Les voies de la reprise de l’économie européenne et la réponse de l’Union aux menaces qui s’accumulent dans son voisinage dominent l’agenda de cette semaine de session parlementaire, au cours de laquelle Strasbourg reçoit mardi le roi Abdallah de Jordanie.
Lundi, Francfort et dix-sept banques centrales nationales de la zone euro entament leur programme de rachat massif d’obligations publiques sur le second marché. Destinée à restaurer la confiance, cette opération dite d’assouplissement quantitatif à hauteur de 60 milliards d’euros mensuels, intervient au moment où les indicateurs de la croissance, du chômage et de l’inflation se redressent. Néanmoins les banques nationales grecque et chypriote, les deux pays encore sous assistance financière, ne participent pas à ce lancement.
La Grèce et Chypre figurent en haut de l’ordre du jour de l’Eurogroupe, qui se réunit lundi soir à Bruxelles. Le ministre des finances grec Yanis Varoufakis devrait y préciser les mesures à court terme que son gouvernement entend adopter pour ouvrir la voie au versement de 7,2 milliards d’euros, toujours suspendus à la bonne fin du programme d’ajustement conclu avec ses créanciers publics. Le trésor grec, à court de liquidités, fait face à 4,2 milliards d’euros d’échéances d’ici à la fin mars. Pour recevoir la tranche d’aide à laquelle elle prétend, Chypre doit de son côté rassurer ses pairs sur la mise en œuvre d’une loi sur les saisies immobilières, différée depuis des mois.
L’Eurogroupe entendra également le ministre des finances français Michel Sapin, qui doit notamment lui exposer les mesures d’économies supplémentaires de 4 milliards qu’il envisage dès cette année pour se conformer aux recommandations de la Commission, que le Conseil Ecofin devrait avaliser mardi. Celui-ci devrait aussi atteindre un accord politique sur l’établissement du Fonds européen d’investissements stratégiques qui financera le “plan Juncker”.
La stratégie économique de l’Union, qui adjoint désormais ce projet de mobilisation de 315 milliards d’investissements à l’assainissement budgétaire et aux réformes structurelles, sera aussi en vedette à Strasbourg. Mardi, les eurodéputés adopteront le rapport législatif d’Alain Lamassoure (PPE, France) qui vise à attirer fonds de pensions, assurances et particuliers vers les investissements à long terme dans les infrastructures, les équipements et la recherche. Ils prendront aussi position sur la politique monétaire de la BCE, et sur son nouveau rôle de superviseur de l’Union bancaire.
Mercredi, les parlementaires débattront du prochain Conseil européen, qui clôture la première phase du semestre européen, devenu l’instrument principal de la coordination des politiques économiques et budgétaires. Ils adopteront à cette occasion trois résolutions réclamant une plus grande implication de parlements nationaux ainsi que des avancées rapides vers l’Union de l’énergie et l’Union des marchés de capitaux.
La réévaluation des relations de l’Union avec ses voisins de l’Est et du Sud, dont se saisira le Conseil européen des 18 et 19 mars, occupera aussi l’attention des députés tout au long de la semaine.
Lundi, le commissaire Hahn, en charge du dossier, débattra avec la commission des affaires étrangères du chantier de la révision de la politique de voisinage. Celle-ci devrait aussi adopter le rapport du français Arnaud Danjean (PPE) sur la politique de sécurité et de défense européenne, pour laquelle les chefs d’État et de gouvernement attendent des propositions de progrès décisifs en juin, au moins sur le terrain industriel.
Mardi, après avoir entendu le roi de Jordanie, dont le pays ploie sous l’afflux de réfugiés syriens et irakiens, les eurodéputés se saisiront des progrès des pays candidats des Balkans vers une adhésion désormais repoussée au delà de 2020. Ils se prononceront aussi jeudi sur le bilan peu convaincant de la politique étrangère de l’Union, qu’ils souhaitent « plus pro-active et crédible » après un débat avec Féderica Mogherini qui évoquera l’accord de coopération anti-terrorisme en cours avec la Ligue des États Arabes et l'assassinat de Boris Nemtsov, principale figure de l’opposition russe à Vladimir Poutine.
Le contentieux Union-Russie sur l’Ukraine s’invite d’ailleurs dès lundi à Strasbourg, puisque la session s’ouvrira par une question à Violeta Bulc, commissaire aux transports, sur les effets des contre-sanctions russes sur les transporteurs routiers. Le Parlement s’y fait le porte-parole d’une profession qui, à l’instar des agriculteurs, entend bien elle aussi être compensée des dommages qu’elle subit au nom des intérêts de l’Union.
Nicolas Serve
Condition sine qua non du lancement du plan Juncker, la création du Fonds européen pour les investissements stratégiques (FEIS) est très attendue. Elle passe par l'adoption du règlement de la Commission par le Parlement européen et le Conseil.
Soucieux d'accélérer les choses, le Parlement européen a confié conjointement ce dossier aux commissions des Affaires économiques (ECON) et des Budgets (BUDG), toutes les deux directement concernées. La première s'intéresse aux questions de croissance et d'emploi, la seconde aux 8 milliards d'euros du budget européen qui seront mobilisés pour garantir les emprunts et les investissements du FEIS.
« Notre mission est de faire en sorte que cela démarre rapidement » assure le co-rapporteur de la commission des Budgets José Manuel Fernandes (PPE). Le 24 février, l'eurodéputé portugais assistera à une première réunion extraordinaire aux côtés de l'allemand Udo Bullmann (S&D), co-rapporteur de la commission ECON.
Deux jours plus tard, les eurodéputés poseront des questions à caractère technique à la Commission, une occasion de voir émerger les points chauds du dossier. « Il y a toujours des doutes et nous devons les régler » avance José Manuel Fernandes.
Le 2 mars, les parlementaires rencontreront un groupe d'experts. Il devra les aider à évaluer les impacts macroénomiques du plan Juncker et donner des pistes de réflexion pour gérer au mieux le FEIS.
Le projet de rapport, comportant les amendements proposés par les deux rapporteurs, sera débattu par les deux commissions le 12 mars. José Manuel Fernandes espère qu'elles voteront conjointement un texte de compromis le 20 avril. « Nous avons comme urgence la croissance et l'emploi » insiste le rapporteur de la commission des Budgets.
Le règlement amendé pourrait ainsi être soumis le 24 juin au vote de la plénière.
Christelle Pravixay