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Transpithérapie

Alice Caillau & Coline Playoust

© Coline Playoust

Le sport prescrit sur ordonnance

En 2012, Strasbourg a mis en place le dispositif Sport santé sur ordonnance qui s’étend aujourd’hui à 573 villes en France. Médecin généraliste dans le quartier populaire du Neuhof à Strasbourg, Léa Charton a intégré cette initiative prise en charge par la sécurité sociale à sa pratique.

Léa Charton est médecin généraliste au Neuhof. © Eurométropole de Strasbourg

Comment fonctionne la prescription du Sport sur ordonnance?

L’activité physique adaptée est remboursée pour toutes les personnes qui présentent une affection longue durée. Il y a 30 pathologies recensées, dont les maladies cardio-vasculaires ou les troubles dépressifs. On peut aussi prescrire du sport dans le cas d’un Covid long, quand les patients présentent une obésité avec un indice de masse corporelle (IMC) supérieur à 30. La liste des affections couvertes par l’assurance maladie est déterminée par l’Eurométropole. Le Sport santé est également remboursé pour les femmes enceintes. Ensuite, on en discute avec le patient. Si on ne fait que prescrire et donner l’ordonnance, il est possible que les patients ne soient pas motivés et donc ne suivent pas le dispositif. Il faut expliquer l’intérêt de la prescription. Moi par exemple, je ne leur parle jamais de sport, mais d’activité physique. Le sport, c’est un terme qui fait peur, les patients se voient en train de courir un marathon.



En quoi l’activité physique est-elle bénéfique?

Dans le cas des maladies cardio-vasculaires, le bénéfice est immédiat: le cœur est un muscle qu’il faut travailler. Plus on pratique d’activité physique, plus on diminue le risque d’hospitalisation pour problèmes cardiaques. De manière générale, la pratique du sport améliore la circulation sanguine et aide à diminuer les douleurs articulaires. Et l’amélioration de la santé cardio-vasculaire entraîne des effets bénéfiques sur de nombreuses pathologies chroniques.

Dans le cas de la santé mentale, le sport est intéressant pour rompre l’isolement. J’avais une patiente atteinte d’un fort trouble dépressif qui ne sortait plus de chez elle et ne voulait voir personne. Je l’ai inscrite au groupe Sport santé, elle a mis quatre ans à s’engager dans la démarche. Depuis, elle s’est fait des amies qu’elle voit en dehors des cours d’activité physique. Cela a permis de diminuer ses antidépresseurs et d’arrêter complètement ses anxiolytiques.

Enfin, le fait de faire de l’exercice active la production de certaines hormones du plaisir, comme l’endorphine, qui jouent un rôle important notamment dans le cas des pathologies psychiatriques chroniques.

Existe-t-il des profils pour lesquels cette activité physique est d’autant plus efficace?

Je travaille au Neuhof, un quartier populaire. Ma patientèle est principalement constituée de personnes défavorisées. Le dispositif Sport santé est ouvert à tous, mais il est d’autant plus intéressant pour les personnes qui ont des difficultés financières. À Strasbourg, il est gratuit la première année. Parmi mes patients, ceux qui sont plus aisés sont moins concernés par le dispositif parce qu’ils sont souvent déjà inscrits en salle de sport ou dans un club.

C’est aussi un élément intéressant pour les patients qui ont tendance à consommer trop de médicaments. La France est un pays où on ne sort pas d’une consultation sans une ordonnance de médicaments, j’espère que cette initiative va contribuer à diminuer cette tendance. Parfois, quand on a mal au dos, ce n’est pas un médicament qui va nous soigner. Le mal de dos, c’est le mal du siècle et il est lié à la sédentarité. C’est avant tout l’activité physique qui permet de lutter contre.





Atteintes d’endométriose: “C’est ce qui m’aide à tenir”

L’endométriose est une maladie gynécologique qui provoque des douleurs chroniques. Elle touche une personne menstruée sur dix et provoque des douleurs pelviennes invalidantes. Pilates, course à pied, musculation… certain·es se tournent vers le sport pour les combattre.

L'endométriose touche une personne menstruée sur dix. © Coline Playoust

Pour Nolwenn (le prénom a été modifié), Lyonnaise de 28 ans, le couperet est tombé il y a moins d’un an. ‘‘Je n’avais pas de douleurs plus jeune. Mais l’année dernière, j’ai commencé à avoir des vomissements à chaque fois que j’avais mes règles. Je ne m’inquiétais pas vraiment, jusqu’à ce que j’ai de grosses douleurs en dehors de mon cycle, à tel point que j’étais pliée en deux, sans pouvoir bouger.’’ Plusieurs examens révèlent des inflammations du système digestif, jusqu’à ce qu’une IRM pose le diagnostic: ‘‘endométriose profonde avec des lésions au niveau des ovaires et des voies digestives’’.

Antidouleurs, allers-retours à l’hôpital, opérations, les douleurs de Nolwenn persistent sans s’atténuer. Au déclenchement de sa maladie, elle arrête toute activité physique. ‘‘Pendant mes crises, je ne pouvais plus aller à la salle de sport. J’ai lu ensuite un article qui expliquait que les sports doux comme le pilates étaient plus adaptés et pouvaient atténuer les douleurs pelviennes.’’ Rapidement, la pratique de cette discipline l’aide à gérer ses douleurs. ‘‘Sur le moment ça me fait un peu mal, mais c’est après les séances que je ressens les bienfaits. Les exercices de respiration et le travail des muscles profonds permettent de détendre mon ventre et mes douleurs sont moins fortes.’’

‘‘Quand je cours, c’est comme si ça me rendait plus forte’’

‘‘Les douleurs dues à l’endométriose, j’ai longtemps pensé que c’était normal’’, témoigne Océane. La Strasbourgeoise de 23 ans a été diagnostiquée en 2020 après plusieurs années de souffrance. ‘‘J’ai commencé à faire des malaises pendant mes règles, c’est là que ça m’a alertée.’’ C’est au cours de séances de course à pied qu’elle remarque que le sport l’aide à supporter les sensations de ‘‘couteau planté dans le bas du ventre’’. ‘‘Quand je cours, c’est comme si ça me rendait plus forte. Tout mon corps s’active, surtout au niveau du ventre. À la fin de ma course, je me sens soulagée.’’ Océane est sous traitement hormonal depuis un an. ‘‘J’ai toujours mal, mais comme je n’ai plus mes règles, c’est moins violent. J’ai continué le sport, parce que c’est vraiment ce qui m’aide à tenir. Je fais de la musculation six fois par semaine maintenant et je travaille mes abdos. Ça atténue les ballonnements.’’

Les bienfaits du sport à l’étude

‘‘Mes patientes expliquent souvent que faire du sport, notamment des pratiques douces, les aident à supporter les douleurs’’, confirme Élodie Chantalat, gynécologue spécialisée en endométriose à l’hôpital Purpan de Toulouse. ‘‘L’endométriose provoque une perte de l’anatomie normale, donc on conseille beaucoup aux patientes d’aller voir des ostéopathes pour faire des étirements. On retrouve ce même genre d’étirements dans des sports comme le pilates ou le yoga. Ces pratiques permettent également aux patientes de reprendre des postures normales, de moins se recroqueviller.’’ Si elle constate que le sport aide sa patiente, elle n’irait pas jusqu’à le recommander directement. ‘‘L’endométriose, c’est une pathologie qui a autant de manifestations différentes que de patientes. On manque encore d’études scientifiques concrètes sur les bienfaits du sport pour contrer ces douleurs.’’ L’Agence nationale de recherche (ANR) et l’association EndoFrance cofinancent en ce sens le programme Crescendo, une étude en cours menée par Géraldine Escriva-Boulley, maîtresse de conférences à l’université de Haute-Alsace. Lancé en février 2022, le programme cherche à établir auprès de 200 personnes atteintes d’endométriose les potentiels bénéfices de l’activité physique adaptée sur les douleurs pelviennes. ‘‘Ce type de recherches pourra aider à trouver des façons de mieux vivre la douleur pour les personnes qui souffrent de cette pathologie qui n’a pas été suffisamment étudiée’’, espère une bénévole de l’association EndoFrance.