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L'Espla survit à son déclin

04 octobre 2019

Dans le quartier de l’Esplanade, des habitants racontent le centre commercial et son évolution. Partagés entre regrets et craintes de voir disparaître les dernières boutiques.

Les rideaux métalliques tirés et les peintures grisâtres, défraîchies par le temps et l’humidité, n’empêchent pas le centre commercial, l’Espla, de conserver son public. « Je suis arrivé il y a vingt ans et déjà, j’entendais parler de la fin du centre commercial », s’exclame Marc Philibert, directeur de l’Association des résidents de l’Esplanade (Ares). D’après lui, cette galerie marchande, qui a poussé entre les barres d’immeubles dans les années 1970, a toujours eu du mal à s’imposer comme réel point d’attractivité au sein du quartier résidentiel composé à l’origine d’enseignants.

« Bien sûr, ce n’est pas comparable aux grosses structures comme Rivétoile et les Halles mais on avait de vrais commerces de proximité : un cordonnier, une couturière, une pédicure, un photographe et surtout une mairie de quartier… qui nous manque beaucoup », regrette Simone, qui a emménagé avenue du Général de Gaulle, épicentre du quartier de l’Esplanade, il y a quarante ans. Au fil des années, les primo-accédants à la propriété ont vieilli, les professeurs ont laissé place aux étudiants et les grandes enseignes ont déserté la galerie, remplacées, en majeure partie, par des services de restauration rapide. 

La mairie de quartier, située dans le centre commercial, a fermé en 2018 sans reprise des locaux. / Photo Loana Berbedj

« La population a évolué, les commerces se sont adaptés, remarque Nasir Demir, propriétaire du restaurant Mésopotamie. Quand je suis arrivé, en 2002, nous n’étions que trois restaurateurs. » Sous les arcades, une petite dizaine de restaurants présentent aux consommateurs une offre homogène où cuisines syrienne, libanaise et méditerranéenne se déclinent sur le principe du fast-food. « Les lycéens et les étudiants sont nos principaux clients le midi ; le soir on retrouve des habitués du quartier », détaille Ahmir, un autre restaurateur.

« Si l’offre s’est transformée en moins de vingt ans, c’est notamment à cause de la destruction du pont Churchill, qui reliait le quartier de Neudorf à l’Esplanade et constituait un axe de passage conséquent », analyse Simone. En 2004, la démolition est engagée et l’accès reste fermé pendant près de trois ans. « Les gens ont pris d’autres habitudes, sont partis faire leurs courses ailleurs, et à ce moment-là, les commerces ont changé », reprend l’aînée. 

Pour habiller les murs du centre commercial, la Ville, propriétaire des murs, est à l'initiative des fresques réalisées par les élèves de l'école Jacques Sturm 1 et Léontine Soulier. / Photo Loana Berbedj

Suma a été renommé Auchan ; quant à Prisunic, devenu Monoprix, il a baissé définitivement le rideau à la fin des années 2000. « Rien n’a ouvert à la place, c’est dommage, constate Sylvia, qui vit dans le quartier depuis trente ans. J’achète mon pain et mon journal tous les matins ici et, en voyant les propriétaires se faire vieux, je m’inquiète de savoir s’ils trouveront un repreneur ou si leurs locaux, comme d’autres, céderont la place à un énième kebab. » Elle, qui fréquente les lieux avec ses enfants, aimerait que les commerces se diversifient : elle rêve d’un glacier ou d’un bar à smoothie.

Loana Berbedj

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