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Clara Grouzis 

Édité par Pauline Beignon

Selon les chiffres, le coût sanitaire atteignait 83 millions d’euros pour les Français en 2019 (baisse de la qualité de vie, soins physiques, arrêts de travail…). Plus qu’un véritable problème de santé publique, la punaise de lit est un désastre pour la santé mentale, avec des troubles du sommeil, de l’anxiété, liés à la désinfection et un isolement social. 

Déshabillés sur le palier 

Éva*, 26 ans, s’est battue pendant deux ans contre ces nuisibles. « J’ai vécu cette situation toute seule », confie l’ancienne étudiante en sciences sociales, alors logée dans une résidence universitaire à l’époque. « Je devenais complètement parano. Je ne faisais que regarder sous mon matelas, je passais mon temps à me gratter, fouiller dans mes vêtements à la recherche de punaises… » Julia, elle, révèle un impact sur sa vie sociale. « Nos amis nous demandaient de nous déshabiller sur le palier avant qu’on entre chez eux », explique la jeune femme encore choquée des propos. « Il y avait clairement un dégoût à notre égard. » 

« J’en ai pris plein la tête en étant catégorisé comme une personne sale qui ne lave pas son appartement », avoue Léo*, résidant en appartement dans la banlieue de Strasbourg. « Deux de mes amies m’en ont énormément voulu lorsqu'elles se sont levées avec des piqûres sur leur corps », explique-t-il. Pour beaucoup encore, les punaises de lit sont synonyme de saleté. Selon le rapport de l’Anses, les infestations ne sont pas liées à un manque d’hygiène des foyers touchés. De même, tous les milieux socio-économiques peuvent être touchés. 

Mettre le prix pour s’en débarrasser durablement

La précarité peut tout de même être un facteur qui ralentit l’élimination de ces nuisibles. Se débarrasser de ces insectes a un coût important, qui se situe en moyenne autour de 866 euros par foyer. Dans son rapport, l’Anses recommande une prise en charge financière pour les ménages à faibles revenus et souligne également que la peur d’une stigmatisation persiste et empêche certaines personnes de se faire aider. Pour éviter ce phénomène, elle propose de mettre en place un « mécanisme de déclaration obligatoire ». 

Éva, par manque de moyens financiers, s’est beaucoup renseignée sur internet pour les éradiquer durablement. « La société contactée par ma résidence s’est déplacée seulement deux fois puis plus rien », déclare-t-elle. Sur internet, elle multiplie les techniques pour éradiquer les insectes : laver son linge à plus de 60 degrés, passer l’aspirateur, placer ses draps dans le congélateur… « Tout ce que je pouvais mettre à l’intérieur, je le mettais pour les faire disparaître », appuie la jeune femme qui souffre aujourd’hui de stress post-traumatique. 

*le nom des personnes a été modifié

Azilis Briend

Édité par Adélie Aubaret

Le bilan de masse du glacier d’Aletsch, le plus grand des Alpes, situé dans le sud de la Suisse, montre une importante diminution de son volume. Cette mesure représente la différence entre la masse gagnée et perdue par le glacier sur une année, en volume équivalent en eau. Selon l’Académie suisse des sciences naturelles, le bilan de masse « fournit une information précise sur la santé du glacier », celui-ci réagissant aux variations du climat. Ici, on voit qu’entre 1914 (date de la première mesure) et 2023, le glacier d’Aletsch a perdu 62 431 mètres équivalents eau. Graphique Glamos.

Jean, 19 ans et Enes, 20 ans, dans une cafétéria du campus, le 29 septembre. Photo : Mina Peltier

« On a longtemps pensé que c’était des piqûres de moustiques ». Ça a été la vision d’effroi pour Julia* quand elle a confondu l’insecte « suceur de sang » avec une punaise de lit sur le mur de sa chambre. « On se réveillait avec des piqûres sur les jambes », avoue l’étudiante en master. Au bout de deux semaines d'installation dans un appartement proche de la cathédrale de Strasbourg avec son copain, le cauchemar a commencé. « On en a rapidement vu sous le matelas qui en était rempli, puis dans les oreillers. On en trouvait de plus en plus », explique-t-elle. Le couple prévient leur agence immobilière qui fait intervenir une société privée. 

Jeudi 28 septembre, la Mairie de Paris a réclamé au gouvernement un plan contre les punaises de lit, ayant constaté une «recrudescence importante» de cette espèce parasite. « Les punaises de lit sont un problème de santé publique et doivent être déclarées comme telles. Il faut que l'État réunisse urgemment l'ensemble des acteurs concernés afin de déployer un plan d'action à la hauteur de ce fléau…», écrit Emmanuel Grégoire (PS) dans une lettre adressée à la première ministre Élisabeth Borne.

Un problème de santé publique et mentale

Si aujourd’hui, Julia pense être débarrassée des nuisibles, elle assure avoir vécu une expérience traumatisante : « Je voulais juste tout cramer ! », lance Julia. « On sait qu’on est envahie par quelque chose, mais on ne les voit pas. Je me suis même mise à boucher les trous des plaintes avec du silicone pour les empêcher de circuler ». 

Entre 2017 et 2022, 11 % des ménages français auraient été infestés par des punaises de lit, selon un sondage Ipsos réalisé en juillet par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses). Dans un rapport publié en juillet 2023, l’Anses livre des données sur l'impact sanitaire mais aussi socio-économique de ces nuisibles. 

Le 28 septembre, l’Académie suisse des sciences naturelles publiait les premiers résultats des études sur la fonte des glaciers suisses en 2023. Comme on pouvait s’y attendre, ils ne sont pas bons : après avoir perdu 6% de leur volume en 2022, ils en ont perdu 4% cette année, faisant de 2023 « le deuxième plus gros recul depuis le début des mesures ». Avec une diminution globale de 10% de leur volume en deux ans, ces glaciers ont autant fondu qu’entre 1960 et 1990. Harry Zekollari est glaciologue à l’École polytechnique fédérale de Zurich. Il a participé à ces mesures, et se confie à Cuej Info.

Les deux années précédentes ont été catastrophiques pour les glaciers suisses. Pour quelles raisons ?

Habituellement, on perd 1 ou 2% des glaciers par an. Les deux dernières années ont battu tous les records, on a perdu beaucoup plus que ce qu’on pensait, et ce pour trois raisons principales. D’abord, l’apport en neige a été limité en hiver, alors que les glaciers ont besoin de cette neige pour les protéger. La couche de neige a donc rapidement laissé place à la glace en-dessous, qui a une couleur plus foncée. Or, quand une surface est blanche, une grande partie de l’énergie solaire est réfléchie (NDLR : c’est l’effet albédo). Mais si le glacier devient plus foncé, il va absorber plus d’énergie, ce qui entraîne une fonte additionnelle et plus rapide. Ensuite, il a fait très chaud aux printemps et étés derniers. Et enfin, il y a eu de nombreux épisodes venteux qui ont fait venir sur les glaciers du sable du Sahara. De la même manière que la glace, il a une couleur plus foncée que la neige, et a donc également un effet négatif sur la fonte.

Nous avons perdu 10% des glaciers suisses en deux ans. Doit-on en déduire que d’ici 20 ans, tout aura disparu ?

Non, nos projections sont plus positives. Même si ça reste très alarmant de voir ces pertes, ces deux dernières années ont été exceptionnelles. Actuellement, on sait qu’en 2050, on aura perdu environ 50% du volume des glaciers alpins, même si on arrive à ralentir le réchauffement climatique. Si on se projette en 2100, dans le pire des scénarios, les pertes seraient supérieures à 90%, il n’y aurait donc presque plus de glaciers dans les Alpes. Mais si on arrive à suivre l’Accord de Paris de 2015, donc à limiter la hausse des températures entre 1,5 et 2°C, on pourrait ne perdre « que » 70%. Ce n’est pas positif, mais c’est mieux que rien.

Et dans le reste du monde ?

On ne peut pas extrapoler ce qu’on observe dans les Alpes à d’autres régions du monde, parce que ses glaciers sont très bas, comparés à ceux de l’Himalaya, par exemple. Ces projections concernent les 4 000 glaciers des Alpes, il y en a environ 200 000 sur Terre. Dans nos projections globales, que ce soit dans le meilleur ou le pire des scénarios, nous prévoyons une perte de 25 à 50% du volume des glaciers d’ici la fin du XXIe siècle. De manière générale, c’est clair que les glaciers vont souffrir énormément dans les années à venir, même sans réchauffement additionnel, parce qu’ils réagissent lentement aux changements de climat. Ce sont surtout les décisions que l’on prend aujourd’hui pour limiter le réchauffement climatique, qui nous diront si nos enfants et petits-enfants verront des glaciers en 2100.

Quelles seront les conséquences de cette fonte ?

Sans réchauffement climatique, les glaciers fournissent de l’eau aux habitants des vallées dans les moments où ils en ont le plus besoin. Un glacier sain est plus important en hiver, plus petit en été, donc il apporte de l’eau quand il fait chaud et sec, de façon naturelle, en fondant. Mais avec le réchauffement climatique, on voit que les glaciers perdent trop de volume pendant l’été. Donc on va atteindre un pic d’apport en eau dû à une fonte plus importante, mais en contrepartie le glacier sera de plus en plus petit, et fournira de moins en moins d’eau à terme. Dans les Alpes, on est dans ce pic en ce moment, mais l’apport en eau va diminuer dans les décennies à venir, surtout en été. Une des raisons pour lesquelles on étudie ça, c’est parce qu’en Suisse, une grande partie de l’électricité est générée par les barrages (NDLR : deux tiers de l’électricité est issue de centrales hydrauliques), alimentés par l’eau des glaciers. Les projections montrent que cette production sera fortement perturbée par leur fonte dans les années à venir. Mais au niveau des apports en eau, il est important de contextualiser le rôle des glaciers : une partie vient aussi de la neige saisonnale, de la pluie. Ce n’est pas parce qu'ils fondent qu’il n’y aura plus d’eau dans les vallées, mais il y en aura de moins en moins.

Noah, 22 ans, devant l'ascenseur d’une bibliothèque strasbourgeoise, le 29 septembre. Photo : Mina Peltier

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