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Le débat sur une défense européenne fait son grand retour


10 mars 2022

Avec la guerre en Ukraine, l’UE est au pied du mur. L’invasion russe a fait valser toutes les convictions européennes en matière de défense. Le sujet est revenu au cœur des débats et pour une majorité de parlementaires, il est temps de s’accorder sur une politique de sécurité commune et coordonnée, face à la menace russe. 

« L’heure est venue de nous doter d’une Union de la Défense digne de ce nom ». Il y a encore quelques semaines, une telle déclaration de la part de la présidente du Parlement européen aurait été impensable. C’est pourtant ainsi que Roberta Metsola a ouvert le débat sur le nouveau rôle de l’Union européenne au cœur de la crise actuelle, ce mercredi 9 mars à Strasbourg. « Le conflit en Ukraine a fait voler en éclat le monde tel que nous le connaissons », a renchéri la présidente. Et pour cause, deux semaines après les premiers assauts russes, les débats ont été plus que jamais monopolisés par l’idée d’une politique commune de défense européenne. 

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La première ministre estonienne, Kaja Kallas, à la tribune ce mercredi matin. Les eurodéputés l'ont applaudi de longues minutes. © European Union 2022 - Source : EP

Une défense à 27, rêve ou réalité ? 

Le déclenchement de la guerre en Ukraine a soudainement poussé l’UE à prendre des décisions historiques. 450 millions d’euros ont été débloqués dans le but d’acheter et de fournir des armes à l’Ukraine, mettant fin au « tabou voulant que l’Union ne fournisse pas d’armes à des belligérants », selon les mots de Josep Borrell, le chef de la diplomatie européenne, lors de la session extraordinaire du 27 février.

Jusqu’alors, la protection militaire en Europe était assurée par les États-Unis, à travers l’OTAN. Aujourd’hui, la menace russe pèse sur des pays de l’Union non-membres de l’alliance nord-atlantique, tels que la Finlande et la Suède.

Pour Alviina Alametsä (Verts/ALE), députée membre de la commission sécurité et défense, « l’Europe a une analyse géopolitique différente. » Pour elle, comme pour la Première ministre estonienne Kaja Kallas, l’Europe de la défense ne doit pas être un clone de l’OTAN, mais une construction coordonnée particulière à l’Union qui devra « travailler main dans la main » avec l’Organisation transatlantique. Au sortir des débats, ce sont en effet des actions au niveau national qui semblent privilégiées : « nous devons nous protéger nous mêmes en accroissant de manière significative nos budgets de défense », plaide Nathalie Loiseau (Renew, libéraux). 

Un front uni, mais des divergences internes

Symbole de cette prise de conscience, l’Allemagne a annoncé le dimanche 27 février augmenter à 2% la part de son budget alloué à sa défense. Une décision emblématique qualifiée « d’inimaginable jusqu’ici » par la Première ministre estonienne Kaja Kallas, invitée d’honneur au Parlement européen.

Si les différents groupes politiques ont affiché un front uni contre la Russie, de nombreux députés appellent à une révision de l’idée de défense commune. Chaque groupe a sa vision bien spécifique de ce concept, certains allant jusqu’à le refuser complètement. Le PPE et Renew plaident pour une organisation stratégique : « Nous savons ce qui nous fait défaut », a affirmé Arnaud Danjean (PPE, centre-droit), lors du débat du mercredi 9 mars. « Ce qui a manqué, ce ne sont pas des outils, mais la volonté politique de la part de nos États membres. » Pour les Verts, l’urgence est de sortir de la dépendance face au gaz russe, à travers les énergies renouvelables. L'extrême gauche (La Gauche) plaide, à contrario, pour un désarmement, à travers l’intervention de Martin Schirdewan : « Ce n’est pas par l’armement et la violence que notre monde deviendra plus sûr ». 

Pour pouvoir s’accorder sur une politique de sécurité commune, il faut d’abord que l’UE « décide quelles sont les menaces qui pèsent sur elle », explique ​​Rasa Juknevičienė, (PPE, centre-droit), vice-présidente de la commission sécurité et défense au sein du Parlement européen. L’ancienne médecin file la métaphore médicale : « pour avoir les bons instruments afin de préserver la paix, il faut d’abord un diagnostic précis des dangers. » Aujourd’hui, il est simple : la Russie est une menace pour la famille européenne. Pour arriver à construire cette politique de défense commune et ressortir renforcés de cette crise, les États membres devront « rester unis jusqu’à la fin », résume Rasa Juknevičienė.

Emilie Autin et Isalia Stieffatre

L’Estonie plaide pour une politique européenne commune de défense

 

Elle était l’invitée attendue et remarquée de cette semaine européenne à Strasbourg. La première ministre estonienne Kaja Kallas a présenté sa vision de la crise actuelle et ses espoirs pour le futur de l’Union européenne ce mercredi 9 mars, face aux députés rassemblés dans l’hémicycle. Sans surprise, ses premiers mots ont été pour le peuple Ukrainien et pour sa « résistance acharnée » face à cet « acte d’agression militaire pur » que représente l’invasion du pays par Vladimir Poutine. Mais plus qu’un simple message d’unité, c’est un appel au changement que la première ministre d’Estonie est venue porter. Un changement en matière de politique européenne de défense. « Le 24 février, le monde a changé », a-t-elle lancé aux parlementaires. « Cette crise a déclenché une période d’insécurité sur notre continent, que nous n’avions pas connu depuis 1939. Notre monde ne va pas revenir au status quo. Il y aura un avant et un après. » En tant que représentante d’un pays frontalier de la Russie, Kaja Kallas incarne les dangers qui pèsent directement sur l’UE. Les pays Baltes, dont fait partie l’Estonie, sont intégrés à l’OTAN : une attaque directe de la Russie sur leur territoire déclencherait un intervention de l’alliance, et donc la guerre. Si elle ne se dit pas inquiète pour son pays, Kaja Kallas s’avoue plus préoccupée par la situation de la Finlande ou de la Suède, qui ne font pas partie de l’OTAN. D’où l’importance de construire une organisation complémentaire à l’alliance nord-atlantique : « Il faut trouver un consensus, au sein de l’UE, en termes de défense ».

Isalia Stieffatre

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