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La droite battue par la République en marche en Alsace
Avec un score de 9,1% des voix en Alsace, Les Républicains se placent en quatrième position aux dernières élections européennes - et arrivent en tête dans seulement six communes. Un résultat qui tranche avec le score de 2014 : avec 24% des suffrages, l’UMP est alors seulement devancé par le Front national. Fort de son ancrage local, notamment dans le Haut-Rhin, ce dernier totalise alors 27,6% des votes alsaciens. Et met ainsi fin à l’hégémonie historique de la droite traditionnelle sur cette région.
En 2019, le Rassemblement national continue de grignoter des votes aux Républicains. À Sarre-Union, ville la plus peuplée d'Alsace bossue, pourtant présidée par un élu LR, la liste portée par Jordan Bardella (RN) l’emporte avec 30% des voix. Même constat à Dannemarie, dans le Sundgau, où le parti de Marine Le Pen est arrivé largement en tête avec 32,6% des voix. En 2014, FN et UMP étaient arrivés ex-aequo.
La campagne de Laurent Wauquiez, président des Républicains, s’est pourtant appuyée sur des thèmes chers à l’extrême-droite. Mais cette stratégie n’a pas plu aux électeurs traditionnels de LR, selon Jonas Eshete, responsable des Jeunes Républicains du Bas-Rhin : « Laurent Wauquiez a parlé à un certain électorat, en axant son discours sur l’immigration. Il a sans doute été clivant, alors que le "Travailler plus pour gagner plus" de Nicolas Sarkozy pendant sa campagne des présidentielles de 2007 pouvait parler à tout le monde et fédérer les Français. »
Une chute de LR dans la plaine d'Alsace
L’ancrage du FN n’est pas une nouveauté en Alsace. « En 1995, Jean-Marie Le Pen est déjà en tête au premier tour de l'élection présidentielle », rappelle le politologue Richard Kleinschmager, président de l’Université populaire de Strasbourg.
Cependant, le RN perd des communes entre les deux dernières élections européennes. La chute des Républicains n’est donc pas seulement due au report des voix sur le parti de Marine le Pen mais plutôt à la victoire de LREM dans la majorité des communes auparavant acquises à LR.
Les communes où l’UMP arrive en tête en 2014 se situent principalement dans la plaine centrale d’Alsace, territoire plutôt composé de vignobles, plus riche que les anciennes vallées industrielles. « Aux élections de 2017, le vote LREM se retrouve plutôt dans les villes et les périphéries. Tandis qu’à la dernière élection européenne, il prend souche dans les petites villes, historiquement acquises à la droite et au centre-droit. C’est donc à LR, principalement, que LREM prend des voix », détaille Richard Kleinschmager. La carte montre que le report des voix de l’électorat de la droite traditionnelle a profité au parti d’Emmanuel Macron puisque le RN a gagné très peu de communes.
En 2019, les électeurs de droite se reportent davantage sur la liste de Nathalie Loiseau, que l'on choisit de placer ici au centre droit de l'échiquier politique. De fait, les députés LREM ont rejoint les autres partis centristes au Parlement européen dans le groupe Renew Europe (ex-Alliance des démocrates et des libéraux pour l'Europe) et non le Parti populaire européen (PPE), où siègent Les Républicains. Mais le vote centriste est-il nouveau en Alsace ?
Un éclatement de la droite
« L’Alsace est divisée entre les gaullistes et les centristes jusque dans les années 1990. L’arrivée du FN à la fin des années 1980 vient grignoter la part des deux électorats, surtout gaulliste », analyse Richard Kleinschmager. À l’instar de 1999, un éclatement des partis de droite s’effectue vers le centre en 2019.
Député de la 5e circonscription du Bas-Rhin, à l’extrême-sud du département, Antoine Herth a été élu aux législatives 2017 sous étiquette LR, mais il a quitté le parti en 2018. Il est l’un des fondateurs d’Agir, qui rassemble centristes et dissidents des Républicains, comme Fabienne Keller, l’ancienne maire UMP de Strasbourg.
Ce parti de droite se démarque de LREM mais soutient sa politique : « Emmanuel Macron porte un discours volontariste sur l’Europe et je suis viscéralement attaché à la question européenne, justifie notamment Antoine Herth, qui siège au bureau de l’Assemblée parlementaire franco-allemande. Le discours de plus en plus eurosceptique de Laurent Wauquiez pendant sa présidence de LR ne correspondait pas à l’idée que je me faisais de la droite. »
Les Républicains échouent même en Alsace
Terre de droite, l’Alsace n’échappe pas à la lame de fond qui emporte Les Républicains partout en France aux élections européennes de 2019. Les écarts de voix pour le parti de droite sont vertigineux. En moyenne, LR perd 54,59% des voix en Alsace. « C’est une logique nationale, reconnaît Florian Colom, délégué LR de la 5e circonscription de Mulhouse. L’Alsace ne fait pas exception : nous perdons des bastions, comme ailleurs. »
C’est le moins qu’on puisse dire : LR a perdu plus de la moitié de ses électeurs dans 599 communes sur les 880 que compte l’Alsace. Dans des fiefs historiques de la droite, c’est souvent la débâcle. À Souffelweyersheim, ville du sénateur André Reichardt, 270 électeurs ont fait le choix de la liste LR en 2019, contre 630 en 2014. À Cernay, où les maires Rassemblement pour la République, UMP, et LR se succèdent depuis 1973, 59% des électeurs de la droite n’ont pas réitéré leur vote en 2019. Même Mulhouse a sa place sur le podium des grandes déroutes : LR y perd plus de 2000 des 3547 voix qu’il comptait en 2014.
Le phénomène est généralisé : zones urbanisées et communes rurales accusent de lourdes pertes. Au cœur des Vosges, dans le petit village d’Aubure, l’ensemble des électeurs LR se sont volatilisés. À Saint-Louis, à la frontière suisse, près de deux tiers des électeurs LR ont boudé le parti de la droite en 2019.
Côté progression, le bilan est maigre. LR ne gagne du terrain que dans neuf communes, et se maintient dans quatre villages. À noter, quand même, un gain de 50% à l’actif de Issenhausen, avec… deux votants en 2019, contre un seul en 2014.
Après la débâcle de François Fillon à la présidentielle de 2017, le parti de droite espérait trouver un nouveau souffle. C'est raté : aux élections européennes du 26 mai 2019, la liste des Républicains (LR), emmenée par François-Xavier Bellamy n’atteint que 8,5% des suffrages exprimés. Loin derrière La République en marche (LREM) de Nathalie Loiseau (22,4% des voix) et le Rassemblement national (RN) de Jordan Bardella (23,3%).
Dans neuf des dix départements du Grand-Est, les Républicains perdent plus de la moitié des voix obtenues par l’UMP en 2014. La Meuse enregistre la plus grosse chute avec 59,03% de voix en moins. En Alsace, le Haut-Rhin et le Bas-Rhin se classent respectivement en quatrième et neuvième positions des plus grosses pertes (voir classement de gauche à droite sur graphique). Pourtant, l’abstention a baissé. En 2019, 49,9% des électeurs ne s’étaient pas rendus aux urnes contre 56% en 2014.
Alors, où sont passés les électeurs du parti de droite ? En cinq ans, l’offre politique s’est profondément modifiée. La naissance du parti d’Emmanuel Macron, La République en marche, en 2017 et la montée du Rassemblement national sont au coeur de l’éclatement de la droite. Un phénomène que l’on retrouve à l’échelle locale. Ces deux partis ont-ils réussi à récupérer les voix alsaciennes des Républicains dans cette terre historiquement à droite ?
L’Alsace est une région spécifique, l'électorat est plutôt de droite et les scores du Rassemblement national y sont plus élevés que la moyenne nationale. Ce territoire est historiquement de droite de par son histoire, sa position géographique, et le poids de la religion. Jusqu’à l’émergence du Front national à la fin des années 1980, la région limitrophe de l’Allemagne était majoritairement gaulliste. Depuis, la tendance électorale aux européennes s’est transformée. La droite classique, représentée par Les Républicains s'effondre : elle passe de 30,13% en 1994 à 20,54% dix ans plus tard pour atteindre 8,72 % en 2019. Mais à qui profite cette chute ? Quels zones géographiques sont touchées par le recul de la droite ? Où sont passées les voix de l'électorat majoritaire de ce territoire ?
Et le déclin des partis traditionnels a plutôt profité au Front national, ancré principalement dans le Haut-Rhin et dans les régions les moins aisées. Qui sont les électeurs du Rassemblement national ? Quel profil sociologique ont-ils ? Dans quel territoires se situent-ils ? L'érosion du clivage gauche-droite permet également aux écologistes de progresser dans la région Grand-Est, essentiellement dans les villes. En Alsace, les communes proche de Strasbourg ont davantage voté pour EELV, profitant des mobilisations citoyennes pour le climat. Comment expliquer cette évolution du vote Vert ? Quelles sont les tendances ? Europe Écologie les Verts profite-t-il vraiment de la chute des partis traditionnels ?
Localisation géographique, catégorie socio-professionnelle, niveaux de revenus : la sociologie électorale nous apporte des éclairages sur les tendances de vote.
Le vote dans le Grand-Est, région historiquement de droite ne fait pas exception à la règle. Le Rassemblement national, confirme son implantation régionale en prenant la tête de la région avec 28,21 % des voix suivi par la République en Marche et ses 20,6 %.Les écologistes ont progressé de manière fulgurante en se positionnant troisième dans ce territoire avec 11,95 %. Un vote vert hétérogène et concentré dans les grandes villes de l’Est de la France. La droite traditionnelle menée par les Républicains s’est quant à elle effondrée comme le Parti socialiste.
Les élections européennes de 2019 sont marquées par l’effondrement des partis traditionnels déjà visible lors des élections présidentielles de 2017 avec la création de la République en Marche. Un bouleversement politique que l’on retrouve dans la région grand’Est et plus spécifiquement en Alsace. Où sont passées les voix de l’électorat de droite et du parti socialiste ? A qui profite l’érosion du clivage gauche droite ?