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D’origine tchétchène, Tina Halaw et Jumana Arslan ont toujours vécu en Jordanie. Même si elles s’y sentent chez elles, les deux femmes cherchent à préserver les traditions de leur communauté. 

« Pétra, c’était les Champs-Élysées »

Les Occidentaux présents depuis les années 1920 se sont longtemps concentrés sur leurs périodes de prédilection, l’Antiquité romaine et la période biblique. Les Jordaniens ont, eux, tendance à se tourner vers les vestiges de la période islamique (VIIe-XIIIe siècles), seulement étudiée à partir des années 1990. Aujourd’hui, ils sont des centaines chaque week-end à arpenter le château médiéval d’Ajloun, au nord d'Amman. Les plus de 100 000 sites archéologiques de Jordanie sont une manne touristique pour le pays, dont 12 % du PIB dépend directement. Plus de 90 % des visiteurs sont occidentaux, attirés autant par la merveille qu’est Pétra que par les témoignages de l’occupation romaine et chrétienne de ces territoires bibliques.

Puis, ça enchaîne. La première partie, Ghalia Twal, ne s’embarrasse pas de politesses, et en vient vite au sujet de la guerre. « Est-ce qu’il y a des étrangers dans la salle ? » Malheur au groupe d’Américains qui se fait rapidement remarquer, la punchline est prête à l’emploi : « Vos taxes financent Israël et un génocide mais vos places de ce soir sont pour la bonne cause, donc je vous remercie ! » lâche la comédienne au ton cynique. Le tant attendu et acclamé Mo Amer arrive alors, moins offensif. À Amman, il se sent « un peu chez [lui] ». Émotion oblige, l’humoriste se confie… à sa manière : « J’ai dédié toute ma carrière à qui je suis. Bon, peut-être qu’après le 11 Septembre, j’ai été Italien pendant deux mois. » Pour le reste, beaucoup de classiques, peu de politique. L’accouchement de sa femme et les cris au moment des contractions « qu’on entend que sur National Geographic » ; les taxes en Jordanie ; la circulation au Caire. Ça rit, ça siffle, ça applaudit sans retenue.

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Les Jeux olympiques seront la dernière occasion d'aller chercher une médaille pour Julyana Al-Sadeq. © Océane Caillat

Occidentaux et jordaniens travaillent ensemble. © Mina Peltier

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Sur les sites de recherche, les scientifiques sont confrontés au pillage des trouvailles. © Mina Peltier

Qui sont les personnes les plus affectées ?

Parmi mes patients, ceux qui ont de la famille ou des amis à Gaza ont été les plus affectés. Ceux qui ne sont pas au cœur des événements sont aussi touchés, mais pour beaucoup par le biais des informations relayées par les médias. Et ça touche même des personnes en dehors du Moyen-Orient. Même si elles ne sont pas directement concernées, leur santé mentale est affectée.

Quelles sont les pathologies les plus récurrentes et comment s’expliquent-elles ?

Le trouble le plus fréquent et le plus caractéristique est le stress post-traumatique. C’est l’effet d’un choc après un événement traumatisant. En Jordanie, ce choc est renforcé par un sentiment d’impuissance. Certains patients sont prêts à partir à la guerre mais ne le peuvent pas. C’est très difficile de raisonner ce type de comportement.

Des symptômes d’anxiété se développent aussi dans cette période de forte incertitude. Comme pendant la période du Covid-19, les gens ne savent pas ce qu'il se passe, ils n’arrivent plus à se projeter.

Quels symptômes avez-vous vu apparaître chez vos patients ?

Ce qu’il s’est passé après le 7 octobre a lourdement affecté la santé mentale des Jordaniens. La hotline de l’association a été saturée d’appels. D’un coup, nous avons été confrontés à beaucoup de patients avec des problèmes de sommeil, d’alimentation et de socialisation. J’ai un patient qui a recommencé à fumer, qui n’allait plus faire ses courses : il était branché toute la journée sur les informations. Il y en a aussi qui annulent des événements car ils se sentent coupables de célébrer alors que leurs proches vivent une guerre.

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Au Amman Comedy Club, ce sont les comédiens qui ont fait office de public ce soir-là. © Julie Lescarmontier

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