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François Oberling, 51 ans, chargé de développement communication et vente de Libre Objet au Parc Gruber.     ©Loana Berbedj 

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Thierry Robert, 57 ans, responsable communication pour les Jardins de la Montagne Verte.     ©Hugo Bossard

Des murs colorés recouverts d’affiches et de post-it, des bureaux où se côtoient ordinateurs portables, mugs et déjeuners à réchauffer, des discussions animées qui résonnent jusque dans le couloir.  Ce pourrait être un open space comme les autres, à ce détail près que les bureaux sont installés au premier étage d’une ancienne tour militaire aujourd’hui inscrite au registre des monuments historiques. Érigée en 1392, la Tour du Schloessel servait de tour de guet pour défendre les faubourgs Ouest de la ville. Déclassé au 16ème siècle, le bâtiment fut converti en castel seigneurial avant d’être exploité en ferme. Il fut racheté en 1804 par le professeur de médecine Thomas Lauth qui lui ajouta un pavillon de plaisance et un portique à quatre colonnes. Rénovée par la Ville entre 2013 et 2016, la tour longtemps restée vide accueille désormais la maison du Parc naturel urbain (PNU). Les locaux du premier étage sont loués à des entreprises et associations parmi lesquelles le groupement Start-up de Territoire qui concentre de nombreux projets en lien avec la préservation de la biodiversité, l’économie collaborative et l’éco-citoyenneté.

 

Alhamid Azzin

 

Arrivé en France il y a près de cinquante ans, Alhamid Azzin, ancien ouvrier d’ArcelorMittal, a passé la majeure partie de sa vie au Hohberg.

Après un court passage à Marseille, il est venu avec sa famille s’installer dans le quartier en 1983. Les tours ont alors remplacé les casbahs et la pluie alsacienne le soleil marocain.

C’est ici aussi qu’il a décidé d’élever ses enfants avec sa femme. Ayant déménagé plusieurs fois dans différents immeubles de la cité, il connaît ses bâtiments par cœur. Ce septuagénaire se sent intimement attaché au Hohberg : "On a grandi ici, les enfants ont grandi ici. Même si maintenant je déménage ailleurs, il me restera toujours le souvenir du quartier, des gens qu’on connaît."

Habitant dans les logements sociaux de la cité, Alhamid Azzin est aujourd’hui fier que ses trois filles aient toutes pu s'acheter une maison dans la région. Quant à ses deux fils, c’est pour bientôt. Le dernier, âgé de 22 ans, habite encore le Hohberg.

Sa vie, il l’a aussi donnée à Solidarité culturelle, l’association de quartier qui s’appelait autrefois Solidarité culturelle maghrébine. Depuis ses débuts en tant que trésorier, il annote méticuleusement dans un petit carnet rouge toutes les recettes et les dépenses. Des fêtes aux carnavals, en passant par les tournois de foot et les grands rassemblements, Alhamid Azzin a contribué à créer une véritable ambiance de quartier.

Mais maintenant, ce n’est plus comme avant. Avec son ami Omar Ahaddaoui, autre membre historique de l’association, il déplore le manque d’investissement de la nouvelle génération et le peu de respect des jeunes pour le Hohberg. Qui va prendre la relève ? Alhamid Azzin l’ignore mais tant qu’il le pourra, il continuera à s’engager pour cette cité qu’il aime tant.

Orane Delépine

L'entrée du Parc des Forges 
©Aya Alkhiyari

 

La Zone Franche Urbaine : un atout majeur

 

Proudreed propose à ses clients des bâtiments clés en main standards. " Ces bâtiments sont construits bruts, puis on les adapte aux besoins du locataire. S’il veut une partie de stock et une partie de bureau, on crée une partie bureau et on laisse une partie de stock ", décrit Thomas Glatz. Les entreprises trouvent dans ce quartier un espace de travail adapté et des exonérations fiscales très avantageuses. Pour Christine Claude, gérante d’Arts et Matières, la création de la zone franche urbaine est un atout : "cela nous a permis de revenir sur Strasbourg, il y’avait l’opportunité d’aménager notre local comme on voulait. "
L’emplacement du Parc des Forges n’offre pas une vitrine importante. La plupart des entreprises présentes sur le site travaillent avec une clientèle précise et ne comptent pas sur leur visibilité pour attirer de nouveaux clients. " Ce sont des gens qui veulent quelque chose de bien spécifique qui viennent nous voir, si on voulait du trafic ce ne serait pas ici qu’on viendrait ", poursuit Christine Claude.

 

Les habitants doivent terminer le travail eux-mêmes ou faire appel à un prestataire extérieur. Si NLE prend en charge le matériel par des déductions de loyer, la main-d’œuvre reste à leurs frais.

 

Une responsabilité partagée

 

Au numéro 26, la réhabilitation a carrément provoqué un dégât des eaux. Locataire depuis avril 2017, Nefise Bezmem montre le parquet gondolé et les moisissures. La mère de trois enfants s’est blessée au dos en glissant sur le sol. Une chute qui lui a coûté son emploi. "J’avais une promesse de CDI dans l’entreprise de nettoyage dans laquelle je travaillais", développe-t-elle. Depuis, elle envisage de porter plainte.

Mélissa Antras

D’après un sondage réalisé par Par enchantement, 60% des habitants sont mécontents. De nombreuses caves n'ont pas été rénovées. Des fuites d’eau persistent et engendrent humidité, moisissures et odeurs nauséabondes. Les rongeurs sont toujours présents, parfois même dans les appartements, malgré les opérations de dératisation réalisées par l'Eurométropole à l'extérieur des bâtiments. Le bailleur social s’est engagé à traiter l’ensemble des caves pour le 12 janvier 2019. L’enquête montre que 95% des personnes interrogées ne sont pas satisfaites des finitions. "Les ouvriers ont laissé une mousse rose pour boucher les trous dans le mur et les tuyaux sont apparents dans les salles de bain et les toilettes", explique ainsi Fatma Inal, qui a grandi à Herrade.

18h23, after-work 
Encore une chanson de Mylène Farmer sur RFM. "Gégé" alias "le croquemort", enchaine les picons et les blagues de comptoir : "Tu vois la différence culturelle entre toi et moi, dit-il, goguenard, à une connaissance d'origine turque, toi tu parles de foot et tu bois du café, moi je parle de cul et je bois du picon." 
"Un p'tit Irish" pour Méhmet, qui s'accorde un moment de loisir. Il forme soigneusement les étages (sucre de canne, whiskey, café, chantilly) de son remontant... avant de mélanger le tout : "Je ne savais pas quoi boire et j'aime bien préparer des cocktails un peu compliqués", explique-t-il en sirotant sa boisson. 

18h47, Moment nostalgie
De l'autre côté du comptoir, Christian Kasmi, gérant du Poilu jusqu'en 1992, a le demi nostalgique : "À l'époque, il y avait au moins dix bistrots d'ici jusqu'au pont du chemin de fer. A cette heure-là, le lieu était rempli d'ouvriers qui se payaient des tournées..." Il se souvient de "l'ambiance de pensionnaires. La grande table ronde, c'était le "stammtisch", la table des habitués. Les anciens y buvaient du Rubis de France, un mélange de vins bon marché pour les bistrots." Derrière son comptoir, Méhmet tient à préciser : "Pour moi aujourd'hui, le Poilu est une brasserie car on fait restaurant, même si on peut aussi juste boire un verre." Résidant désormais à Cronenbourg, Chritian Kasmi revient toujours au Poilu, "pour l'ambiance", depuis que Méhmet a repris la gérance, il y a cinq ans. "Malgré ça, Kœnigshoffen a perdu de son âme, c'est devenu un dortoir."

19h25, retour des Zimmermann
De retour d'un enterrement, les époux Zimmermann reviennent s'en jeter un petit avant le diner. Tout en discutant en alsacien avec des amis, Ginette s'autorise un crémant d'Alsace – le champagne local. "C'est notre lieu de rendez-vous, parfois on fait les fous-fous", rigole-t-elle en agitant son verre. Avant d'ajouter, en désignant discrètement un vieux monsieur barbu à sa droite : "ici on s'entraide. Parfois on paie des tartes flambées." Pour elle, c'est "le dernier bistrot de Kœnigshoffen qui a encore ce truc-là : la convivialité."

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