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Ils disent percevoir “entre 200 et 210 euros” par mois, de la part de l’OFII. “Juste assez pour manger, alors qu’on a beaucoup plus de besoins”, détaille Raid. La précarité financière entrave l’intégration dans le quartier. De plus, sans carte bancaire, des services et des loisirs restent inaccessibles. Ahmed voudrait reprendre la musculation : “Pour l’instant, je ne peux pas, ils ne prennent pas le liquide.”

“Il y aura toujours la barrière de la langue”

Raid regrette déjà la tranquillité de sa tour presque vide. Ahmed, lui, déplore le fait qu'"il y aura toujours la barrière de la langue.” Mais surtout, ils regrettent le cosmopolitisme parisien, une ville où “il y a plus de bénévoles et plus d’écoles pour apprendre le français, plus de gens qui parlent notre langue. Ici, c’est un peu désert, on rencontre peu de monde”

Vivant à Cronenbourg depuis plus longtemps que ses colocataires, Raid a eu le temps de “nouer de bonnes relations avec les voisins”. Pour les autres, les interactions avec les habitants de la tour Kepler étaient rares. Pourtant, tous prennent des cours de français quotidiens à l’Aquarium, le centre social et culturel de la Cité nucléaire et dans une école à Schiltigheim. Apprendre le français fait partie de leurs projets, au même titre que “jouer du piano” pour Momen ou encore “trouver un travail dans une entreprise et faire du foot au Neuhof” pour Mohammed.

**Le CADA, géré par la Croix-Rouge, suit les demandeurs d'asile dans leurs démarches et leur donne accès à des cours de français.

Achraf El Barhrassi, Enzo Dubesset, Inès Guiza et Madeleine Le Page

Les changements de population favorisent l'arrivée de quelques nouveaux commerces tandis que les enseignes implantées de longue date tentent de se moderniser. 

Composer avec les religions

Hébergés dans le sous-sol de l’église protestante de la Cité nucléaire, Les Disciples se définissent eux-mêmes comme une "association cultuelle et socio-culturelle". Leurs objectifs consistent, aux termes des statuts, à "soutenir le travail des paroisses et contribuer à l’épanouissement de la personne dans tous les domaines : physique, psychologique, spirituel et social, en fidélité à l’Évangile."

Pendant les petites vacances, Les Disciples organisent un voyage dans les Vosges. L’été, ce sont environ 80 enfants qui séjournent 15 jours au Centre de vacances de l’Église réformée à Arvert (Charente-Maritime). Des chants religieux sont parfois entonnés avant les repas. Selon le directeur, "l’association est un lieu où on vit la laïcité au sens premier du mot laïc ; c’est-à-dire dans l’acceptation de l’autre". Un animateur de l’Aquarium confirme : "Les Disciples font la même chose que nous, mais ils ont une étiquette religieuse, quand même." "C’est possible que des parents envoient leurs enfants ailleurs qu'aux Disciples parce que c’est une église", admet le pasteur.

Les familles musulmanes qui y déposent leurs enfants suscitent parfois l’étonnement, voire les critiques d’autres mères de la même confession : "Certaines femmes musulmanes, quand elles me voient sortir d’ici, elles me disent : 'Il ne faut pas aller là, c’est l’église !' ", témoigne Akila Bouchakur, qui confie ses deux filles à la structure depuis quatre ans. Une position tranchée loin d’être unanime au sein de la communauté.

Problème : le permis de construire n’est toujours pas affiché alors que les travaux devaient débuter en novembre. Interpellé sur le sujet, Serge Oehler, adjoint au maire en charge des finances et des sports, par ailleurs délégué au quartier de Cronenbourg, promet de "faire le point au plus vite".

Des subventions insuffisantes

L’inadéquation entre la demande des clubs de football et les équipements sportifs disponibles n’est pas spécifique à l’Olympique Strasbourg. La problématique touche la ville dans son ensemble. Avec un unique terrain pour 400 licenciés, le FC Kronenbourg n’est pas mieux doté, à tel point que ses jeunes doivent se changer dans les caves du club-house. "On n’a pas suffisamment de terrains de football pour tous les clubs", regrette Serge Oehler, qui y voit une équation quasi insoluble.  

En attendant, le ressentiment est vif. Hasan Yildirim dénonce la politique sportive de la Ville dans laquelle le Racing Club de Strasbourg est trop souvent "prioritaire". Serge Oehler, quant à lui, voit là "un problème de terrains constructibles disponibles" ainsi que "la lenteur administrative pour débloquer les budgets, surtout avec l’ANRU (Agence nationale pour la rénovation urbaine)". Les dirigeants de l’Olympique Strasbourg ne baissent pas les bras et entendent bien faire entendre leur voix. Ils réfléchissent à la manière de faire pression sur les pouvoirs publics et permettre à l’association de se sentir, au bout de l’effort, enfin chez soi.

Valentin Bechu

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Le club house n'a pas accès à l'eau courante "mais on a des nouilles instantanées", plaisante un bénévole. © Valentin Bechu

Le label écoquartier

En 2008, le Grenelle de l’environnement lance la démarche “ÉcoQuartier” en France. Avec le plan “Ville durable” annoncé par Jean-Louis Borloo, le gouvernement souhaite initier un nouveau modèle de développement urbain plus respectueux de l’environnement. 

En 2012, un label ‘Écoquartier” est créé. Il "distingue et valorise des démarches de conception et de réalisation de quartiers qui respectent les principes du développement durable tout en s’adaptant aux caractéristiques de leurs territoires”.  Ce label compte quatre étapes en fonction des différentes phases de réalisation. La première est l’écoquartier “en projet”, la seconde “en chantier”, la troisième “livrée” et enfin la dernière “confirmée’. 

On dénombre aujourd’hui en France 580 projets labellisés étape 1 ou 2. 51 projets (dont celui de la Brasserie) ont été livrés et atteignent le label étape 3. Au 13 novembre 2019, six écoquartiers en France ont atteint l’étape finale. 

Dans sa mise en oeuvre, l’écoquartier ne remplit pas seulement des objectifs environnementaux, il doit aussi répondre à des enjeux sociaux et économiques en encourageant la mixité sociale, la valorisation et la diminution des déchets ou encore le recours aux modes de transport “doux” et non polluants (voies piétonnes, pistes cyclables…). 

Plus d’infos :  http://www.ecoquartiers.logement.gouv.fr/

 

David Darloy et Julien Lecot  

Comme dans un monde à part, le premier étage accueille des jeunes de Cronenbourg, Hautepierre, Neuhof et Illkirch-Graffenstaden. Ils partagent une passion commune : la danse. Entrés et sortis par l’escalier de secours, ces jeunes, étrangers à la cité, n’ont que très peu de lien avec le public du local.

Les Disciples occupent le terrain

"Quand je mets mes enfants chez les Disciples, je suis serein", explique Abdellaziz Ramzi. L’association protestante remporte aussi l’approbation des établissements scolaires du quartier. "L’école de mon fils m’a conseillé de venir aux Disciples pour l’accompagnement scolaire", confie Zakia Belgacem, mère d’un garçon de 9 ans qui fréquente l’association depuis son entrée en CP. Selon Gérard Haehnel, 70 écoliers et 30 adolescents font chaque soir leurs devoirs sous la surveillance des bénévoles de l’association. "Il y a plusieurs années, le principal du collège Sophie-Germain m’avait demandé de faire partie du conseil d’administration, j’ai accepté et depuis j’y siège, se souvient Gérard Haehnel. Je suis au collège quasiment tous les vendredis matin pour parler des élèves en difficulté." Les devoirs terminés, certains enfants restent pour profiter de l’accueil de loisirs. Le fils de Zakia Belgacem en fait partie : "Maintenant, il vient aux ateliers le mercredi."

Mariama Sarr est venue encourager son fils nouvellement inscrit et n’a pas hésité à "un peu harceler les dirigeants" pour qu’il puisse intégrer l’Olympique. Âgé de 9 ans, le garçon était pressé par ses "copains d’école" pour rejoindre l’équipe U9. Avec 300 licenciés cette année, le club a enregistré une hausse des inscriptions de 50% environ. Hasan Yildirim a renforcé l’exigence vis-à-vis des parents : "On refuse les plus jeunes dont les parents ne se rendent pas disponibles pour amener et récupérer leurs enfants à l’entraînement." La direction estime que la responsabilité de l’accueil des mineurs est trop importante pour être assumée par le club sans un investissement minimum des parents. Et avec cet afflux de nouveaux joueurs, l’attente d’un complexe sportif à la mesure de l’association sportive se fait plus pressante que jamais.

Une maison en chantier

Soylu Aziz s’étonne encore du temps qu’il aura fallu à la livraison du terrain synthétique. Les discussions avec la Ville ont commencé il y a dix ans. Plusieurs projets ont avorté avant la validation et la livraison, en 2018, du nouveau terrain, pour un montant de 1,2 million d’euros.

Aujourd’hui, le club est plus divers. Cette évolution a convaincu Hasan Yildirim de le rejoindre. Responsable de la section jeunes depuis un an, il ne se voyait pas "demander leur carte d’identité aux joueurs" et désirait se concentrer sur le "rôle social" du club dans le quartier. D’une voix posée, il s’indigne : "Les gamins arrivent à l’entraînement le soir sans avoir mangé, les autres viennent simplement pour prendre leur douche."

Accolé à la Cité nucléaire, le club draine des joueurs d’un territoire classé Quartier prioritaire de la ville (QPV) en 2015. Le territoire est marqué par une densité démographique supérieure à la moyenne des autres QPV alsaciens et 35 à 55% des ménages habitant la zone vivent sous le seuil de pauvreté (base de données IRIS à partir des données 2015). "Une part importante des familles de licenciés ont recours à l’aide au sport dispensée par la CAF (Caisse d'allocations familiales) et la MSA (Mutualité sociale agricole)", confie Soylu Aziz. La licence est au prix de 130 euros, une somme qui inclut le survêtement, obligatoire pour tous les joueurs.

Une popularité en hausse

Le club croule sous les requêtes de parents pour licencier leurs enfants. De nouvelles équipes dans toutes les catégories d’âge ont été créées, sans pouvoir absorber toutes les demandes.

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Ahmed, Mohammed et Raid (de gauche à droite), cohabitaient dans un appartement d'une des tours Kepler. © Madeleine Le Page

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