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Entre la station de ski et le col de Jvari (2 395 m), le monument à l'amitié russo-géorgienne ravit les touristes, qui se pressent pour immortaliser un souvenir. © Charlotte Thïede

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Installé dans son poids lourd, Sergej, chauffeur arménien, se sert un café tout juste réchauffé sur sa gazinière. © Charlotte Thïede

À Argokhi, la jeunesse agricole tente de résister à l'exode rural

23 mai 2023

À Argokhi, la jeunesse agricole tente de résister à l'exode rural

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Tous les jours de l'année, Irina installe son échoppe de souvenirs au niveau du réservoir de Zhinvali. © Lucia Bramert

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Une file infinie de camions s'étire sur plusieurs kilomètres. Les chauffeurs n'ont d'autre choix que de patienter. © Charlotte Thïede

Béret vissé sur la tête et clope au bec, Eduard Jalaghonia est abrité sous un préau, devant une borne de retrait. En se retournant, il laisse entrevoir dans le creux de sa main gauche quelques billets. Aujourd’hui, le Géorgien de 73 ans ne fera pas ses emplettes dans l’une des trois pharmacies de Mtskheta. Pour autant, il connaît un bon plan : « J’ai l’habitude d’aller à Pharmadepot car c’est moins cher. Il y a beaucoup de réductions ici », glisse l’homme à la moustache jaunie, l’air amusé. 

Si le retraité bénéficie de remises liées à son âge par la pharmacie, sa pension n’excède pas 200 laris par mois (74 euros). L’achat de médicaments plombe l’essentiel du budget de celui qui souffre d’un diabète de type 1 et d’hypertension. Pour s’occuper de leur santé dans la ville aux trois monastères, chef-lieu de la région la plus rurale du pays le Mtskheta-Mtianeti les habitants doivent mettre la main à la poche. 

Un monopole industriel et économique

Les difficultés d’accès aux médicaments sont connues de tous les Géorgiens. 96 % des dépenses pharmaceutiques sont financées par les citoyens sur leurs propres deniers, selon un rapport de la Fondation Curatio. De fait, la moitié d’entre eux ne parvient même pas à se procurer les médicaments que le médecin leur prescrit. Le système de couverture santé, qui garantit une prise en charge très lacunaire, n’a pas d’effets notables sur ce point, laissant de nombreux ménages sur le carreau. Pour y remédier, l'État plafonne depuis janvier le prix d’environ 1 200 médicaments parmi les 10 450 autorisés sur le marché. Cette réforme vise à baisser leur prix de 40 %. L’accessibilité de ces produits reste encore aujourd’hui relative au vu de leur montant, mais certainement pas à cause d’un manque de pharmacies. Leur concentration n’échappe d’ailleurs à aucun habitant de Tbilissi. Le long de l’interminable avenue Chavchavadze congestionnée par les voitures, les établissements se succèdent : Aversi, PSP, JSC Gepha et Impex.

Derrière ces quatre enseignes, des sociétés pharmaceutiques qui accaparent la majorité des revenus du secteur. Ensemble, elles cumulaient plus de 2 milliards de laris (740 millions d’euros) de chiffre d’affaires en 2021, soit 50 % du marché. Aversi compte 145 officines dans la capitale et ses alentours, possédant même une branche de production. Avec ses concurrents, elle réalise 75 % des importations du secteur. À titre de comparaison, 249 entreprises du médicament étaient recensées la même année en France. La plus lucrative ne captait que 5,5 % de parts de marché.

« Le secteur s’est entièrement privatisé »

Les prémisses de cette mainmise ont lieu dans la foulée de la Révolution des roses, en 2003. Le pays a alors du mal à entretenir des infrastructures soviétiques trop coûteuses, et cède à vil prix ses hôpitaux à ces entreprises émergentes : « Le gouvernement a fait une offre que ces groupes ne pouvaient pas refuser en se débarrassant de ces infrastructures presque gratuitement. Il n’y avait plus rien dans les immeubles, tout était à refaire, analyse Irakli Margvelashvili, président de l’Association des entreprises pharmaceutiques de Géorgie. Au bout de quelques années, la Géorgie progressait plus vite que les autres pays en développement. Le secteur est devenu rentable et s’est presque entièrement privatisé. »

Aversi détient des pharmacies, mais également des cliniques. Cet agrégat de parts dans différents secteurs de la santé augmente le risque de conflits d’intérêts. « Il existe même des partenariats entre les médecins et les pharmacies. Au moment où le patient achète un type de médicaments prescrit par un médecin partenaire, ce dernier touche un bonus », renchérit Irakli Margvelashvili. La majorité des Géorgiens n’utilisent pourtant pas d’ordonnance. Excepté pour les narcotiques, la loi n’indique aucune obligation de visite chez le médecin pour acheter des médicaments.

Le cartel dans le viseur de l’État

Le « Big Four » a été plusieurs fois réprimandé par les autorités en raison d’une logique de cartel. La dernière remontrance date du 23 mars, le gouvernement les accusant d’avoir triplé artificiellement les prix des traitements contre le cancer à la suite de l’adoption de la réforme. Le ministère de la Santé déclare alors que « les groupes pharmaceutiques pourraient avoir abusé de leur position dominante et, de concert, porté atteinte à l’intérêt des citoyens et à l’État qui finance le traitement des patients atteints de cancer ».  Dans le cas de ces pathologies, les patients bénéficient d’une couverture s’étendant jusqu’à 25 000 laris par an (9 260 euros). Une prise en charge trop légère compte tenu de la hausse actuelle des prix. Fin mars, l’Agence nationale pour la concurrence a ouvert une enquête sur ces procédés.

Milan Busignies
Quentin Celet
Avec Giorgi Demetrashvili et Tamta Chkhaidze

 

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