La crise sanitaire a poussé certains consommateurs du Bas-Rhin à se tourner vers les circuits courts. L’occasion pour les petits producteurs et maraîchers de gagner une nouvelle clientèle.
Les très grandes surfaces sont boudées par les Français depuis le confinement. Selon la société d’étude Kantar, les hypermarchés ont perdu 3,1 millions de clients entre le 23 mars et le 19 avril. Fabienne Tritschler, 59 ans, fait partie de ceux qui les ont désertés : “Avec le Covid-19 j’ai voulu éviter (l’hypermarché) parce que c’est un endroit à risque.” Pour trouver de quoi cuisiner, elle s’est fréquemment rendue à la ferme la plus proche de chez elle, à Dingsheim : “C’est vrai qu’on n’y trouve pas tout et que certains produits sont un peu plus chers, mais ce sont des petits inconvénients que j’ai acceptés. Pour moi, la santé c’est la priorité.”
Tous les stratagèmes sont bons pour faire entrer le sport chez soi. Mike Beller et Morgane Resse ont décidé d’installer une poutre d’escalade dans leur appartement strasbourgeois, sur la porte de leur salon. Ils ont dû se montrer bricoleurs : à défaut de mur au-dessus de leur porte, ils ont fixé une planche en bois avec de grosses chevilles pour faire tenir la poutre. Depuis, les séances s’enchaînent : tractions et exercices de blocage. Suspendus à la poutre les bras fléchis, Mike et Morgane tentent d'améliorer leurs prises.
Les clubs pris de court
Contraints de repenser leur espace de vie, confirmés et amateurs ont réalisé que la dépense physique à la maison pouvait être complémentaire de leur activité habituelle. Les clubs, piliers de la pratique sportive en France, ont aussi été pris de court. Importer le sport à la maison n’est pas simple pour une structure privée : tous les licenciés ne sont pas logés à la même enseigne en termes d’espaces et d’équipements. Yann Marpeaux, coach au sein de Strasbourg Escrime, 220 licenciés, s’en est vite aperçu. Pour maintenir un lien de proximité avec les pratiquants pendant le confinement, ses collègues et lui ont diffusé, via un groupe Whatsapp, des vidéos d’exercices à reproduire à domicile et proposé des cours en live. “On a surtout pu travailler les fondamentaux de l’escrime, la gestuelle qui se pratique individuellement. C’est la base pour progresser et ça permet de préciser ses gestes”, détaille-t-il.
"Ça vide la tête"
Sultane Purseigle, formatrice en couture à Haguenau, acquiesce. Plusieurs de ses clientes exercent des métiers stressants et pratiquent pour se détendre. “J’ai beaucoup d’infirmières qui viennent après leur travail. Pour elles, c’est une activité comme le yoga ou la méditation, ça vide la tête.” Alors, elle espère que des novices, qui ont fait des masques pendant le confinement, vont continuer et se lancer dans d’autres créations. Et elle a bon espoir. Selon elle, les activités manuelles ont le vent en poupe depuis quelques années. Et la tendance prend aussi chez les plus jeunes. Après quelques rafistolages sur “des jeans décousus et un coussin”, Ariane et Cécile, deux soeurs Strasbourgeoises de 18 ans, se sont tournées vers la broderie avec l’aide de tutos vidéo. Après des essais sur des serviettes en papier, elles ont créé “des motifs simples tels que des fleurs, des rosaces et des lapins sur des chutes de tissus”. De quoi les occuper deux à trois heures par jour.
Un phénomène ancien
Cette envie de vert pour les citadins n’est pas née avec la crise sanitaire. “L’épidémie parachève un phénomène diffus de retour à la campagne qu’on observe depuis vingt ans”, analyse Frédéric Cagnato. Selon l’Insee, en France, entre 1999 et 2014, la population des campagnes a augmenté plus vite que la population urbaine (+19% contre +11%).
Pour Jean-Yves Pineau, ce retour à la campagne est à recontextualiser dans une tendance bien plus ancienne : “Les premiers mouvements de retour à la campagne apparaissent dans les années 70, influencés par les hippies." Ils voulaient eux aussi s’évader des villes pour fuir la société de consommation qu’elles incarnent.
Eiman Cazé
Enzo Dubesset
*Eco-lieu : lieu qui est le fruit d’une initiative portée par des individus ou des collectivités qui souhaitent repenser leur rapport à l’habitat, à l’urbanisme et expérimente d’autres projets de société plus durables.
La coalition strasbourgeoise anti fast fashion, dont fait partie Zéro Déchet et Éthique sur l’étiquette, a profité du confinement pour lancer son défi mode durable. Une campagne d’une semaine sur les réseaux sociaux pour s’informer sur les conséquences dramatiques de la confection mondialisée, faire un tri dans son placard et proposer des alternatives locales et écolos. “On a remarqué que les gens aimaient bien faire beaucoup de rangement pendant le confinement: avec cette campagne, on a essayé de surfer sur cette vague”, glisse Léa. Un défi qui a bien fonctionné selon les organisateurs, avec 2000 à 6000 personnes touchées par jour.