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Pour légiférer sur la régulation financière, les élus, souvent désarmés, se fient à l'expertise des banquiers. L'avis éclairé et parfois idéologique des think tanks ne suffit pas à contre-balancer l'influence des lobbies. Face à cette situation, certains hommes politiques sont désarmés. En juin 2010, ils créent Finance Watch, un contre-lobby financier qui dit vouloir représenter l'intérêt public.
Endettement, faillites, licenciements, chômage, récession. Autant de maux attribués aux seuls excès de la dépense publique, nourrie par des lobbies électoraux irresponsables et des gouvernants trop complices. Leur guérison passerait par la médication forcée de l'austérité budgétaire, dont il faut répartir le fardeau. Mais le mal dont souffre la zone euro s'avère plus aigu, révélant des défauts de constitution économique et politique qui suscitent la défiance des marchés. Surtout, la crise financière commencée en 2007 n'a jamais cessé. Les sauvetages répétés des banques par les contribuables en témoignent.
Tous ces symptômes manifestent un dérèglement plus profond : celui du système de crédit sur lequel sont fondés les marchés globaux et les consensus politiques qui ont accompagné leur expansion. La bataille pour rétablir la confiance dans ses promesses est engagée ; mais les forces en présence sont inégales, et son issue est incertaine. Une chose paraît acquise cependant : depuis vingt ans, les règles du jeu financier ont produit beaucoup plus de dettes que la croissance n'est capable d'en absorber.
Jessica Trochet
(infographie: La différence entre les droits d'émission de billets alloués par l'Eurosystème à chaque BCN et les émissions effectives de chacune d'entre elles est incluse dans les soldes. Ainsi la Bundesbank qui a émis 163,1 milliards de plus que son quota doit ce montant aux autres banques centrales. Cette somme est ici déduite de son solde net. Pour une représentation des soldes nets de Target2 non corrigés des émissions de billets, cliquer ici)
Les déséquilibres des paiements entre pays de la zone euro enregistrés par Target 2 augmentent. Cette plate-forme regroupe les 17 banques centrales nationales (BCN) de la zone euro. Le principe est simple : Target 2 enregistre les soldes créditeurs et débiteurs s’échangeant entres les BCN, à la manière d'une chambre de compensation.
Tout commence en 1999, date de la création de l’Euro. Un immense réseau monétaire voit le jour : Target 1. Ce dernier va connecter, via le réseau électronique SWIFT, toutes les BCN des pays de l’eurozone, porte de passage des flux financiers transfrontaliers. Un moyen efficace pour réaliser des virements instantanés et, surtout, limiter le nombre de péages financiers pour réduire le coût des transactions.
En 2007, Target 2 améliore les performances de Target 1. Le nouveau système crée une plate-forme commune de paiements (SSP). Par exemple, si une entreprise française veut transférer de l'argent vers une entreprise allemande, lors de la transaction, un solde débiteur s'enregistre sur les livres de la Banque de France et un solde créditeur s'enregistre sur celui de la Bundesbank. Soit une dette ou créance au sein du système Target 2.
Jusqu’au début de la crise financière, ces écarts entre crédits et débits étaient visibles mais compensés par des flux de capitaux. En somme, de l’argent frais, provenant des banques des pays les plus compétitifs alimentait les banques des pays les moins compétitifs (Portugal, Espagne, Grèce).
Depuis le déclenchement de la crise, deux phénomènes conjoints viennent accentuer ces déséquilibres. D’une part, les banques allemandes, françaises ou néerlandaises hésitent à prêter aux banques périphériques (Portugal, Italie, Grèce, Espagne), qui doivent alors s’alimenter auprès de leurs BCN respectives. D’autre part, ces dernières subissent aussi une fuite croissante de capitaux vers les pays les plus sûrs. Conséquence : les écarts solde/débit de tous les pays gonflent, créant une distorsion visible à l’intérieur du système Target 2.
L’Allemagne, important créditeur, joue gros. Si un pays en difficulté quittait la zone euro, la Bundesbank s'exposerait à des pertes conséquentes sur les prêts aujourd'hui purement comptables qu'elle a consentis via le système Target 2.
Benjamin Edgard