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Jérôme Flury et Mariella Hutt
Quels sont les critères pour décider de démolir un bâtiment ?
Il y a trois raisons pour décider d’une démolition. La première est liée à des raisons urbaines : les bâtiments sont mal placés. C’était le cas de beaucoup de tours qui « fermaient » le quartier. Deuxième raison : les structures des bâtiments ne permettent pas de les réhabiliter ou de les faire évoluer de manière satisfaisante. C’est le cas dans la plupart des logements de la Meinau, comme souvent dans ces grands ensembles qui ont été construits vite. Troisième critère : les bâtiments sont marqués en terme d’image, les gens ne veulent plus y aller, ou ils fonctionnent mal. Quand ces trois conditions sont réunies, je n’ai aucun état d’âme, on démolit.
Beaucoup d'habitants souhaitent rester dans le quartier, mais les logements détruits seront reconstruits ailleurs pour favoriser la mixité. Comment gérer cette contradiction ?
A la Meinau, 70 à 75% des habitants veulent rester dans le quartier. Or, l'objectif affiché du NPNRU est clair : quand on démolit un quartier relégué, il ne faut pas recréer le même genre de lieu au même endroit.
On a donc créé des logements sociaux un peu partout. Leur nombre sur le territoire global de la métropole reste le même. On propose à des gens de rester à la Meinau, mais en-dehors de la Canardière . Sur l’avenue de Colmar par exemple, qui est fortement dotée en habitat social.
Les démolitions, c’est quelque chose d’assez violent, tant pour les habitants que pour ceux qui les décident. Une enquête sociale doit donc être menée en amont. Globalement, on regarde quelle est la demande, quelle est la situation des gens et ce qu’ils souhaitent, et on croise les deux. Il y a un gros travail humain derrière, mais à la Meinau on y arrive bien.
Propos recueillis par Aurélien Gerbeault et Marine Godelier
En préambule de la Journée mondiale du refus de la misère célébrée le 17 octobre, une trentaine de schilickois se sont rassemblés pour allumer des bougies contre la pauvreté, sur le parvis de l'Hôtel de ville ce mardi 1er octobre à 19h.
Des concertations publiques ont été mises en place dès 2016. Celles-ci étaient prévues par le nouveau plan, mais pas par le premier. Les habitants ont-ils été écoutés ?
Je n'appartenais pas à la mandature d'avant 2008, je ne commenterai pas le travail de mes prédécesseurs. En revanche, en 2009, nous avons organisé le premier forum de rénovation urbaine de la Meinau, qui a profondément modifié la convention initiale.
Celle-ci prévoyait des interventions un peu partout dans le quartier, et la démolition de seulement deux tours. Mais en concertation avec les habitants, nous avons choisi de finir d’abord des parties de quartier entières, quitte à ne pas intervenir sur d’autres. Nous avons également décidé de faire tomber toutes les tours à la Meinau. Aujourd’hui il n'en reste plus que deux, au 25 rue Schulmeister ainsi qu'au 15 rue de Provence, qu'il est prévu de démolir dans le cadre du NPNRU.
Comme le nouveau plan s’inscrit dans la philosophie et les orientations urbaines définies en 2009, les concertations n’ont presque rien fait changer.
L'école La Clandestine à la plaine des Bouchers accueille tous les mardis soirs un cours de dancehall queen style et de twerk. L'occasion pour moi de tester cette danse souvent médiatisée, mais peu estimée.
« Beyoncé, c’est toi ! » En sueur, c’est difficile d’y croire. Dans le sous-sol de l’école de danse La Clandestine, Elodie Friess, alias la queen Elodie Nosaure, m’encourage, sur le côté de la salle, pour ma première leçon de dancehall et de twerk qui a commencé trois quarts d’heure plus tôt.
Le dancehall ? « C’est une danse, axée sur le bassin et les mouvements au sol, qui est née dans les années 1980 dans un contexte politique difficile en Jamaïque. Elle a permis aux femmes de donner de la voix. Elle est depuis exclusivement féminine. »
Une quinzaine d’élèves, comme moi, sont alignées face aux miroirs de la salle de danse. Un haut-parleur en forme de cochon crache des notes de reggaeton alors que nous nous étirons. Mais très rapidement arrive l’échauffement. Et le moment que je redoute : celui où il faudra tenter le twerk, une technique très utilisée dans le dancehall queen style et qui demande des muscles que je ne pense pas avoir.
Le twerk ? Une technique de danse, où l'on secoue hanche et fesses dans un mouvement de va-et-vient. Notre instructrice précise : « C'est une technique qui vient de danses traditionnelles africaines. Avec la colonisation, elle avait un peu disparu. Puis c’est réapparu en Louisiane, dans la communauté transgenre noire-américaine. Il faut aller au-delà du "c'est vulgaire" pour comprendre ces aspects sociaux, historiques et culturels. »
Se réapproprier son corps
Accroupie d’abord, debout ensuite : pour chaque position, les mouvements sont différents. Elodie nous décompose les techniques : balancer ses hanches d'avant en arrière, sur les côtés, faire des cercles avec son bassin, utiliser ses cuisses pour que nos fesses soient secouées... La discipline est beaucoup plus physique qu’elle n’en a l’air : déjà, au bout d’une demie-heure, j’ai mal aux cuisses et aux genoux. Certaines des élèves les plus anciennes ont prévu le coup : elles ont pensé aux genouillères. Je me découvre une nouvelle admiration pour Miley Cyrus, Normani ou Nicki Minaj, principales ambassadrices de la pratique.
Pour la chorégraphie du jour qui comprend une vingtaine de mouvements, Elodie a choisi la chanson Already de Beyoncé, sacrée reine du girl power par la pop culture. Car la démarche de Queen Up Yuhself, le projet d’Elodie, s’inscrit aussi dans l’idée de libération du corps des femmes. Et si le cours est entièrement féminin, c'est un choix assumé : « Cela permet de se réapproprier son corps, sans jugement, dans ce cocon qu’on essaie de créer. On veut que ce soit le plus libérateur possible ! ».
Mains sur les hanches, je mets en pratique les mouvements de bassin que nous venons d’apprendre. L’ancienne danseuse que je suis reconnaît quelques pas familiers, d’autres steps me sont complètement inconnus. Et surtout difficiles à retenir quand on danse depuis une heure. Autour de moi, certaines sont tout aussi perdues. L'atmosphère féminine me rassure. Après une dizaine de répétitions de la chorégraphie, les jambes se font de plus en plus lourdes. Tout le monde applaudit : l’heure et demie de cours s’achève, avec des participantes épuisées. Et promises, le surlendemain, à des courbatures tout le long des jambes.
Judith Barbe