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Un manifeste pour étendard


26 décembre 2008

Repères

Adresse, budget, président, implantation électorale, nombre d'élus... Fiches d'identité des europartis.

De 1974 à 2007, comment ils profitent de la démocratisation de l'Union.

Les critères d'accès aux financements de l'Union.

Conservateurs, socialistes, libéraux, voire eurosceptiques : les familles politiques représentées au Parlement européen, à la Commission et au Conseil.

Qui peut voter ? A quel âge ? Où le panachage des listes est-il autorisé ? Mode d'emploi des élections européennes dans les pays membres.

Depuis 1979, l'abstention aux élections européennes n'a cessé d'augmenter. C'est la grande inconnue du scrutin de juin 2009.

2009, année décisive

Des imprévus dans le menu

La crise financière et le traité de Lisbonne s'invitent dans les thèmes de campagne.

Tout était calé. Prospérité économique, climat, sécurité, défense et politique étrangère devaient être au cœur de la campagne européenne. Mais l'encre des programmes était à peine sèche que les europartis ont dû revoir leurs plans. En cause, l'arrivée totalement imprévue de deux gros dossiers: la crise financière et le traité de Lisbonne.
D’abord, la crise. Difficile de parler de clivage ici. Les partis sont plongés dans la même incertitude et tentent d’adapter leurs discours aux soubresauts des marchés financiers. Tous sont d’accord sur une chose: il faut désormais repenser le modèle économique européen. Reste à savoir comment.
Ensuite, le traité de Lisbonne. L’émergence du mouvement souverainiste "Libertas", associée à la décision de faire revoter les Irlandais à l’automne 2009, pourrait transformer la campagne en référendum pour ou contre le texte.
Concernant le climat, la défense et la politique étrangère les discussions s’annoncent là aussi complexes. Car sur chacun de ces dossiers, les clivages changent. Droite contre gauche, extrêmes contre partis de gouvernement, divisions au sein d’un même europarti... Les machines politiques doivent régler leurs positions au millimètre pour, à chaque fois, dégager de nouvelles alliances.

Jordan Guéant, à Bruxelles

Crise économique : les partis dans l'inconnu

Personne ne l'attendait. La crise financière a débarqué dans le calendrier en invitée surprise, prenant les partis au dépourvu. Les Verts, par exemple, ont dû ajouter en urgence un paragraphe à leur manifeste, en octobre dernier.
PGE et PVE. Bastion de la gauche anti-libérale européenne, le PGE n'a pas eu besoin de réadapter son discours. Ses positions sont claires: taxe sur les transactions monétaires pour dissuader les spéculateurs (taxe Tobin), hausse des impôts sur le revenu et mise en place d'un contrôle de l'État sur le système bancaire. Dans la même lignée, les Verts (PVE) militent eux-aussi pour des lois anti-monopoles, pour une suppression des donations publiques aux entreprises et pour la taxe Tobin.

PSE. Dès 2006, les socialistes ont évoqué les menaces pesant sur le système financier. Mais faute d'avoir une majorité politique, leurs propositions sont restées sans suite. Elles n'ont même pas été relayées dans les pays dirigés par des gouvernements socialistes. Aujourd'hui, le PSE les reprend dans son "Manifesto". La mesure phare concerne la réforme des fonds spéculatifs et des capitaux d'investissement, que le parti souhaite rendre plus transparents. Les socialistes envisagent de taxer ces
fonds qui agglomèrent des sommes colossales. Suppression des
parachutes dorés et des paradis fiscaux, renforcement de la régulation et réforme du FMI font aussi partie des propositions avancées.

PDE. Les troupes de François Bayrou et Francisco Rutelli souhaitent un renforcement des compétences politiques de l'Union afin d'avoir plus de poids pour contrer la crise. Favorables à une relance, ils entendent revoir à la hausse le budget communautaire. Ils veulent également renforcer la BCE, notamment pour lui confier une mission de surveillance des banques européennes.

ELDR. Difficile d'assumer l'affiliation au libéralisme par les temps qui courent. L'ELDR a donc mis un peu d'eau dans son vin en réclamant un renforcement du FMI. Mais il ne renie pas ses fondamentaux et réfute toute idée de nationalisation, de protectionnisme ou de "sur-réglementation".
Pour Daniel Tanahatoe, le parti "reste plus proche du PPE sur les questions économiques". Et de préciser: "Le problème, c'est qu'il y a deux visions au PPE. Celle de Sarkozy, interventionniste, et celle de Merkel, plus en retrait mais que nous approuvons davantage".
PPE. Changement de ton au sein du parti de droite. Il y a quelques mois, une écrasante majorité de ses membres prônaient le libéralisme, dans la lignée de l'ELDR. Avec la crise, une deuxième voie est apparue. Suivant les
positions françaises, certains ne sont plus hostiles à une dose d'interventionnisme et de régulation : "Ce sont des éléments peu contrôlés de l'économie de marché qui sont à l'origine de la crise. Il faut un arbitre. Pas un intervenant mais un contrôleur. Et sur ce point, je ne vois aucune différence avec le PSE", explique Antonio Lopez-Isturiz, secrétaire général. Mais en terme de programme, la droite reste floue, se contentant de réclamer une réforme du FMI.

A plus long terme, que faut-il faire de la très libérale stratégie de Lisbonne?
Voté en 2000 par les 15 pays membres d'alors, elle a servi depuis de colonne vertébrale à tous les programmes politiques.
Cette stratégie mise tout sur la recherche de la compétitivité dans un contexte de mondialisation galopante. Le retour de l'interventionnisme et de la régulation pourrait définitivement la mettre à mal.

Jordan Guéant, à Bruxelles

Climat : la droite partagée entre écologie et économie

L’industrie contre le climat. Il n’y a pas si longtemps, on aurait parlé de pot de fer contre pot de terre. Aujourd’hui, le combat semble plus équilibré. Mi-décembre, lors du conseil européen, l’ensemble des partis politiques a salué l’accord sur le plan énergie/climat défendu par la présidence française. Pourtant, sur le fond, le clivage gauche / droite reste fort, en particulier concernant la place de l'écologie en temps de crise économique. Concrètement, la gauche estime que la protection de l'environnement est un moyen de relancer l'économie. A l'inverse, la droite considère qu'en période de récession, c'est vers l'industrie que doivent se tourner les efforts. Quitte à renoncer aux engagements climatiques.

Verts. Logiquement, ils sont les plus vindicatifs. Les Verts ont les objectifs les plus poussés: ils veulent réduire les émissions de gaz à effet de serre de 30% d'ici 2020 et, dans le même temps, arriver à 25% d'énergies renouvelables. Surtout, ils entendent instaurer une politique fiscale contraignante, notamment via un système d'écotaxes généralisées.

PSE. Sur les chiffres, les socialistes sont proches des Verts. Ils tablent sur une baisse de 25% des gaz à effet de serre d'ici 2020 et veulent faire passer la part des énergies renouvelables à 20%, toujours d'ici douze ans. Sans cependant détailler les moyens qu'ils utiliseraient pour y parvenir, les socialistes affirment que "la croissance verte" permettra de créer "plus de dix millions d'emplois dont deux rien que dans le secteur des énergies renouvelables". Pour Julian Scola, porte-parole du PSE, "désormais, quand on investit pour créer des emplois, il est totalement inutile de s'intéresser aux vieilles industries. Il faut se concentrer sur les nouvelles, vertes, qui permettront de concrétiser les grands engagements que l'Europe a pris sur le climat".

ELDR. A mi-chemin entre droite et gauche, les libéraux affirment qu'il ne faut pas revenir sur le contenu du paquet énergie/climat. Eux aussi y voient un moyen de sortir de la crise. En cela, ils pourraient coopérer avec la gauche. Deux nuances s'imposent cependant: le parti ne s'engage sur aucun chiffre et continue à militer en faveur des OGM, bêtes noires des Verts et des socialistes.

PPE. Le parti de droite officiellement réjoui lors de l'adoption du paquet énergie/climat mais, en coulisses, ses responsables modèrent leur enthousiasme. L’eurodéputé français Alain Lamassoure explique: "On ne peut rien faire qui aggrave la situation de l'industrie". Le secrétaire général du parti est sur la même ligne: « On ne renonce pas à la lutte contre le changement climatique mais il faut adapter nos plans à la crise », analyse Antiono Lopez-Isturiz. Résultat: les divisions internes du PPE le poussent à ne pas trop s'épancher. Deux questions clivent en effet les pays membres du PPE. D'abord, le nucléaire. Pour Antonio Lopez-Isturiz, "L’alimentation en énergie de l’Europe dépend de pays plus ou moins douteux. Je ne veux pas laisser mon fils prisonnier de ce genre de question. Le nucléaire, c’est une solution". Or, l'Allemagne et la Suède, deux pays dirigés par des coalitions de droite, ont annoncé un plan de sortie du nucléaire. Les OGM constituent le second sujet de discorde. En Europe, le PPE souhaiterait les généraliser. En France, pour ne citer qu’un seul exemple, l’UMP est déchirée sur le sujet.

Jordan Guéant, à Bruxelles

Immigration : les Verts et la gauche antilibérale pour l'ouverture des frontières

En matière d’immigration, deux clans se distinguent: d’un côté, les partisans d’une immigration contrôlée, tels le PPE, le PDE, et l’ELDR. A l’inverse, le PGE, le PVE et dans une moindre mesure le PSE sont plutôt favorables à un élargissement des conditions d’immigration.

Les Verts européens sont les seuls à encourager clairement l’immigration. Ils sont favorables à un élargissement des conditions d’entrée dans l’Union Européenne et à la régularisation des sans-papiers. Ils soutiennent aussi la création de normes minimales en matière de droits des travailleurs immigrés, le droit au regroupement familial et l’ouverture totale du marché du travail européen pour ces travailleurs immigrés.

L’ALE, partenaire des Verts européens au Parlement, partage moins leur enthousiasme sur le sujet. Il veut juste doter l’UE de directives d’immigration qui distinguent la migration économique des flux migratoires politiques.

Le PGE refuse l’Europe forteresse et manifeste son hostilité à toute expulsion d’immigrés en situation irrégulière. Il s’oppose aux centres de rétention, et au durcissement du droit d’asile pour les militants politiques. Il prône aussi un renforcement du droit des immigrés et le droit au regroupement familial.

Aux antipodes de ces positions, le PPE, le PSE, le PDE et l’ELDR affirment la nécessité d’une immigration contrôlée (voire d’une immigration choisie selon les besoins de l’Union européenne pour le PPE). Pour cela, ils réclament des moyens coercitifs: renforcement des contrôles aux frontières, expulsions des immigrés en situation irrégulière... Le PPE est aussi favorable à un partenariat avec les pays d’origine de l’immigration, notamment pour la construction de centre de réfugiés sur leur sol, pour un accord de retour des clandestins, et pour une coopération policière accrue.

L’UED est le parti qui a la position la plus sécuritaire. Il prône la préférence européenne et la lutte active contre l’immigration.

Emilie Iob, à Bruxelles

La défense : combien de divisions ?

Au premier abord, la question paraît simple: l'Europe doit-elle avoir sa propre défense? Deux grandes lignes se dégagent. La droite, les socialistes et les libéraux prônent une mutualisation des moyens et un renforcement de la coopération entre les 27. Le PPE va plus loin, en proposant un "pacte européen de sécurité et de défense" avec la création de corps d'armées internationaux, l’adoption de plans, le regroupement des efforts de recherche.

A l'inverse, les deux extrémités de l’éventail politique s'opposent à toute idée d'Europe de la défense. A gauche, c'est une question de philosophie politique. Le PGE se revendique pacifiste, milite pour la suppression de l'Otan et pour la fermeture des bases américaines présentes sur le sol européen.
A droite, les souverainistes considèrent que la défense doit rester une compétence propre à chaque État à l’exception de l’AEN qui demande la disparition de l'Otan, mais est favorable à la création d'une "force européenne destinée à maintenir la paix, car c'est l'un des objectifs de l'Europe".
Derrière l'Europe de la défense se cache aussi la question de la place de l'Union au sein de l'Otan. Là, les clivages sont plus complexes, en particulier entre les trois grands partis de gouvernement: PPE, PSE et ELDR. Les libéraux de l'ELDR affichent clairement des positions pro-américaines

Le PPE est plus nuancé. Bien qu'atlantiste, il estime que l'élection de Barack Obama "offre l'opportunité de remettre à plat les grands dossiers afin d'aboutir à un partage des tâches entre les deux rives de l'Atlantique".
Pour le parti de droite, les Européens doivent profiter du changement à la tête des USA pour sortir de leur rôle de figurants.
Quant au PSE, il cultive volontairement une certaine discrétion. Au niveau des États, les socialistes sont divisés sur l'attitude à adopter face à une organisation jugée comme étant à la botte des Américains.
Contrairement aux Allemands du SPD, le PS français et le PSOE espagnol ont toujours été méfiants à l'égard de l'Otan.
Définir une position commune relève donc du parcours du combattant. Le dernier exemple en date concerne le renforcement des troupes françaises et allemandes en Afghanistan, décidé au début de l'automne. Le PS s'est
abstenu lors du vote à l'Assemblée nationale. Le SPD l’a majoritairement approuvé au Bundestag. Quant au PSE, il s'est contenté de réclamer une redéfinition de la stratégie, tout en rappelant que les tentatives de résolutions politiques ont été des échecs.
A l'échelle européenne, il faudra pourtant trancher. Barack Obama a annoncé l'envoi de 20 000 à 30 000 soldats américains supplémentaires. Cette opération sera menée dans le cadre de l'Otan auquel le nouveau président américain a déjà prévu de demander "un engagement plus important". Nul doute que la question sera soulevée lors du prochain sommet de l'Otan, en avril, à Strasbourg et Kehl. Le futur Parlement européen devra donc définir une position claire, soutenue par une majorité politique, s'il veut que l'Europe pèse au moment de la décision finale.

Jordan Guéant, à Bruxelles

L’Europe dans le monde : la Turquie au coeur de la discorde

En politique extérieure, les positions des partis politiques européens témoignent d’un stigmate toujours présent: l’échec d’un consensus face à la guerre en Irak en 2003. Parmi leurs priorités avancées, on trouve donc en haut de la liste le renforcement d’une politique extérieure et de défense commune.
Face aux enjeux d’un monde multipolaire et au défi énergétique, la plupart insiste sur la nécessité d’intensifier le dialogue avec les voisins de l’Union européenne, ainsi qu’avec la Russie et les États-Unis. Pour tous, l’élection de Barack Obama à la présidence américaine sonne comme un nouvel espoir de relancer les relations transatlantiques.
Un des principaux clivages entre les partis concerne l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne.

Le PSE et l’ELDR s’accordent sur la plupart des grands thèmes: ils sont tous deux favorables au renforcement du dialogue avec les ex-pays de l’URSS tels l’Ukraine, la Biélorussie, et les États du Caucase, qui sont aussi une enjeu énergétique de taille. En témoigne la volonté des deux partis de soustraire les anciens pays soviétiques à l’influence de Moscou et, pour l’ELDR, de les aider à intégrer l’OTAN. Le PSE soutient la création d’une Union de la mer Noire. Avec la Russie, l’accent est davantage mis sur la nécessité de lui faire respecter des droits de l’homme, mais l’objectif commun sous-jacent reste le partenariat énergétique. Les deux partis soutiennent également l’adhésion de la Turquie à l’Union Européenne.
Enfin, les deux sont partisans d’un engagement de l’UE à l’étranger et réclament un renforcement des missions communes de paix, notamment au Moyen-Orient. Ils veulent aussi une coopération accrue avec l’OTAN en matière de sécurité internationale.
Le PVE  et le PDE mettent eux davantage l’accent sur le co-développement avec les pays pauvres et soutiennent une hausse des aides européennes. Le PVE réclame l’annulation totale de la dette des pays pauvres et une discrimination positive en faveur des produits issus du commerce équitable. Il est également favorable à une réforme du processus de décision au sein de la Banque mondiale et du FMI, pour donner plus de poids aux pays en développement.
Le PDE, quant à lui, est favorable au vote à la majorité au sein du Conseil, y compris pour les décisions de politique internationale.

Le PPE se distingue par son opposition à l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne. Il est favorable au renforcement du dialogue avec les pays voisins, et à la mise en place d’une Charte du voisinage. Pour ce parti, la priorité, c’est la Russie: un voisin jugé incommode et instable, par rapport auquel il est urgent de réduire la dépendance énergétique, notamment par la construction d’un nouveau gazoduc passant par le Caucase (Nabucco).
Le PPE demande aussi l’établissement d’un agenda de priorités communes à l’Union européenne et affiche son atlantisme en soutenant un partenariat renforcé avec les Etats-Unis.
Cultivant son originalité, le PGE maintient son discours antisécuritaire en demandant la suppression de l’OTAN et le retrait des troupes européennes d’Afghanistan et d’Irak. Il se démarque des autres partis par une position plus dure face aux Etats-Unis en exigeant la fermeture des bases américaine en Europe. Il se déclare explicitement en faveur d’un Etat Palestinien indépendant et de l’auto-détermination du peuple du Sahara-occidental. Il demande également, comme le PDE et le PVE, la suppression de la dette des pays pauvres.

Emilie Iob, à Bruxelles

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