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Chaque année, des milliers de jeunes Roumains partent à l’étranger pour leurs études. Après quelques temps, ils sont confrontés au choix de revenir ou de rester. Témoignages.

Sonja Grecu parle de sa vie à Vienne (Autriche) avec enthousiasme. Elle y vit depuis près de dix ans. Cette ville s’est imposée comme une évidence : elle appartient à la minorité allemande et sa cousine lui sert de point d'ancrage dans la capitale autrichienne. 

Sonja fait partie des milliers de jeunes qui quittent la Roumanie pour étudier ou travailler. En 2020, environ 86 000 Roumains âgés de 15 à 29 ans ont émigré. Selon l'Institut national de la statistique, ce sont 10 000 de plus qu’en 2015. 

C’est à 18 ans, son baccalauréat dans la poche, que Sonja est partie. Au départ, elle ne voulait rester que trois ans mais « d'un seul coup, j’ai pu faire ce que je voulais », se souvient-elle. À commencer par des choses simples, comme choisir sa nourriture : « À la maison, mes parents décidaient quand et ce que nous mangions, explique Sonja au téléphone. Ici, ce n'est pas un problème si je vais une fois au McDonald’s. »

« Ne plus vivre comme au Moyen Âge »

Sonja a grandi à Sibiu, une ville importante pour la minorité allemande et située au cœur de la Roumanie. Vienne lui a ouvert les yeux sur beaucoup de choses. Notamment en ce qui concerne les libertés individuelles et la tolérance. En 2019, lorsqu'elle a visité la Roumanie avec son colocataire autrichien et meilleur ami, gay, elle a pris conscience de l'état d'esprit parfois rétrograde dans son pays d’origine. « À la Pride à Bucarest, on a croisé le chemin de personnes âgées qui priaient à haute voix contre l’homosexualité. C'est comme si nous vivions au Moyen Âge », décrit-elle furieuse.

Néanmoins, Sonja n'exclut pas complètement un retour. Elle a terminé ses études en début d’année et cherche maintenant du travail dans le domaine de la formation en ligne. « Je sais dans mon cœur que je reviendrai un jour en Roumanie, peut-être quand j'aurai des enfants », raconte-t-elle. La jeune femme souhaite que ses enfants grandissent aussi avec la culture roumaine. 

Pour les parents à Sibiu, ce n'était pas facile au début de laisser partir leur fille. Christian, le père de Sonja, confie : « Aujourd'hui, je comprends mieux pourquoi elle est restée là-bas. Maintenant, elle est plus indépendante et confiante. Elle a pris le bon chemin. » En couple et satisfait de son travail à Cluj, le frère de Sonja, lui, ne compte pas suivre les traces de sa sœur.

Ne jamais arriver à s'acclimater

Mihai Miclăuș était déterminé à partir à l'étranger dès la fin du lycée : « Je n'avais pas de bonnes relations avec mes parents et je ne voulais pas rester coincé à Cluj. Je voulais partir pour expérimenter quelque chose de complètement différent », explique-t-il assis sur un banc dans le parc Cetăţuia où il a vécu de beaux moments adolescents, sans la surveillance des adultes.

En 2016, après un voyage à Londres où vit sa sœur, Mihai décide de s’y installer pour étudier l'informatique. Mais il ne s’est jamais senti chez lui. « Les gens étaient froids, trop concentrés sur l'argent et la carrière. Et même si j'avais des amis, je ne pouvais pas, pour des raisons financières, sortir tous les soirs avec eux et faire ce qui me plaisait : la vie était trop chère, raconte l’homme de 24 ans aux longs cheveux bruns bouclés. 

Aujourd'hui, Mihai travaille depuis trois ans à Cluj et ne prévoit pas de quitter le pays dans un avenir proche. « Je ne regrette pas d'être allé en Grande-Bretagne, car cela m'a montré ce qui était possible en dehors de la Roumanie, mais ici, j'ai un environnement familier, plus d'amis, ma famille dont je suis désormais plus proche et de meilleures opportunités de travail », veut-il croire.

Alina Metz

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