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Salle de marché de la Bourse allemande à Francfort. (CUEJ/Marion Kremp)

Incitation supplémentaire à se livrer à ces paris, les coûts de transaction des produits dérivés sont très bas, puisque la majeure partie d'entre eux sont échangés de gré-à-gré entre deux établissements, échappant ainsi à la régulation et aux frais de gestion.

«La complexité des produits financiers, comme les subprimes inclus dans des titres structurés en tranches de risques croissants, les a rendus plus risqués. Du coup, les banques, et en particulier les géants internationaux, se sont largement lancés dans la fabrication de produits dérivés pour offrir des couvertures contre chacun de ces risques, mais aussi dans la conclusion de contrats de couverture entre elles, pour garantir leurs propres actifs» explique Paul Atkinson. C'est en partie ce qui explique l'explosion quantitative des produits dérivés. Bien sûr c'est aussi le fait qu'ils rapportent beaucoup d'argent. Le monde de la finance est avant tout motivé par cela.

«L'utilisation excessive des produits dérivés est responsable de la crise» affirme Paul Atkinson. Utilisés massivement pour la spéculation, présents dans les bilans de  toutes les banques, ils ont nourri les bulles spéculatives.

Quand la bulle éclate, c'est-à-dire quand une des parties ne peut pas honorer sa promesse de payer car elle ne dispose pas de fonds suffisants, c'est le début d'une crise financière. Si celle que nous vivons se diffuse avec une telle ampleur, c'est que tous les grands groupes bancaires sont interdépendants, conclut Paul Atkinson. Voilà comment la faillite du géant Lehman Brothers suite à l'explosion de la bulle des subprimes s'est transformée en crise bancaire mondiale. Comme un domino qui entraîne dans sa chute les autres dominos devant lui.

Jeanne Richard Et Eléa François À Paris

 

 

NYSE Euronext-Deutsche Börse : une fusion qui fâche

Dans les bureaux francfortois de la rédaction du Handelsblatt, Oliver Stock se réjouit de la fusion qui se prépare entre les deux opérateurs boursiers NYSE-Euronext et Deutsche Börse. Rédacteur en chef online du quotidien financier, il est aux premières loges de l'excitation qui agite le microcosme financier de Francfort. «C'est la chance de la ville de s'ériger en véritable place financière mondiale. Malgré la crainte d'être peu à peu engloutie par New-York, tout le monde est impatient ici», assure-t-il. La Deutsche Börse, dont les actionnaires détiendraient 60% de la holding, s'allierait aux bourses de New-York, Paris, Amsterdam, Bruxelles, Lisbonne, Porto et au LIFFE (marché à terme britannique). Prévu pour être basé à New-York et à Francfort, le conglomérat vise à devenir le plus grand groupe boursier mondial sur tous les segments de marché.

Pourtant, ce mariage financier tant attendu est encore loin d'être acté. Annoncé en février, le projet de fusion entre NYSE-Euronext et Deutsche Börse fait l'objet depuis le mois d'août d'un contrôle accru de la Commission. L'objet de l'enquête porte sur le poids de «ce nouveau monstre», qui contrôlerait environ 90 % du marché des produits dérivés en Europe, étouffant ainsi toute concurrence. Aussi, cette fusion provoquerait un double monopole : sur le marché des dérivés et sur celui des activités de compensation. D'où l'expression de « silo vertical », processus imaginé pour contrôler à la fois les transactions boursières et leur enregistrement.

Cette manœuvre n'a pas échappé à la Commission, qui s'apprêtait le 12 décembre dernier à interdire l'union des deux opérateurs boursiers. Ceux-ci ont réagi dans la foulée, se déclarant prêts à augmenter leur cession d'actifs dans les dérivés d'action, ainsi qu'à permettre un accès plus large aux services de Eurex Clearing, la chambre de compensation de la Deutsche Börse, et à la plateforme d'échanges de dérivés Eurex. Ils ont néanmoins indiqué que s'ils devaient se séparer de toutes leurs activités dans les dérivés, comme les plateformes d'échanges Liffe et Eurex, leur fusion n'aurait plus lieu d'être.

Le contentieux doit prendre fin le 9 février 2012, date à laquelle Joaquin Almunia, commissaire à la concurrence dévoilera la décision définitive de l'instance européenne.

Marion Kremp et Laure Siegel À francfort

Paul Atkinson, chercheur à Sciences Po. Paris, explique à quoi sert un produit dérivé avec l'exemple des options de vente.

Selon la Commission européenne, les Etats de la zone euro ont mobilisé 1 123,81 milliards d’euros pour sauver leur secteur bancaire entre octobre 2008 et décembre 2010. Dans le détail, les garanties couvrant les obligations et le passif des banques et les injections de liquidités se sont élevées à 850,27 milliards d'euros pour dix des 17 États membres. Les 273,54 milliards restants ont permis la recapitalisation de  certaines banques et le rachat de leurs actifs dépréciés.

Plus de deux tiers de ces aides ont bénéficié aux banques allemandes, irlandaises et françaises. En octobre 2008, le gouvernement français a crée deux agences pour aider ses banques en difficulté. La Société de Financement de l’Economie Française (SFEF) . détenue à un tiers par l’État, et à deux tiers par les banques françaises ou les filiales de banques étrangères en France  a permis d’octroyer 77 milliards de prêts aux établissements de crédit. En échange, ces derniers se sont engagés à soutenir les prêts aux particuliers, aux entreprises et aux collectivités territoriales. Cette opération a pris fin en octobre 2009. De son côté, la société de prise de participation de l'Etat (SPPE), financée via l’Agence France-Trésor, les a aidés à reconstituer leurs fonds propres en acquérant l’équivalent de 20,3 milliards d’euro sous forme de titres divers, de prêts subordonnés et de prêts dits hybrides. Mi 2011, toutes les banques, à l'exception de Dexia, avaient soldé leurs dettes vis-à-vis de la SPPE.

Les gouvernements ont exigé des banques des contreparties plus ou moins contraignantes. Le secteur bancaire français a par exemple du fournir des rapports mensuels sur leur capital. Outre Rhin, les Allemands ont, eux, imposé une limitation des rémunérations des hauts dirigeants des banques et des dividendes distribués.

1 608 milliards pour les banques des 27

La distribution des aides d'Etat aux banques a été effectuée sous la surveillance de la Commission européenne qui a mission de s’assurer que ces aides ne faussent pas la concurrence dans le marché intérieur. Selon le tableau de bord publiée par celle-ci le 1°décembre 2011, 290 demandes d'autorisation ont été formulées par les 27 Etats de l'Union pour leurs banques entre le 1° octobre 2008 et le 1° octobre 2011, pour un total de 4 506,5 milliards d’euros, soit 36,7 % du PIB de l’Union européenne.

Fin 2010, 1 608 milliards d’euros avaient été effectivement utilisés (13,1% du PIB UE). Sur ce total, les mesures de recapitalisation et de sauvetage d'actifs dépréciés s'élèvaient à 409 milliards (3,1% du PIB UE), tandis que le volume global des garanties et liquidités non
encore remboursées restait de 983,9 milliards (8 % du PIB de l'UE) en 2010. A titre de comparaison, les aides d'Etat à l'économie se sont élévées en 2010 à 73,7 milliards d'euros, soit 0,6% du PIB de l'Union.

Selon les estimations du FMI, les pertes dues à la crise subies par les banques européennes entre 2007 et 2010 sont proches de 1000 milliards d'euros, soit 8% du PIB européen.  

François Régnier

 

Le Botta, un autre bâtiment de la Banque des règlements internationaux (© DR/BRI).

Après une quinzaine d'année à l'OCDE, Paul Atkinson a rejoint le Groupe d'économie mondiale de Sciences Po à Paris. Il continue aujourd'hui ses travaux de recherche en économie et collabore occasionnellement avec l'OCDE. Il nous a reçu dans son appartement du 8ème arrondissement de Paris pour nous expliquer le phénomène de l'explosion des produits dérivés.

«Commençons par distinguer deux types de produits financiers: les titres primaires et les dérivés. Les titres primaires sont principalement les obligations - bons du Trésor ou reconnaissance de dettes d'entreprises-, les créances sur prêts bancaires, par exemple les prêts immobiliers, et les actions. Les transactions qui mettent en jeu ces produits ont pour but de financer l'économie réelle : il s'agit d'investissements.» En gros, si l'Etat doit emprunter pour construire une nouvelle école, il va vendre des bons du Trésor; si une entreprise veut s'agrandir, elle va emettre des obligations ou augmenter son capital en émettant des d'actions.

David Cameron a choisi de défendre les intérêts de la finance londonienne. En échange de sa signature pour la révision du Traité européen renforçant la discipline budgétaire des Etats membres, il exigeait d'y annexer deux protocoles : garantir son droit de regard sur le marché unique, mais surtout protéger la City contre la régulation financière.

Les activités financières de Londres contribuent à 10% du PIB britannique. Sur ses 2,9 km2,, 12 755 entreprises emploient 316 700 personnes directement et 1,1 million indirectement. Avec 500 banques dont 241 banques étrangères, elle est le plus grand centre bancaire mondial. Le profit du secteur : 35 milliards de livres en 2010.

Le Royaume-Uni exclu de tous les processus de décision

«Les Européens doivent comprendre que l'on a besoin de protéger la City contre la régulation, contre les taxes qui ferait perdre sa compétitivité à Londres par rapport aux autres places financières. Une quarantaine de propositions de l'Europe nuiraient à la City, surtout celle sur les transactions financières», explique Michael Fallon, député conservateur. 

Mais avec ce véto, le Royaume-Uni se retrouve plus que jamais isolé en Europe. Jonathan Powell, journaliste du Financial Times, ne cache pas son inquiétude : «Le Royaume-Uni va être exclu de tous les processus de décision sur les politiques économiques de l'Europe. Nous serons liés au décisions européenne mais incapables de les influencées». Charles Grant, du Centre pour la réforme européenne confirme que ce choix «est un désastre pour le Royaume-Uni qui menace l'intégrité du marché unique». En théorie, les décisions européennes sur le marché unique seront prises à 27. En pratique, les 26 voteront à la majorité qualifiée, même si les décisions concernent la City. «Si le Royaume-Uni veut gagner des votes, il aura besoin d'alliés», explique Charles Grant.

Une décision qui pourrait nuire à l'économie de la City

Pas sûr, donc, que les milieux économiques et financiers britanniques soient protégés. «Le Royaume-Uni ne faisant plus partie du premier cercle, les intérêts qu'il tentait de préserver pourraient être mis à mal», s'inquiète le Financial Times. Une situation qui pourrait nuire à la place financière londonienne. «La City veut rester dans l'Europe car c'est dans son intérêt. La moitié de ses investissements et de son commerce se fait avec des Etats membres. Le seul contentieux avec l'Europe reste la taxe sur les transaction financières», insiste Martin Horwood, député Libéral-démocrate. Pour lui «réouvrir ce débat sur l'appartenance à l'Europe dans cette période de crise est opportuniste et destructeur. L'instabilité est la dernière chose que veulent les marchés. Cela va nuire à l'économie britannique».

Dans une interview à la BBC, John Cridland, président du CBI, la confédération des entreprises britanniques, a reconnu qu'il n'était pas sûr que la City sera mieux protégée en ne participant pas aux négociations européennes, et surtout s'est inquiété pour l'attractivité de l'économie britannique.

La City est, elle, plus impopulaire que jamais chez les électeurs britanniques. «Il y a deux points de vue quant à son  importance, nuance Michael Berlin, historien. Il n'y a pas de vraie industrie dans le pays donc son existence serait très positive sur l'économie britannique. L'autre point de vue est de dire que la City est un parasite car elle est surtout bénéfique pour le petit cercle de gens qui travaille les uns pour les autres. Si vous allez dans le nord de l'Angleterre, si la City était sur la lune ce serait le même chose».

Anna Benjamin,Victor Patenôtre

 

 

Quatre eurodéputés, membres du très fédéraliste groupe Spinelli, lors de sa réunion du 8 décembre. Deux d'entre eux participeront à la rédaction de l'accord intergouvernemental, à savoir le Belge Guy Verhofstadt, président de l'ALDE (deuxième à gauche), et le Français Daniel Cohn-Bendit, président des Verts, en tant que suppléant (premier à droite). L'Allemand Elmar Brok (PPE) et l'Italien Roberto Gualtieri (S&D), également membres du groupe Spinelli, figureront aussi dans la délégation du Parlement européen (CUEJ/ François Reigner)

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