a changé ça. Je me suis rendu compte que ce n'était pas une obligation, j'ai eu le temps de me politiser, de voir que c'était la société qui m'imposait ça", confie la jeune Strasbourgeoise. Malgré son engagement, Charlotte avoue ne pas parvenir à se soustraire à certaines injonctions, la plus problématique étant pour elle l'épilation. "Je ne vais jamais ramener un mec chez moi si je ne suis pas épilée. Il y a une pression de dingue : la peur de choquer le gars, de dégoûter..."

Les normes corporelles continuent à conditionner les corps des femmes comme des hommes, confinés ou déconfinés, engagés ou non. La tendance bodypositive de plus en plus visible sur les réseaux sociaux laisse cependant espérer un assouplissement auquel participe notamment le collectif féministe Liberté, Pilosité, Sororité qui a profité du confinement pour encourager les femmes à laisser pousser leurs poils. Et à aimer leur corps au naturel.

Marion Henriet
Arthur Jean

*le prénom a été modifié

Même s’il est natif de Reichstett, Vincent, alias "MacCraft", 19 ans, s’est, lui, lancé dans la reproduction de la célèbre place de la République de Strasbourg, surtout son Palais du Rhin et ses jardins, allant même jusqu’à reproduire la spirale Warburg. Attaché à ce patrimoine, l’étudiant en sciences politiques a l’ambition de faire entrer à sa façon Strasbourg sur la scène mondiale : “Dans ce projet on partage tout, chaque pays a ses traditions, ses façons de construire, c’est une magnifique manière de voyager.”

“C’était aussi l’occasion de retourner sur Minecraft, par nostalgie probablement”, témoigne Thomas, alias "eyermann.png", 21 ans. L’étudiant en informatique a choisi pour sa part de reproduire le Gœrsdorf de son enfance, un petit village à l’extrême nord de l’Alsace. “Je me suis dit : ‘Tiens, c’est marrant, je vais aller voir à quoi ressemble mon village sur Minecraft'. J’ai trouvé ça plus intéressant de reproduire une petite commune que personne ne connaissait plutôt que de faire Strasbourg.” En tout, "eyermann.png" a recréé une trentaine de bâtiments, du croisement de la rue du Tir et de la rue du Moulin jusqu’à l’école-mairie avec sa cour de récréation. Il a même respecté la couleur des façades des maisons.

Après plus de deux mois de labeur solidaire et des milliers de visières confectionnées, les makers du Bas-Rhin préparent, eux aussi, l’après. Ces adeptes du “faire soi-même” veulent aujourd’hui pérenniser les liens nés de l’urgence sanitaire et démocratiser l’impression 3D, une technologie encore obscure pour le grand public.

Mi-mars, alors que l’épidémie vient de faire ses premières victimes dans le Grand Est, Quentin Lehmann se dit qu’il peut se rendre utile. Ancien cadre informatique chez Lidl, il veut devenir entrepreneur dans l’impression 3D. Il intègre alors la plateforme nationale d'entraide “Maker - Covid 19” lancée le 16 mars à l'appel d'un youtubeur et, très vite, entreprend de rassembler les bricoleurs high-tech dans le Bas-Rhin. Objectif : mettre en relation plus efficacement les travailleurs essentiels et les makers* qui n’appartiennent pas à un Fablab**. Très rapidement, les demandes - pour des visières de protection essentiellement - affluent sur la page Facebook.

En 2015, Le Figaro encourageait déjà ces dernières à s'épiler et selon Cosmopolitain, les esthéticiennes sont aujourd'hui habituées à une clientèle masculine de plus en plus fidèle. Comme l'épilation, les façons de se maquiller, se coiffer ou s'habiller dépendent des normes de notre époque et de notre culture. "La définition première [de la norme] c'est vraiment quelque chose d'extérieur à l'individu, qui s'impose à lui et qu'il va incorporer", poursuit la sociologue. "Mais nous ne sommes pas passifs et pouvons réagir à ces normes, ce qui fait sans doute qu'elles évoluent dans l'histoire, parce qu'on peut avoir à un moment donné des personnes qui s'y opposent ou qui les transforment."

 

Dia n’a pas été rebuté par la dimension virtuelle des cours, qui est devenue la règle : "Il n’y a pas d’importance si la leçon est en présentiel ou en ligne, parce que j’ai besoin de parler." Le virtuel n’a pas déshumanisé les interactions pour le jeune père de famille, au contraire ! "Le groupe de Strasbonding est très amical", dit-il. Pour Clémence, s’investir était une évidence. “J’ai toujours aimé faire partie d’associations (elle a été bénévole à la SPA, ndlr) et là je me suis dit que c’était un peu l’occasion." La jeune femme reconnaît que le confinement lui a offert un temps précieux, qu’elle a pu consacrer à son nouvel engagement. Dia et Clémence prévoient déjà de se voir autrement que sur l’écran de leur téléphone. "On s’est dit que ça sera plus sympa autour d’un café !", rigole la jeune femme. Dia, lui, ne veut pas arrêter d’apprendre le français. Son objectif ? Acquérir un niveau suffisant pour pouvoir de nouveau pratiquer la médecine dans son pays d’adoption.

Strasbonding doit maintenant concrétiser cet essai. Tom Vallée voudrait transformer le collectif en association en déposant les statuts d’ici à septembre. "Je voudrais monter une campagne de financement participatif et tourner un clip vidéo avec des étudiants qui parlent de l’association pour nous faire connaître." Le jeune homme envisage aussi un partenariat avec le centre Bernanos, la paroisse universitaire de Strasbourg. "Même si je ne reste pas, si la structure est bien en place, d’autres étudiants pourront prendre le relais."

Claire Birague
Léa Giraudeau

Lors de son volontariat à Casas (Collectif pour l'accueil des solliciteurs d'asile de Strasbourg), Tom Vallée, étudiant en sciences politiques à l’Université de Strasbourg, constate que les deux cours de français par semaine ne suffisent pas aux nouveaux arrivants. "Ce sont surtout les moins intégrés qui sont en demande, ils ne peuvent pas travailler… S’ils pouvaient, ils prendraient des cours toute la journée", souligne le jeune homme, qui fonde le collectif Strasbonding dès le début du confinement, pour relier des réfugiés ou demandeurs d’asile avec des étudiants qui peuvent leur apprendre le français. Dia et Clémence forment l’un des tandems autour de la langue française. Le père de famille, médecin syrien de 35 ans, est arrivé en France il y a un an. Après un premier contact par Skype avec l’étudiante de 22 ans, le binôme se met à échanger via des appels vidéo sur Whatsapp. Trois fois par semaine, les deux partenaires discutent autour d’un sujet donné comme Alep, la ville d’origine de Dia, ou parlent de leurs loisirs ou encore évoquent des voyages. "C’est exactement ce dont j’ai besoin", explique Dia. "Je veux pratiquer ce que j’ai déjà appris car malheureusement je n’ai pas trop eu l’occasion de parler avec quelqu’un dont la langue maternelle est le français." Grâce à ce rythme d’échange soutenu, il se sent plus à l’aise au fil des semaines. Le médecin avait déjà eu l’occasion de suivre des cours avant la crise sanitaire à l’IIEF (Institut international d’études françaises) de l’Unistra.

Une dizaine de Bas-Rhinois ont accepté de parler de leur expérience esthétique du confinement : la plupart se sont moins fréquemment maquillés, rasés ou coiffés. Ils comptaient pour autant renouer avec leurs habitudes dès le retour à la normale.

Une question de normes et d'époques

Cheffe de projet en informatique originaire d'Illkirch-Graffenstaden, Valérie, 46 ans, a repoussé sa teinture de quelques semaines avant de céder à l'envie de cacher ses mèches dépigmentées. "Je ne suis pas prête à avoir des cheveux blancs, je me sentirais vieille. Et puis il y a aussi le regard des autres."

À l'image de Valérie, pour nombre de personnes interrogées, porter attention au corps, c'est une question d'estime de soi. "Je me rase tous les deux jours. Je n'aime pas avoir des poils", confie ainsi Myriam, 47 ans.

"Le rapport à la pilosité a une histoire", rappelle Camille Couvry. "L'épilation sous les bras doit dater des années 60, c'est un phénomène relativement récent pour les femmes. Mais les hommes sont de plus en plus concernés."

Le français en tandem

Strasbonding, collectif créé à la faveur du confinement, rassemble natifs et réfugiés autour de l’apprentissage du français. Clémence et Dia échangent trois fois par semaine depuis qu’ils se sont rencontrés via Whatsapp. Ils font partie des trois premiers tandems.

Lors de son volontariat à Casas (Collectif pour l'accueil des solliciteurs d'asile de Strasbourg), Tom Vallée, étudiant en sciences politiques à l’Université de Strasbourg, constate que les deux cours de français hebdomadaires ne suffisent pas aux nouveaux arrivants. "Ce sont surtout les moins intégrés qui sont en demande, ils ne peuvent pas travailler… S’ils pouvaient, ils prendraient des cours toute la journée", souligne le jeune homme, qui fonde le collectif Strasbonding dès le début du confinement, pour relier des réfugiés ou demandeurs d’asile avec des étudiants qui peuvent leur apprendre le français.

Dia et Clémence forment l’un des tandems autour de la langue française. Le père de famille, médecin syrien de 35 ans, est arrivé en France il y a un an. Après un premier contact par Skype avec l’étudiante de 22 ans, le binôme se met à échanger via des appels vidéo sur Whatsapp. Trois fois par semaine, les deux partenaires discutent autour d’un sujet donné comme Alep, la ville d’origine de Dia, parlent de leurs loisirs ou encore évoquent des voyages. "C’est exactement ce dont j’ai besoin", explique Dia. "Je veux pratiquer ce que j’ai déjà appris car malheureusement je n’ai pas trop eu l’occasion de parler avec quelqu’un dont la langue maternelle est le français." Grâce à ce rythme d’échange soutenu, il se sent plus à l’aise au fil des semaines. Le médecin avait déjà eu l’occasion de suivre des cours avant la crise sanitaire à l’IIEF (Institut international d’études françaises) de l’Unistra.

L’icône byzantine de la vierge de Vladimir, posée sur l’autel boisé orné d’un napperon blanc, apparaît pixélisée à l’écran. Le tintement des cloches, qui résonnent doucement dans les enceintes de l’ordinateur, annonce la célébration de la messe dans l’église Saint-Alexis de Griesheim, rattachée à la communauté de paroisses du Rosenmeer (Rosheim). La voix du père Dalmer grésille légèrement et son visage se floute : “Nous nous préparons à célébrer l’eucharistie. Mais avant cela, un peu de mu…’’ La fin de sa phrase est inaudible. L’image se fige pendant quelques secondes. Puis, un Alléluia, interprété à la flûte de pan par un fidèle, lance l’office 2.0. 

Pour pallier l’interdiction des cultes, imams, prêtres et rabbins ont investi les réseaux sociaux tels que Zoom, Youtube, Facebook, devenus des outils incontournables pour garder le contact avec les croyants. Messes en direct, cours de talmud thora (le cours de religion pour les enfants), lecture du Coran… “Il y a une explosion des propositions en ligne comme les lives, une démultiplication des temps de prière et des offices religieux”, souligne Isabelle Jonveaux, sociologue des religions.

Pages