Le module est validé, il peut être inséré dans un article pour être consulté par les internautes.
En la croisant à 7h dans le bus 40, impossible de se douter de son parcours singulier. Tenue soignée, du béret noir au trench beige, cheveux brossés, Isra ressemble à n’importe quelle adolescente de 13 ans. À la sortie du bus, elle rejoint tout sourire ses amies devant le collège Lezay-Marnésia de la Meinau à Strasbourg. La sonnerie retentit. Ce matin pour les quatrièmes, c’est cours d’allemand.
Pourtant, à 6h, c’est dans une tente où le thermomètre affichait 1°C qu’Isra s’est réveillée. Depuis quatre mois, la jeune Albanaise vit dans le parc Eugène-Imbs, à la Montagne-Verte, avec sa famille.
Ces bâtiments aux façades crème décrépies font partie de l’ensemble de logements sociaux du Molkenbronn. Sous la responsabilité de Batigère, ils jurent avec les autres HLM de la cité, rénovés en 2021 par l’autre bailleur social Habitation moderne. Pourtant, les habitants des deux barres ne sont pas alarmistes. "Ici, il manque juste un ascenseur", assure l’un d’eux, tandis qu’une autre indique ne pas avoir de problème de froid ou d’humidité. Le début des travaux, bien qu’un peu tardif, témoigne du souci de Batigère pour le bien-être de ses locataires. Quelques mètres plus loin, un bâtiment dénote.
Face à cette situation, les services d’hygiène de la Ville pourraient intervenir à condition d’être saisis par les habitants. François Desrues, directeur du territoire chargé de la Montagne-Verte, confirme : "Le pouvoir de police de l’habitat revient au maire, mais ce dernier est utilisé sur signalement des habitants." Problème, aucune alerte faisant état d’insalubrité n’a été déposée selon lui. Une situation qui souligne le manque de relais d’information en matière de mal-logement. Pour les habitants, quitter les lieux apparaît plus envisageable que de faire des signalements. "Avec ma femme, on cherche à partir", confie Quentin.
Un autre riverain montre les caves squattées, jonchées de déchets, puis les rambardes coupantes de rouille de la cage d’escalier. Dans son appartement, des moisissures courent le long du mur de la cuisine qui donne sur l’extérieur. Un problème souligné par deux autres locataires qui vivent dans la même aile du bâtiment : "Il y a des moisissures, on a dû jeter deux matelas. Même si on allume au max, on a toujours froid, on tombe souvent malade." Les chaudières individuelles hors d’âge peuvent vite se transformer en gouffre financier. Une habitante indique même s’être endettée de 5 000 euros à cause de ses factures de chauffage.
"Constituent un habitat indigne (...) les logements dont l'état (...) expose les occupants à des risques manifestes pouvant porter atteinte à leur sécurité physique ou à leur santé." L’immeuble du 1-3 rue de Singrist entre-t-il dans le champ d’application de l’article 84 de la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion ? Oui, selon les habitants. "On est allés plusieurs fois voir le syndic, mais rien ne bouge", affirme Quentin, locataire depuis un an. L’une des voisines ajoute : "Ils nous ont dit qu’ils allaient faire des travaux, ça fait un an et toujours rien." Conscient des enjeux de vétusté du bâtiment, le syndic indique que sa priorité est d’assainir les finances des deux copropriétés confrontées à des problèmes d’impayés. Les travaux, dont le coût s'élèverait à 700 000 euros, ne sont pas encore à l’ordre du jour.
La rue de Singrist débouche sur un petit parking, entouré de trois grands blocs. Le contraste est saisissant. En face des deux ensembles refaits en 2021, dont l’un bénéficie même de grands balcons rouges, les copropriétés du 1 et du 3 rue de Singrist paraissent bien vétustes. La façade s’effrite le long de cette barre de quatre étages. Un rat bondit hors des grilles d’aération d’une cave pendant que l’un des habitants décharge des sacs de courses. "Ici, tout est pourri", assène Quentin*, un trentenaire, avant d’expliquer que la moquette de sa chambre est gorgée d'humidité. Il paie 770 euros de loyer par mois pour 54 m², excessif selon lui pour un logement indécent.
"Ils nous ont dit qu’ils allaient faire des travaux, ça fait un an et toujours rien"
"Si on nous renvoie en Albanie, on attendra 24 heures pour repartir"
"Ici, tout est pourri"
Cette carte a été construite à partir des cartes de bruit de 2017 et 2022. Elles sont accessibles gratuitement en ligne. © Pauline Braunstein et Pauline Moyer