La boutique Ligne Nature propose de la vente en ligne, en plus de sa boutique présente à Strasbourg.
© Moncef Arbadji
Dans un courrier adressé hier, les fédérations européennes de textile demandent à la Commission européenne d’agir face à la mode éphémère. Une demande à laquelle s’identifie Louise Geber, propriétaire de la boutique Ligne Nature, spécialisée dans les vêtements éthiques et responsables.
Ce matin, Louise Geber a le temps. Celui de ranger soigneusement chaque nouvelle pièce dans sa boutique Ligne Nature. Le temps, aussi, d’accorder un entretien surprise à Cuej.info sans avoir à surveiller l’heure. Pour l’instant, personne n’a franchi la porte de son enseigne. « La fréquentation est très aléatoire en ce moment », précise la commerçante. Il faut dire que l’échoppe vient à peine de prendre ses marques : elle s’est installée il y a quinze jours rue Finkwiller, au sud de la Grande Île de Strasbourg. « On était rue Sainte Madeleine jusqu’ici mais on avait que 30m2, détaille la gérante, tout sourire. Là, on peut enfin s’étaler ! »
Dans ses nouveaux locaux deux fois plus grands, Louise Geber espère donner envie aux clients d’acheter des vêtements écoresponsables. Ils doivent notamment toujours être composés d’au moins 70 % de cotons bio, ne pas contenir d’OGM (Organisme génétiquement modifié) et être issu du commerce équitable sur toute la chaîne de production. Ici et là sont accrochés toutes sortes de pièces : pulls, pantalons, chaussettes, sacoches, costards… Les t-shirts, eux, sont composés pour la plupart d’une couleur unie, avec parfois une image imprimée au centre ou un petit insigne brodé. À l’instar de « ce superbe vélo ou de ce champignon, dont les Strasbourgeois raffolent », assure la vendeuse. Les collections sont renouvelées deux fois par an.
Dans sa clientèle, Louise Geber compte « environ 70 % de femmes et 30 % d’hommes », selon elle.
© Moncef Arbadji
« Je sais que je peux leur faire confiance »
Deux heures après l’ouverture, la première cliente fait une entrée remarquée. En 5 minutes, Christine Auzet s’est déjà saisie de quatre pièces à essayer, dont le fameux T-Shirt champignon. La femme de 70 ans jette également son dévolu sur un gilet vert, pour sa mère. « Elle est centenaire, explique-t-elle. C’est important pour moi qu’elle puisse porter des vêtements chauds et sains pour la peau. Ici, je sais que je peux leur faire confiance. » La commerçante ne perd pas de temps pour lui parler de la marque derrière cette pièce – Living Craft, basée en Allemagne – et de ses méthodes de fabrication. Le gilet et deux autres vêtements en poche, la cliente n’oublie pas de discuter des prochaines pièces à venir avant de repartir.
Des contrôles réguliers de labels
Depuis 2002, l’entreprise lancée par les parents de Louise Geber s’évertue à proposer des habits éthiques. Leur fille, qui a repris l’entreprise il y a treize ans, travaille désormais avec un peu plus de vingt marques. Condition sine qua none pour collaborer avec Ligne Nature : « Être validé par des labels fiables, reconnus pour le sérieux de leurs audits dans les usines. Ils y contrôlent les conditions de travail, la qualité des matières utilisées mais aussi des teintures appliquées. » La propriétaire de Ligne Nature s’entretient aussi avec les marques une à deux fois par an pour discuter des normes de productions appliquées.
Sortie d’une école de mode à Paris, l’ancienne styliste pour la marque Ethos affirme avoir toujours souhaité travailler pour une mode éthique, opposée à la fast-fashion. Du bon sens pour elle, au vu des conditions de travail délétères dans lesquelles travaillent les ouvriers des usines de production. Dans une enquête publiée le 29 juillet 2025, deux ONG accusent notamment Shein d’« exploitation organisée », dénonçant notamment des cadences infernales, des discriminations de genre et une absence de protection sociale. « Je ne veux pas participer à la sous-traitance ou proposer des produits nocifs. Mais honnêtement, on est très peu à fonctionner de la sorte à Strasbourg. La longévité de l’entreprise nous a aussi pas mal aidé, tandis qu’on voyait d’autres commerces du genre fermer leurs portes après deux ans seulement. »
L’entrée de gamme est fixée à 20 euros pour certains articles, tandis que d’autres peuvent voir leur prix monter à 340 euros. « Je me laisse surtout prendre par un coup de cœur dans ce genre de boutiques, précise Laura Rodriguez, autre cliente venue avec deux amies observer les pièces. Mais je trouve que ça reste plus cher que dans les autres boutiques comme Primark, je ne peux pas faire toute ma garde-robe ici. » Pour autant, les affaires issues de la mode jetable ont une durée de vie nettement inférieure, ce qui augmente les dépenses. Dans un rapport, Shein reconnaît elle-même que la plupart de ses vêtements sont portés moins de 30 fois par les acheteurs, les poussant alors à revenir et à surconsommer.
Moncef Arbadji
Édité par Augustin Brillatz.