Pour contester un décret qui fait baisser les marges sur la vente de génériques, plus de neuf pharmacies bas-rhinoises sur dix seront fermées ce 18 septembre. Un second signal fort qui traduit la fatigue d’une profession, après une première mobilisation en août.
Les clients soutiennent leurs pharmacies à travers des pétitions. © Jade Santerre
« Votre pharmacie est menacée », « l’État veut fermer vos pharmacies ». Sur la plupart des vitrines des officines strasbourgeoises, difficile de passer à côté de ces slogans. Une deuxième mobilisation après une première en août, déjà très suivie. Ce jeudi 18 septembre, près de 95 % des pharmacies du Bas-Rhin (90 % à Strasbourg) devraient participer, selon Claude Windstein, co-président du syndicat des pharmaciens du département.
Baisse des remises sur les médicaments génériques
Rue de la Première armée à Strasbourg, la pharmacie de la Licorne ne fait pas exception. Jeudi, elle baissera à nouveau le rideau. « Ce qu’on reproche, c’est de nous enlever, par la diminution de la remise, la capacité de fonctionner », déplore Stéphane Brozicevic, à la tête de l’officine. En cause, un arrêté adopté par le gouvernement début septembre qui veut réduire de 40 % à 30 %, puis à 20 % en 2027, les remises pour acheter les médicaments génériques auprès des laboratoires pharmaceutiques. Des remises pourtant essentielles pour les pharmaciens : « Ça permet de payer les charges, les salariés... Ça n’est pas superflu. »
La somme représenterait 30 000 à 50 000 euros par pharmacie, soit l’équivalent d’un salarié. « Certaines vont être amenées à fermer, à licencier... Aucune ne restera indemne », ajoute-t-il. En moyenne, une pharmacie par jour ferme en France. Avec la baisse de remises, le syndicat des pharmaciens du Bas-Rhin craint la suppression de 300 autres officines, principalement en zones rurales.
Sur les comptoirs de la pharmacie de la Licorne, des pétitions trônent à côté des articles en vente, pour tenter de changer la donne. Un appel auquel les clients répondent présents, en signant en nombre. Charlotte Maas, septuagénaire, vient tout juste de la signer. « Il doivent se défendre. J’aurais aimé accompagner le cortège, mais je n’en ai plus la force. » Bandage encore frais sur la main, elle insiste sur leur caractère essentiel : « Je viens juste de tomber, et je saigne vite. Je ne savais pas où aller et on s’est occupés de moi très gentiment. »
Jusqu’à 90 % des officines strasbourgeoises mobilisées
À une dizaine de minutes de marche, à la pharmacie de la Vierge, la croix verte sera aussi éteinte. « Entre la baisse des remises, les ruptures de stock, les tâches de plus en plus nombreuses... Il ne faut plus se laisser faire », s’agace Delphine Haan, la propriétaire. Sur les portes automatiques figurent à nouveau les affiches, témoins de la colère d’une profession. Même pour cette pharmacie, à deux pas de la place Kléber, les inquiétudes financières sont prégnantes. « Une de mes préparatrices en CDD termine fin septembre, et je n’ai pas renouvelé son contrat », regrette la pharmacienne, qui craint à terme de devoir mettre la clé sous la porte. Proche de la retraite, elle pense surtout aux nouvelles générations qui se lancent.
Un constat partagé par Stéphane Brozicevic : « On veut fermer un jour, pour ne pas fermer toujours ».
Jade Santerre
Edité par Laura Perrusson