La commission des affaires économiques a adopté lundi soir un rapport critiquant le manque de transparence et de légitimité démocratique de la Troïka et recommandant une plus grande implication du Parlement dans les grandes décisions sur le futur de la zone euro.
Depuis le début de la crise des dettes souveraines, en 2009, l'action de la Troïka (FMI, BCE et Commission européenne) a échappé au contrôle du Parlement Européen. Le rapport adopté lundi soir par la commission des affaires économiques (ECON) affirme que les profondes différences entre ces institutions auraient « mené à un manque de contrôles adéquats et de responsabilité démocratique de la Troïka dans son ensemble ». C'est pour y remédier, qu' ECON a investi le français Liem Hoang Ngoc (S&D) et l'autrichien Othmar Karas (PPE) d'un rapport d'enquête sur les activités de la Troïka dans les quatre pays de la zone euro sous assistance.
Appuyé sur des visites en Irlande, au Portugal, à Chypre et en Grèce, le rapport critique tout particulièrement l'opacité et le manque de légitimité démocratique de la Troïka. Cette enquête de longue haleine ne fut pas aussi facile que prévue : Jeroen Dijsselbloem, le président de l’Eurogroupe, a ainsi systématiquement refusé de répondre aux questions de la commission. Du propre aveu de Liem Hoang Ngoc, le rapport se fonde sur des « informations grappillées à droite et à gauche ».
Le rapport Karas-Hoang Ngoc porte davantage sur des questions de forme que de fond, les deux rapporteurs ayant préféré mettre de côté leurs différences idéologiques. Bien qu'il reconnaisse que l'objectif immédiat d'éviter des défauts de paiements dans ces pays a été atteint, il constate aussi que la situation sociale s'est dégradée pour les populations concernées. Othmar Karas a néanmoins tenu à rappeler que ce rapport n'avait pas pour vocation de dresser le bilan de l'action de la Troïka. La Commission est invitée à mener elle même cette étude « détaillée des conséquences économiques et sociales des programmes d'ajustement dans les quatre États » concernés.
« Il serait erroné de faire de la Troïka un bouc émissaire pour tous les problèmes de la zone euro » souligne le député autrichien, rappelant au passage que cet organe informel a été créée ad hoc en 2010, alors que l'Union Européenne n'était pas prête sur le plan institutionnel à répondre à une crise économique d'une telle violence.
Pour une plus grande implication du Parlement Européen
La principale conclusion du rapport est que le Parlement devrait avoir son mot à dire dans les délibérations et décisions concernant les pays en difficulté de la zone euro, quitte à modifier les traités de l'Union Européenne dans un futur proche.
A court terme, cela signifiera rendre la Troïka responsable devant le Parlement. Il importera d'établir des règles claires et transparentes pour définir les tâches respectives et les interactions entre les institutions formant la Troïka. Le PE veut pouvoir entendre les représentants de la Commission au sein de la Troïka avant que ceux-ci n'entrent en fonction et de manière régulière par la suite. Enfin, le Mécanisme européen de stabilité (MES) devrait devenir un instrument communautaire.
A long terme, les eurodéputés veulent créer un Fonds monétaire européen (FME), combinant les moyens financiers du MES et les ressources humaines de la Commission.
Pour les deux rapporteurs, l'adoption du texte par la commission ECON ( 31 voix pour, 10 contre et 2 abstentions ) n'est qu'une première étape. « Nous voulons que cette enquête permette de présenter un rapport crédible, pour pousser le Parlement qui sortira des urnes en mai à exercer sa mission de contrôle sur la troïka », espère Liem Hoang Ngoc. « Car jusqu’à présent, il manquait un contre-poids à l’édifice. »
Ce rapport sera soumis au vote de l'assemblée lors de la session de mars.
Arnaud salvat
La réforme française sur de bons rails
Les eurodéputés français sont les premiers à se réjouir du vote par le Parlement du quatrième paquet ferroviaire. « C’est une grande victoire que nous venons de remporter aujourd’hui : le vote de nos amendements a fait dérailler la libéralisation ferroviaire prévue dans le rapport sur le volet gouvernance », jubile Gilles Pargneaux, socialiste.
Un volet suivi de près par le gouvernement de Jean-Marc Ayrault. Défendue par le ministre des Transports, Frédéric Cuvillier, la réforme française actuelle prévoit la création d'une « holding ». Celle-ci serait composée d'un établissement semi-public nommé "SNCF". Il chapeauterait deux entreprises aux comptabilités séparées, "SNCF Réseau", le gestionnaire d'infrastructure, actuel Réseau ferré de France, et "SNCF Mobilités", le transporteur, qui exploiterait les trains. Une formule compatible avec le quatrième paquet ferroviaire, à condition que la séparation entre infrastructure et transporteur soit stricte. La réforme française envisage la création d'un conseil de surveillance chargé, en outre, d'y veiller. (Voir infographie ci-dessous)
« La France peut, si elle veut, mettre en place une holding mais elle devra le faire obligatoirement avant l’entrée en vigueur des prochaines directives », explique Pierre Cardo, président de l'Autorité de régulation des activités ferroviaires. Celle-ci est prévue pour 2023. Le ministre des Transports souhaite donc accélérer le processus et insiste pour que la réforme française soit mise en place au 1er janvier 2015. Objectif : faire passer la réforme avant l’adoption définitive du quatrième paquet ferroviaire et pendant que la gauche est au pouvoir en France, l’UMP étant davantage pour la séparation du gestionnaire d’infrastructure et de l’exploitant voulue par la Commission.
Stabilité financière et ouverture à d'autres marchés
En réformant le rail, le gouvernement souhaite stabiliser la dette dans les dix années qui viennent. Pour cela, le texte propose la fin du financement des grands travaux à crédit par le gestionnaire d'infrastructure. L'Etat et les collectivités locales prendront le relais. Actuellement, le cantonnement au territoire hexagonal de la SNCF se traduit par une dette qui ne cesse de se creuser - 44 milliards d'euros pour l'ensemble du système ferroviaire. Elle risque d'atteindre 78 milliards d'euros en 2025 si rien n'est fait. La réduction des déficits résultant directement de la nouvelle organisation serait, selon Frédéric Cuvillier, de 2,4 milliards d'euros.
Le quatrième paquet ferroviaire pourrait, lui aussi, dynamiser le rail français. La libéralisation du chemin de fer en Europe permettrait aux géants que sont la Deutsch Bahn et la SNCF, tout en conservant leurs structures, de gagner les marchés étrangers et d’y faire fructifier leurs actifs de manière pérenne.
Maud Lescoffit
Le président tchèque Miloš Zeman, élu en 2013, a fait mercredi à Strasbourg une déclaration de foi dans l'Union, exprimant le souhait que son pays rejoigne la zone euro dans « un délai de 2 à 5 ans ».
« Au fond de mon cœur, je suis convaincu que l'Union européenne est une bonne chose », a-t-il déclaré, se démarquant ainsi définitivement pour les eurodéputés de son prédécesseur Vaclav Klaus, réputé pour son euroscepticisme.
Le président tchèque a plaidé pour une plus grande intégration européenne dans presque tous les domaines. Rappelant la boutade de Henry Kissinger « l'Europe, quel numéro de téléphone ? », il a regretté « qu'il n'y ait toujours pas de politique extérieure commune au sein de l'Union européenne ». Il a aussi appelé à une véritable politique de défense commune, affirmant qu'une armée européenne « coûterait moins cher et serait plus efficace » que 28 armées nationales.
Miloš Zeman a réaffirmé que son pays entendait adhérer au pacte budgétaire, qu'il était le seul, avec le Royaume Uni, à ne pas avoir signé en 2011. « Je pense que l'euro a été un facteur de stabilité pour le développement économique », a-t-il déclaré en réponse à ceux qui critiquent la monnaie unique.
Il a néanmoins tenu à préciser qu'il ne souhaitait pas un Etat fédéral mais une fédération d'Etats. « Si s'unir signifie intégrer les règles communes, je suis d'accord. Si cela signifie unifier, j'y suis strictement opposé », a-t-il conclu.
jonathan klur