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Data act : un accès aux données pas si évident


16 mars 2023

Le règlement sur les données ou « Data act », adopté par le Parlement européen, vise à créer un marché unique du digital. Dorénavant, les entreprises devront partager, sous certaines conditions, leurs données industrielles à qui en fera la demande. Mais difficile d’allier secret des affaires et intérêts des consommateurs.

« Toutes les entreprises devront se plier à cette règlementation, qu’elles soient des startups, des PME ou des multinationales. Il n’y a pas d’exceptions », a déclaré Thierry Breton, le commissaire européen au Marché intérieur, au Parlement européen. Ce mardi, l’institution a approuvé à une écrasante majorité son texte phare sur les données numériques.

Un enjeu pour la compétitivité et l’innovation

À l’heure où l’intelligence artificielle envahit notre quotidien et génère un nombre incalculable de données, l’Union européenne s’est saisie de cette question afin de réglementer leur partage, et de maximiser leur potentiel, notamment dans l’industrie. En effet, selon la Commission, « 80% des données industrielles sont sous-utilisées en Europe. Il est donc urgent d’optimiser ces outils ».

Le Data act a été adopté ce mardi à une large majorité au Parlement européen.
©Louise Rondel-Le Ninan

Pilar del Castillo Vera et Thierry Breton en conférence de presse de presse sur le Data act. 
© Alexis HAULOT, European Union 2023 - Source : EP

En facilitant le partage des données numériques entre entreprises privées, il sera désormais possible pour un grand nombre d’entre elles de comprendre leurs dysfonctionnements, de voir où elles peuvent améliorer leur processus de production, et donc d’être plus productives. Selon la rapporteure Pilar del Castillo Vera (PPE, droite), l’exploitation des données permettrait de générer « 270 milliards d’euros de PIB européen supplémentaire d’ici à 2028 ». L’Union européenne deviendrait alors davantage compétitive face aux Etats-Unis et à la Chine, qui réalisent déjà ce genre de pratiques.

Les consommateurs au cœur du projet

Avec ce texte, les entreprises privées sont maintenant dans l’obligation de partager les données aux utilisateurs qui en font la demande. « Par exemple, si la voiture connectée d’un consommateur tombe en panne, il pourra lui-même réclamer gratuitement les données pour les rendre accessible à un service de réparation indépendant, plutôt qu’au fabricant », explique Thierry Breton. « Donner ce pouvoir aux consommateurs dans un règlement est inédit, et pourrait placer l’Europe comme leader mondial sur le sujet », selon Dimitar Dimitrov, membre de Wikimedia.

La législation prévoit également le partage des données d’entreprises privées aux administrations publiques, mais uniquement en cas d’« urgence publique ».

L’obstacle du secret des affaires

Si les utilisateurs voient l’accès à leurs données élargi, les associations soulèvent un problème de taille. Les entreprises peuvent imposer des « clauses contractuelles », des « accords de confidentialité », ou encore de « protocoles d’accès stricts », ce qui rend la demande de données numériques fastidieuse pour les utilisateurs. Maryant Fernandez, conseillère au Bureau européen des unions de consommateurs (Beuc) explique : « le Data Act donne beaucoup d’excuses aux entreprises pour ne pas fournir les données, que ce soit le secret des affaires, ou un algorithme trop compliqué. Le consommateur peut même être renvoyé à une autre entreprise, et il doit alors reformuler sa demande. Les délais d’attente deviennent insupportables ».

Autre problème resté sans solution dans le Data Act pour Alexandra Geese (Les Verts, écologistes) : l’énergie que nécessite le stockage des données, et son impact environnemental. Elle réclame une prise en compte de cette consommation, dans l’optique du Green Deal, qui vise à adapter les politiques de l’Union européenne en matière d’énergie. « Le texte est faible en termes de politiques climatiques. On a besoin d’une numérisation plus intelligente pour sauver la planète. »

Louise Rondel-Le Ninan
Éva Pontecaille

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