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Arrêt Maison-Rouge, sur la ligne L3. Chaque bus qui s'immobilise déverse un flot de passagers avec leurs cabas vides sous le bras. Sur cette partie de la route de Bischwiller bat le cœur commerçant de Schiltigheim. 

À l’abri des regards, en retrait de la chaussée, la terrasse du bar PMU “La Cravache d’or” accueille ses premiers clients de bon matin : des habitués venus parier aux courses et des travailleurs pressés. Ils prennent place en discutant autour des tables en plastique, encerclées par la rambarde en bois qui délimite l'avancée extérieure. Installés sur des chaises métalliques, une poignée d’ouvriers, les habits tachés de peinture, finissent d’avaler leur café. Ils se dirigeront bientôt vers le chantier de la future médiathèque, à quelques dizaines de mètres de leur QG. 

Un peu plus loin, le gérant de l’épicerie Asan Market a déployé ses étals, soigneusement alignés sur le trottoir. La lumière du soleil illumine les fruits et légumes aux couleurs vives. En face trône la seule galerie commerciale du secteur, qui accueille un supermarché Auchan et cinq autres boutiques. Des clients venus y faire leurs courses s’échappent par ses portes coulissantes pour aller inspecter les raisins et les figues de Barbarie de l’épicerie, ou pour acheter leur baguette dans l’une des boulangeries situées à proximité. C’est un ballet qui se joue là tous les jours : les clients – principalement des habitants de Schiltigheim et Bischheim –

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Sur sa boîte aux lettres rue du Cimetière à Hoenheim, Friedrich Graffmann a apposé un rappel au facteur. En un mois, il avait reçu “trois ou quatre lettres” qui ne lui étaient pas destinées. © Emma Bougerol

Jeanine Krieger relève son courrier dans la boîte aux lettres de sa résidence partagée, rue de l’Église, à Hoenheim. © Emma Bougerol

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© Camille Lowagie

Une médiathèque attendue depuis dix-sept ans

En 2003, la création du réseau des médiathèques de secteur de l’Eurométropole est lancée. Aujourd’hui, seule la médiathèque Nord de Schiltigheim n’est pas encore opérationnelle. Avec les années et les contraintes budgétaires, ce projet est devenu une véritable épine dans le pied des élus qui se sont succédé. La destruction de l’ancien supermarché Simply Market a permis d’accélérer les choses. Près de 15 millions d’euros ont déjà été investis dans le projet par la collectivité. En 2017, l'Eurométropole a acheté sur plans 2516 m ² de surface à l’opérateur privé Vilogia, pour 4,7 millions d’euros. L’enveloppe brute de la médiathèque Nord a été livrée fin 2019. L’Eurométropole estimait que l’équipement de la médiathèque, son mobilier et les collections pourraient coûter 6,5 millions d’euros.

À Schiltigheim, la proximité des écoles Exen et Léo-Delibes avec la route de Bischwiller expose enfants et parents aux dangers de l’intense trafic automobile.

Une commission sécurité en vue

Pour tenter de sécuriser les abords des écoles, deux agents de surveillance de la voie publique (ASVP) sont mobilisés par la municipalité. Le premier s’occupe toute la semaine de 10h à 17h du groupe scolaire Exen. Le second tourne entre les écoles Léo-Delibes et Parc du Château. Pour Myriam Reiss, "l’ASVP est à Léo-Delibes peut-être une à deux fois par semaine. Mais il devrait y être tout le temps vu l’endroit stratégique plein de dangers". Pour Sandrine Le Gouic, adjointe de la municipalité à l’Éducation, Petite enfance et à la Caisse des écoles, la présence en pointillé des ASVP s’explique par le faible effectif de la police municipale. "On va lancer deux embauches à partir de 2021 mais on ne peut pas faire beaucoup plus", admet-elle. 

 

Sandrine Le Gouic le reconnaît : "Nous sommes bien conscients qu’il y a des choses à améliorer et la mairie n’attend pas qu’un accident gravissime ait lieu." Une commission sécurité aux abords des écoles sera mise en place d’ici décembre. Elle réunira les représentants des parents d’élèves et la mairie. Pour l’adjointe, “le dialogue avec les parents est indispensable".

Raphaël Kleinklaus salue l’instauration de cette commission, mais doute de son utilité : "C’est bien qu’on puisse travailler ensemble, mais maintenant ça serait bien qu’on arrive à de réelles actions plutôt qu’à de l’ultra communication", précise-t-il. Ce père de deux enfants scolarisés à Exen confie : "Moi, je milite pour que les axes principaux et les trottoirs soient sécurisés, pour qu’on ne puisse pas se garer dessus et que les enfants n’aient pas à marcher sur la route lors de leurs trajets." Des mesures qui, selon lui, pourraient être mises en place rapidement.

Loïc Gorgibus et Chloé Lagadou

 

À Schiltigheim, une esplanade piétonne doit être aménagée entre la médiathèque Nord et l'église Sainte-Famille. Les voitures ne passeront plus entre ces édifices, libérant une zone tranquillisée pour piétons et vélos.

À l’angle de la route de Bischwiller et de la rue de Wissembourg, une construction en équerre redessine l’espace entre ce carrefour stratégique de Schiltigheim et l'église Sainte-Famille : la médiathèque Nord. L’édifice dotera enfin la ville de l’équipement public qu’elle attend depuis dix-sept ans. Mais il pourrait aussi annoncer un changement majeur de la circulation s’il s’accompagne de l’aménagement d’un parvis piéton et du détournement de la rue de Wissembourg. 

Cette esplanade piétonne qui reliera les deux édifices, la maire écologiste de Schiltigheim Danielle Dambach souhaite en faire "un vrai trait d’union entre l’église et la médiathèque, entre le cultuel et le culturel". La municipalité projette d’aménager une place végétalisée, avec du mobilier urbain en bois qui en fera un espace de convivialité ombragé. Les intentions municipales ont été présentées aux habitants en juin 2019 lors d’ateliers de concertation. Leur compte rendu mentionne la création d’une voie cyclable aux abords de la place, et l’installation d’arceaux "pour encourager les cyclistes à déposer leur vélo avant d’entrer sur la place". Cet aménagement devrait être intégré au projet de piste cyclable qui pourrait relier à l’avenir le cinéma MK2 en construction sur le site de l’ancienne brasserie Fischer à la médiathèque Nord. 

Éviter de créer une impasse

Ce réaménagement de l’espace urbain impose de dévier la rue de Wissembourg. L’objectif est de préserver la fluidité de la circulation et d’éviter la création d’une impasse. Une des solutions envisagées avant les élections municipales pour amortir les effets d’une telle coupure était de mettre la rue des Pompiers à double sens, ce qui aurait facilité l’accès au parking Exen. Mais "l’idée étant de réduire la place donnée à la voiture de la route de Bischwiller au Vieux Schilick, ce n’est pas envisageable, estime Danielle Dambach. Nous pourrons en revanche réfléchir à en faire une voie réservée aux piétons pour faciliter l’accès à la médiathèque à pied".

Une fois achevée, la médiathèque bénéficiera de son propre arrêt de bus desservi par les lignes 3 et 50, ce qui encouragera les habitants de Bischheim et de Hoenheim à s’y rendre en transport en commun. Mais la proximité immédiate de la médiathèque avec le parking du cimetière, ou celui d’Exen un peu plus loin, pourrait inciter les habitants à tout de même privilégier la voiture. Danielle Dambach confirme que le parking du cimetière "sera réaménagé pour y créer plus de places de stationnement". Tout en précisant : "Nous souhaitons à terme horodater cette zone pour décourager l’utilisation de la voiture."

Avec près de 15 000 véhicules chaque jour, selon Yves Laugel, directeur du Sirac, difficile de nier la place prépondérante des voitures et des camions sur cette artère majeure du nord de l’Eurométropole. “Cette voie est un axe historique de transit qui, en plus de desservir près de 70 000 habitants, permet l’accès à de nombreuses industries”, explique l’adjoint Patrick Maciejewski. Donner plus de place aux vélos sur cette route très empruntée suppose donc d’abord de réduire le trafic. “La réflexion porte sur l’A35 qui va prochainement devenir un boulevard urbain, ce qui permettra de renvoyer la circulation sur cette voie et donc de pacifier la route de Bischwiller, projette Gilles Malherbe, en charge de l’urbanisme à Schiltigheim. Mais ce ne sera pas avant cinq à dix ans…” Julien Hofstetter n’y croit pas. “Il ne faut pas se voiler la face, la route de Bischwiller est et restera une voie importante de transit.”

Ménager les commerçants

Quant à concevoir une piste cyclable sans empiéter sur les places de parking qui bordent la route, c’est impossible. Une contrainte supplémentaire mise en exergue par Gilles Malherbe : “Cette route est très commerçante, nous ne pouvons pas juste supprimer les places de parking.” Le coprésident de la Schilyclette rejette cet argument : “Enlever ces places ne nuirait pas aux commerçants. Parce que les voitures qui l’empruntent ne s’arrêtent pas forcément, mais aussi parce que bon nombre de clients sont eux-mêmes des cyclistes ou des piétons. Le vrai enjeu, c’est la construction d’un parking silo pour accueillir l’ensemble de ces voitures.” Une idée partagée par la municipalité qui envisage la construction d’un parking aux abords du gymnase des Malteries.

À ces contraintes s’ajoute le fait que c’est l’Eurométropole qui dispose du pouvoir de décision sur les projets de voirie et autres parkings. “Pour développer des pistes cyclables, il est nécessaire de convenir d'un plan global de mobilité comprenant tous les moyens de transport. Malheureusement, ça ne se fait pas en un claquement de doigts…”, rappelle Louisa Krause, la présidente de l’association Col’Schick. Il faudra donc encore s’armer de patience avant de pédaler sereinement sur la route de Bischwiller.

Iris Bronner

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