Le module est validé, il peut être inséré dans un article pour être consulté par les internautes.
Et si la frontière entre la France et l’Allemagne fermait en Alsace ? Avec la prolifération des variants du Covid-19 la question se pose de plus en plus outre-Rhin. Les Alsaciens, proches de la frontière, réagissent différemment.
C’est un mardi tranquille, à la frontière entre l’Allemagne et la France, à Strasbourg. Il n'y a pas foule. Deux retraitées passent à la frontière. L’une d’elle "accompagne (son) mari allemand se promener". L’autre, allemande, vient en France pour "aller à la banque". Pour le moment les frontières sont ouvertes mais l’inquiétude d’une fermeture prochaine pèse sur cette avocate qui travaille outre-Rhin. "Je crains que les frontières ferment car je devrais travailler à distance et dans mon métier ce n’est pas efficace. Je dois déléguer beaucoup de travail à mes collègues allemands qui sont en présentiel."
Une crainte provoquée par les récentes positions de l’Allemagne. Le pays a décidé le week-end dernier de fermer une partie de ses frontières avec l’Autriche et la République Tchèque. Une décision motivée par la prolifération des variants du Covid-19. Le pays envisage aussi de fermer ses frontières avec la France, notamment en Moselle et dans l'ensemble du Grand Est considérées comme des "zones à haut risque" par l’institut de veille sanitaire Robert Koch, l’équivalent de Santé publique France en Allemagne. Une décision qui entraîne une crainte au sein de l’UE et de la France. Le secrétaire d’Etat aux Affaires européennes, Clément Beaune, souhaite que la France et l’Allemagne "se concertent" pour "éviter une fermeture des frontières" comme en mars dernier lors de la première vague.
"Si on peut trafiquer un test, on va pas se gêner"
Sur le groupe facebook "Etudiants de Strasbourg" la question revient sans cesse : "Peut-on aller à Kehl (ville frontalière de Strasbourg, de l’autre côté du Rhin) ?". La question est souvent l’objet de moqueries car elle est sans cesse reprise. Et les réponses sont souvent contradictoires. "Oui on peut aller faire ses courses à Kehl", avance une personne avant d’être reprise par un "non il n’est pas possible d’aller acheter ses cigarettes à Kehl".
Ce mardi après-midi, David revient justement de l’Allemagne avec une cartouche à la main. Un trajet qu’il effectue régulièrement pour bénéficier des prix cléments. "J’ai même pas été contrôlé pour être honnête, c’est aléatoire. Si les frontières ferment je resterais de ce côté", relativise David. Ludovic envisage déjà de contourner la loi si la frontière venait à fermer, et tous les moyens sont bons. "Je sais qu’il existe un moyen de trafiquer ses tests ou un motif de déplacement, donc si cette situation s’éternise, je me résoudrais à le faire." Pour le moment, l’Allemagne n’a pas précisé si une décision sera prise rapidement mais le risque d’une fermeture existe bien du côté alsacien et mosellan.
Valentin Naturel
Pierre Soriot, jeune vidéaste aux 250 000 abonnés, produisait mardi 16 février une vidéo dans le bike park de Strasbourg. Récit dans les coulisses de ce tournage.
Pierre Soriot a toujours du mal avec les intros. Il bégaie un peu, perd le fil, mais finit pas y arriver au bout d’une vingtaine de minutes. Pourtant, ce n’est pas sa première vidéo, loin de là. Vidéaste professionnel à seulement 21 ans, il a créé son auto-entreprise il y a un peu moins de deux ans : "J’ai eu de la chance, une de mes premières vidéos a buzzé et j’ai décidé de me lancer sur les conseils de mon pote Philippe Cantenot, lui aussi youtubeur, qui a 600 000 abonnés." Deux millions de vues pour une session de plongeon sauvage du haut d’un pont, stoppée prématurément par la maréchaussée. Un "coup de chance" qui lui a permis de faire décoller sa chaîne, près de 250 000 abonnés le suivent aujourd’hui. Pour s’y consacrer à plein temps, il a arrêté sa formation professionnelle de mécanicien cycle. Et ce mardi 16 février, avec les images de sa session au Stride park à Strasbourg, il espère encore exploser le compteur à clics.
Une mécanique bien huilée
Il a déjà le titre en tête, en lettres capitales comme toujours. Il faut dire qu’une session dans "LE PLUS GRAND BIKE PARK D’EUROPE" complètement vide, ce n’est pas commun. Noé, un ami du même âge l’assiste bénévolement dans la réalisation : "Je suis au chômage en ce moment donc j’ai du temps et c’est que du plaisir." Equipés de deux caméras d’action sur leurs casques intégrales, ils s’élancent pour un après-midi entier à rouler et multiplient les plans qu’ils ponctuent de nombreuses blagues. Le coronavirus en prend pour son grade et Pierre s’adresse directement à ses abonnés. Professionnel, il n’oublie pas de faire penser aux internautes "à mettre le petit pouce vers le haut et suivre la page". Les sponsors sont copieusement mentionnés et le Stride qui les accueille est dûment remercié.
Echange de bons procédés
Depuis le 15 janvier, même les scolaires ne peuvent plus venir rouler dans ce complexe indoor de 12 000 mètres carrés, seuls les professionnels peuvent y accéder sur demande. Alors, la venue du vidéaste Soriot est une opportunité comme l’explique Gilles Andrès, directeur général de Stride : "On récupère des images pour la promotion et Pierre roule avec la même marque que nous, il y a une cohérence à l’accueillir."
À côté de Pierre et Noé, sur un autre parcours de l’enceinte, un autre jeune homme enchaîne les figures, à un niveau bien plus élevé. Et pour cause : Florent Kastner est aussi un professionnel du BMX, mais grâce à ses performances en compétition plutôt qu’à des vidéos. Membre de l’équipe de France de BMX freestyle, il ne dédaigne pas le travail du youtubeur, au contraire : "Les compétitions et les vidéos se complètent, ça fait venir des petits dans nos bike park." Reconnaissant vis-à-vis du Stride Park qui lui permet de s’entraîner en vue d’une potentielle participation aux Jeux Olympiques, il salue l’initiative du jeune businessman : "Grâce à lui, des gens reviendront ici à la réouverture."
Rouler plus grand
Avec quatre heures de session et des centaines de plans, Pierre en aura pour une douzaine d'heures de montage avant de pouvoir publier sa vidéo. Entre deux figures dans le bac à mousse, il s’exprime sur son business model : "Je tire entre 50 centimes et trois euros pour mille vues selon les périodes et je fais des placements de produits." La perspective de revenus aléatoires pour une activité encore mal connue n’a pas effrayé son entourage au moment : "J’ai eu trop de la chance en fait, mon père l’a accepté direct même s’il m’a dit de garder les contacts avec les entreprises au cas où", sourit-il. Fort de plusieurs sponsors, son chiffre d'affaires se rapproche déjà du maximum autorisé avec ce statut, soit 72 600 euros pour une activité de prestation de services. Et il ne compte pas s’arrêter là, il prépare notamment un "gros projet" en cours avec son sponsor principal sur lequel il refuse de s’étendre par souci de confidentialité.
Enthousiaste, Pierre n’a pas la folie des grandeurs pour autant et déroule un discours prudent : "Les vues, tu ne les contrôles pas, ça peut descendre fortement du jour au lendemain." Et pour garder les pieds sur terre, quoi de mieux qu’un premier rendez-vous avec le comptable pour changer le statut administratif de son activité ? "J’ai sué ! Je suis ressorti de là, j’étais limite dépressif", se marre-t-il.
Valentin Bechu
L’atelier de la Colombe est comme une parenthèse dans le temps. Ce petit local, caché au fond d’une cour attenante à la boutique de costumes, près du tribunal de Strasbourg, transporte ses visiteurs dans une autre temporalité. À l’intérieur, les rouleaux de tissu colorés, les rubans à imprimés et le son cadencé des machines à coudre donnent l’impression que l’endroit appartient à une autre époque. Rita Tataï, la maîtresse des lieux, habillée dans son ensemble aux larges manches fait maison, se tient à son poste de travail, le regard concentré sur l’aiguille qui traverse le tissu. "C’est un métier dont on ne fait pas le tour ! se réjouit la costumière. Ça fait 40 ans que je crée des costumes et ça me plaît toujours autant." Autodidacte, elle a lancé son atelier il y a une vingtaine d’années. "Je crée des costumes depuis que j’ai 15 ans, se souvient-elle. Je suis entrée par la petite porte, en louant des costumes de carnaval aux particuliers. Et puis quelqu’un qui faisait du théâtre m’a demandé un costume, et j’ai mis un pied dans ce monde-là."
Mais avec la crise sanitaire, l’entreprise a vu son activité reculer drastiquement. "Je travaille avec des particuliers, qui achètent des costumes sur mesure, mais aussi avec des compagnies de théâtre et des entreprises comme Europa Park", explique t-elle. Faute de carnaval, de représentations théâtrales et d’autres manifestations festives, Rita Tataï a décidé d’organiser un grand déstockage de ses costumes, pour assurer une partie de son chiffre d’affaires. "On a commencé à vendre il y a un mois, et ça marche très bien", se réjouit la sexagénaire. Sa boutique est digne d’une caverne d’Ali-Baba : robes de flamenco roses, bleues et vertes, fourrures bayadères, robes de bals qui scintillent, il y a de quoi se sentir transporté dans bon nombre d'imaginaires lointains et féériques.
Des notions d’histoire
Les pièces créées par Rita Tataï nécessitent un savoir-faire qui n’exige pas seulement de connaître les fondamentaux de la couture. "Il faut aussi avoir des notions d’histoire, savoir quelles étaient les façons de faire à différentes époques", analyse t-elle. Ainsi, pour réaliser ses travaux, la costumière consulte régulièrement des collections de musées et des livres de patrons d’époque. "Le seul inconvénient, c’est que ce sont surtout les Anglais qui ont gardé ces traces. Il ne faut pas se tromper et savoir traduire les 'inches' en centimètres", sourit la sexagénaire. Un travail qui requiert parfois un temps considérable. "Le maximum que j’ai passé sur un costume, c’est 400 heures, raconte Rita Tataï. C’était un costume d’Arlequine, composé de 956 morceaux différents." Un vêtement qui coûterait près de 10 000 euros, mais qu’elle a réalisé uniquement pour "montrer son savoir-faire".
Nostalgie des étoffes anciennes
Le côté hors du temps qui se dégage de l’Atelier de la Colombe laisse planer une forme de nostalgie. "Ce que je préfère, c’est réaliser des costumes de la fin du XIXe, début du XXe, parce qu’au niveau des coutures, c’est ce qui était le plus difficile, explique Rita Tataï. Depuis qu’on fait de l'élasthanne, les vêtements sont des sacs à patates qui vont à tout le monde", soupire-t-elle. Désabusée, elle note que le matériel de couture et la qualité des tissus se sont largement altérés. "Une redingote du début du siècle ça tient toujours ! explique Rita Tataï, admirative. Alors que je ne suis pas sûre que les vêtements actuels soient capables de tenir bien longtemps."
Mais cette apparente nostalgie n’empêche pas Rita Tataï d’explorer de nouvelles pistes. Pour la première fois en quarante ans de carrière, elle a réalisé en 2020 des costumes pour un film d’époque, avec pour principales vedettes Sabine Azéma et Lyna Khoudri (meilleur espoir féminin aux Césars 2020) et dont l’action se déroule en 1915. "C’était très intéressant parce que c’était une autre façon de faire des costumes, confie-t-elle. Au cinéma, il y a des gros plans qui demandent qu’on fasse attention au moindre détail, que ce soit très chiadé. Mais il y a aussi des costumes dont on ne voit que le dos, donc le devant, on s’en fiche un peu !" Et la rythmique de sa machine à coudre reprend à nouveau.
Alix Woesteland
Rita Tataï dirige depuis 20 ans l'Atelier de la Colombe, dans lequel elle crée à la main des costumes qui semblent surgir d’un autre temps. A l’occasion du déstockage d’une partie de ses créations, elle raconte son métier de costumière.
Confrontées à la fermeture des remontées mécaniques, les stations de sport d'hiver de la route des Crêtes, dans la région, tentent de compenser les pertes financières de l’alpin en proposant des activités nordiques.