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Un quotidien difficile

Si les moments partagés apportent un certain réconfort aux exilés, le quotidien se fait de plus en plus difficile. Jean Salomon est étudiant en pharmacie. Lorsqu'il quitte l'Alsace, sa musette contient une chemise, une paire de bas, deux mouchoirs, un maillot de corps, un pull, un manteau, un rasoir et une serviette. « Il a fallu vivre avec pendant deux ans. »

Pierre Feuerstein et Madeleine Wurm, deux lycéens en temps de guerre.

Devenus beaux-frères, Paul-Antoine Joanny et Jean Salomon n’évoquent pas cette période avec les mêmes mots.

Une jeunesse

Le repli de l'Université de Strasbourg à Clermont-Ferrand, la plupart d'entre nous n'en avait jamais entendu parler. Ce travail nous a donc permis de découvrir un chapitre méconnu d'une histoire largement racontée, celle de la Seconde Guerre mondiale. 
Cette histoire, nous l'avons étudiée dans les livres, nous en avons vu des photos en noir et blanc, nous l'avons explorée dans les musées. Mais elle n'avait jamais été aussi vivante qu'à présent. Elle a pris corps à travers les témoins que nous avons rencontrés. Des témoins qui pourraient être nos grands-parents, et qui à l'époque avaient notre âge. Tout à coup, cette histoire était face à nous.
La Seconde Guerre mondiale est souvent présentée à travers ce qu'elle a de plus exceptionnel ou de plus terrible : la Résistance, la Déportation. Les personnes que nous avons rencontrées nous ont aussi, tout simplement, fait découvrir leur quotidien, leur vie d'étudiants anonymes pris dans l'engrenage de la guerre. Leur jeunesse, éraflée par la violence mais aussi émaillée de moments d'insouciance, heureusement.
Nous avons commencé par les regarder comme des acteurs de la grande Histoire. Mais nous sommes étudiants, comme eux à l'époque. Nous faisons partie de la même université. Certainement, nous avons les mêmes attentes, les mêmes préoccupations que celles qu'ils pouvaient avoir avant la guerre. Eux ont vécu cette guerre. Face à ce constat vertigineux, nous nous sommes tous posés la question. Comment aurions-nous réagi ? Aurions-nous eu leur courage ? Nous n'avons pas la réponse. Nous ne pouvons avoir qu'un profond respect face à ce courage-là.
Nous ressentons aussi beaucoup de gratitude à leur égard. Ils ont fouillé dans leurs mémoires, nous ont livré une partie d'eux-mêmes. En faisant parfois ressurgir des souvenirs profondément enfouis, et souvent douloureux. Ils nous ont confié des morceaux de vie. Avec ce travail, nous avons tenté d'être leur relais. 

 

Anna Benjamin, Fanny Bleichner, 
Mathilde Bournique, Aurélie Delmas,
Renaud Février, Magali Fichter,
Marion Garreau, Clothilde Hazard,
Arthur de Laborde, Chloé Michelon,
Jeanne Richard, Elsa Sabado, Laure Siegel

A Clermont, les étudiants essayent tant bien que mal de conserver leur insouciance. Si sa première impression de la ville n'a pas été excellente, Madeleine Wurm a été instantanément séduite par les montagnes du Puy de Dôme. Elle est élève à Jeanne d'Arc, le lycée de filles. Pierre Feuerstein, lui, fréquente le lycée Blaise Pascal. Il a 15 ans quand il quitte Strasbourg, en 1939, avec son père, trésorier de l'Université de Strasbourg.

Rétroviseur

Comment les témoins appréhendent-ils cette période aujourd'hui ?
Paul-Antoine Joanny et Jean Salomon ont fait des études de pharmacie. Le premier, Clermontois, à l'Université de Clermont-Ferrand. Le second, Strasbourgeois, à l'Université de Strasbourg repliée à Clermont. Les deux étudiants se lient d'amitié, Jean Salomon est hébergé par la famille Joanny. A la Libération, Paul suit Jean pour terminer ses études à Strasbourg et s'installe provisoirement chez les Salomon. Puis Jean épouse la sœur de Paul.
Regards croisés, recueillis à Clermont-Ferrand, la ville où ils vivent aujourd'hui, à 89 ans.

La rafle du 25 novembre

Jeudi 25 novembre 1943 : la rentrée universitaire a eu lieu quelques jours auparavant. Le Sondern Kommando et 200 hommes de la Luftwaffe encerclent les locaux. Ils vident les amphithéâtres de l'Université et rassemblent 1200 personnes dans la cour de l'avenue Carnot. Un lycéen de 15 ans et un enseignant, le professeur Paul Collomp, sont assassinés. Dans la cour, Georges Mathieu, chef résistant passé du côté des nazis, et Ursula Brandt, surnommée « la Panthère », font le tri parmi les universitaires. Jusqu'à l'été 1943, Mathieu a réalisé de faux papiers, notamment pour les exilés alsaciens. Les gens qui ont bénéficié de ses services seront enfermés à la prison du 92e régiment d'infanterie, où un nouveau tri est effectué.

Yvonne Henry-Lobstein (deuxième en partant de la gauche), étudiante en médecine, partie se promener sur le plateau de Gergovie, au dessus de Clermont-Ferrand.
Crédit photo: Famille Lobstein

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