Le président de l’Union cycliste Jacky Ruez s’explique : “Rouler à dix mètres l’un de l’autre, c’est une hérésie. Dix gamins qui roulent l’un derrière l’autre en respectant ces consignes, ça fait presque 100 mètres. Comment rassurer les parents dans ces conditions ?” Chaque dépassement de voiture deviendrait encore plus dangereux qu’à l’accoutumée.
“Le fait d’être dans une tâche, de s’y consacrer pleinement, ça évite de partir dans des pensées anxiogènes”, ajoute Isabelle Boucq. Des bienfaits que nombre de confinés ont découvert en se lançant dans cette activité. Christian Romain, horticulteur à Barr, a remarqué une certaine prise de conscience chez ses clients : “On voit que les gens ont envie de jardiner, ils ont compris que leur bien-être passe par le jardinage. Toucher les plantes, les voir pousser, c’est une satisfaction personnelle.”
Le sentiment du travail accompli, après avoir passé des heures à retourner la terre en plein soleil ou s’être cassé le dos à soulever des pots de fleurs, renforce l’estime de soi. Et un jardinier satisfait ne s’arrête pas en si bon chemin : le succès actuel du jardinage a désormais un bon terreau pour fructifier.
Justine Maurel
Quentin Griebel
Entre la peur d’attraper le coronavirus et les incertitudes, le jardinage offre aux habitants du Bas-Rhin un bon moyen de se changer les idées.
Sur la toile, les moyens de sortir ses désirs du mode avion ont été multiples. Pour Jérôme*, 26 ans et agent de sécurité à Strasbourg, la gestion de la frustration est passée par un recours plus régulier à la plateforme Discord. Traditionnellement destinée aux amateurs de jeux vidéo, le jeune homme l’a aussi utilisée comme un espace d’échanges érotiques. “J’ai eu des relations sexuelles à distance notamment avec des sextoys connectés, reliés aux portables de personnes jusqu’à 10000 km”, confie-t-il. Au point de remplacer les relations sexuelles traditionnelles ? “Le virtuel ça peut être intéressant mais je préfère avoir quelque chose de plus palpable. Maintenant je vais plutôt privilégier l’IRL (in real life, ndlr)”, avoue Jérôme.
Quoi de plus agréable que de pouvoir passer un moment dans une bulle de verdure, loin des contraintes extérieures ? Pour les époux Riffel, de Reipertswiller, ça a été une véritable bouffée d’air en cette période de restrictions : “Honnêtement, nous, avec notre jardin, on ne ressentait pas spécialement le besoin de sortir. Les restaurants, tout ça, on a pu s’en passer sans problème.” Le contact avec la nature, ne serait-ce que visuel, a aidé de nombreuses personnes à passer le cap du confinement plus facilement. “Le jardinage permet de se replacer dans le temps qui passe, de se reconnecter aux saisons. C’est essentiel parce que la quarantaine nous a fait perdre nos repères”, souligne Isabelle Bouc.
Des vertus relaxantes
Ce lien avec la nature est aussi un excellent moyen d’évacuer le stress. Arroser quotidiennement une plante en pot ou tout un potager, plonger ses mains dans la terre fraîche ou encore arracher les mauvaises herbes a tendance à apaiser.
Compliqué, peut-être, mais pas impossible. Emma Ha a passé son confinement dans son appartement à Strasbourg. Elle s’est mise à jardiner sur son balcon et y a installé du poireau, du pak-choï, de la coriandre ou encore de la menthe. Même si elle considère que “pour débuter, un potager sur le balcon est amplement suffisant”, elle souligne tout de même quelques défauts à cette activité en intérieur : “La profondeur de la terre est limitée, il faut prêter attention à l’exposition du soleil et on manque vite de place. Il y a donc des plants qui ne prendront pas et d’autres qui ne sont même pas envisageables comme les brocolis, les courgettes ou les haricots qui sont grimpants.” Qu’à cela ne tienne : la jeune femme continuera de jardiner sur son balcon. Pour elle comme pour beaucoup de Français, le jardin pourrait bien devenir une nouvelle destination de choix cet été.
Justine Maurel
Quentin Griebel
Pour lui, le déconfinement ne change rien à cette passion naissante : “Maintenant, la machine est lancée, il ne me reste que de l’entretien, donc je vais continuer. Je vais même essayer de négocier avec ma femme pour agrandir l’espace potager dans le jardin !” Antoine Schwaller est étudiant en biologie à Strasbourg. Il a passé les deux derniers mois confiné au domicile de sa mère à Dabo, en Moselle, et y a commencé un potager. “J’ai eu une sorte de prise de conscience et, avec le temps que j’avais devant moi, c’était l’occasion de me lancer. J’ai retourné la terre, arraché l’herbe et épandu du terreau. Ensuite, j’ai planté les légumes que l’on m’a donnés : salade, courge, potiron et carotte”, raconte le jeune homme de 18 ans.
Grâce au temps libre retrouvé, une activité a fait son trou parmi les loisirs : le jardinage. Une tendance que l’on retrouve dans le potager des Bas-Rhinois ainsi que dans les jardineries et autres pépinières du département, qui battent des records de vente.