Dans le cimetière, une pierre tombale recense tous les concerts passés du duo. © Lucas Jacque
Dans le bar du hub, les visiteurs peuvent commander un verre virtuel tout en regardant le concert. © Lucas Jacque
En quasiment deux mois, les Makers 67 de Quentin Lehmann ont réussi à produire 13 000 visières. Avec le retour d'une offre industrielle et l’arrivée d’une réglementation restrictive (cf encadré), le groupe préfère arrêter cette production pour se concentrer sur de nouveaux objets comme les attaches pour masque. En bleu, vert fluo, ou pourpre, elles peuvent être commandées via la page Facebook du collectif. Conçues et fabriquées par des particuliers à l’aide de l'impression 3D, elles évitent les douleurs aux oreilles. Plus original, Quentin Lehmann propose un très pratique ouvre-porte amélioré nommé “Turgriffe”, qu’il présente dans une vidéo.
Il mûrit désormais un projet d'association qui rencontre un écho favorable dans le milieu. “Une trentaine de makers aimeraient y contribuer”, avance Quentin Lehmann, “Au moins 70 autres personnes ayant reçu des visières ou aidé à leur livraison veulent aussi s’engager.” A la différence des Fablabs* bas-rhinois, tous situés en milieu urbain, cette association proposerait aussi le don ou la vente d’objets à prix coûtant : “Si les gens utilisent ces objets fabriqués à l’aide de l’impression 3D, on fait rentrer ainsi cette technologie dans les foyers. C’est la première étape de sa démocratisation”, poursuit son fondateur.
* Apparu en 2005 sous la plume de Neil Dougherty, souvent considéré comme le père du mouvement, le mot “makers” vient de l’anglais “make”, qui signifie faire, fabriquer. Il désigne une personne qui conçoit et produit des objets - plutôt à l’aide des nouvelles technologies du numérique - en communauté.
** (Contraction de l'anglais fabrication laboratory), les Fablabs sont des lieux ouverts au public où sont mises à disposition des machines-outils, souvent numériques, pour la conception et la réalisation d’objets de toutes sortes. Ils peuvent être associatifs ou professionnels.
*** Situé tout près du CHU de Strasbourg, cet établissement est à la fois un lieu de soins, un centre de recherche et un centre de formation. Il est spécialisé dans le traitement des pathologies de l’appareil digestif et utilise la chirurgie guidée par l’image.
Comme la future association de Quentin Lehmann, les Visières solidaires-67 sont tournées vers les territoires ruraux au moins autant que les villes. Pierrick Lang, un de ses initiateurs, est mécanicien à Betschdorf et a pu constater “qu’un seul maker, sur les 50 que compte le collectif, était rattaché à un Fablab. Le reste est réparti dans tout le département”. L’enjeu est d’étendre la culture maker à ces territoires, jusqu’ici restés à l’écart des Fablabs urbains.
Mais, même en ville, l’extension de la culture maker passe aussi par une démocratisation de la formation. “Pour pouvoir continuer dans cette lancée, il faut développer l’accessibilité, les Fablabs sont souvent trop tournés vers les professionnels alors qu’il faut commencer par les plus jeunes”, estime Farid Maniani. Cet enseignant dans un établissement régional d'enseignement adapté (EREA) à Illkirch-Graffenstaden préside Manipulse, l’un des Fablabs parmi la petite dizaine qui compose le groupe bas-rhinois Boucliers Fablab, également venu en aide aux soignants au plus fort de la crise sanitaire : “On a offert à deux jeunes une imprimante 3D il y a un an. Ils ont produit quelques valves pour l’Institut hospitalo-universitaire*** pendant la crise, c’est comme ça qu’on transmet la culture maker.”
Valentin Béchu
L’efficacité du système 3D
Bruno Metzger est un des membres des Makers 67 prêts à “poursuivre l’aventure”. Il faut dire qu’il y a passé le plus clair de son temps : “Je me levais sans savoir quel jour on était. J’étais absorbé par l'impression de visières de protection pour ceux qui en avaient besoin.” “Passionné de technique”, ce responsable adjoint du service technique du Vaisseau, centre de culture scientifique à Strasbourg, a pu, avec l’accord de sa direction, emprunter l’imprimante 3D servant à la démonstration. Il a ensuite commandé son propre matériel. À lui seul, il a réalisé plus de 2000 visières de protection.
Ces initiatives solidaires, qui ont permis à de nombreux professionnels (kinésithérapeutes, horticulteurs, dentistes, gendarmes, enseignants) de travailler en toute sécurité, ont pu déboucher sur de nouveaux projets. Ainsi, Bruno Metzger réfléchit à un partenariat avec la principale du collège Lezay-Marnésia, dans le quartier de la Meinau à Strasbourg, pour faire découvrir l'impression 3D aux élèves. Dans le même esprit, Quentin Lehmann a réalisé une vidéo de vulgarisation sur cette technologie pour le Vaisseau.
Problème : le retour dans son logement strasbourgeois approche et aucune solution n’a été trouvée pour l’entretien de ses plantes. Il espère pouvoir continuer à s’en occuper “les week-ends et pendant les vacances” et ajoute vouloir “emporter des pousses pour les replanter dans des pots, même si c’est compliqué de jardiner dans un 10m²”.
Des créations uniques
Depuis le confinement, Luna Tavernier, 18 ans, s’est même lancée dans la confection de vêtements de A à Z. “Je fais vraiment au feeling, je tente et je recommence. J’ai déjà créé une jupe à boutons et un haut dos nu en satin de toutes pièces mais sinon je coupe, je mets des pièces parfaitement à ma taille”, explique-t-elle. Elle est d’ailleurs propriétaire d’une friperie à Strasbourg, qu’elle a baptisée Le Grenier. Elle y vend des vêtements de seconde main, qu’elle reprise au besoin. “La fast fashion, on essaie d’oublier au maximum”, recommande-t-elle. Aussi appelée mode éphémère en français, cette expression anglo-saxonne désigne le renouvellement rapide des collections, pour pousser à racheter sans cesse des vêtements neufs. Le rejet grandissant de cette mode jetable a mené à l’ouverture de nombreuses friperies, ces dernières années, dans le Bas-Rhin.
Avoir des vêtements à sa taille et résister à la fast fashion, c’est aussi l’ambition d’Éloïse Perrin, une étudiante de Strasbourg. À 20 ans, elle a entièrement réalisé près d’une vingtaine de vêtements depuis le confinement. Depuis des semaines, elle se sert de “vieux tissus qui traînent”. En plus de redonner vie à d’anciennes tenues, la jeune femme ne néglige pas la qualité de son travail. “Je sais que les vêtements que j’ai créés sont bien faits car je me suis attardée sur des détails. Ça devrait me durer quelques années”, espère l’étudiante. Même si ses créations ne seront pas “la dernière pièce ultra tendance”, peu importe, ses vêtements ne ressemblent à aucun autre.
Eva Moysan
Léna Romanowicz