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Accueil des réfugiés en Europe : deux poids, deux mesures


10 mars 2022

Manifestation en soutien à l'Ukraine à Riga en Lettonie. © European Union 2022 - Source : EP

Face à l’arrivée massive de réfugiés ukrainiens, le Parlement européen est unanime pour apporter des solutions concrètes à ceux qui fuient la guerre. Mais pour certains, le double standard entre les réfugiés européens et les autres est intolérable.

Depuis l’invasion russe de l’Ukraine, près de deux millions de personnes ont fui leur pays en quête d’un asile sur le sol européen. Au total, l'Organisation des Nations unies (ONU) s’attend à l’arrivée de plus de quatre millions de réfugiés. En réponse à cet afflux migratoire massif, le Parlement européen a voté pour l’activation d’un dispositif européen d’accueil des exilés, la protection temporaire d’urgence. Ce dispositif fait tomber les barrières administratives pour permettre aux Ukrainiens d’accéder à l’emploi, à l’école, au logement et même aux aides médicales une fois sur le territoire d’accueil, et ce pour une période initiale d’un an, renouvelable deux fois pour six mois.

Un changement d'époque

Mardi 8 mars, dans l’hémicycle, les députés européens étaient unanimes pour dire que l’activation de cette protection temporaire d’urgence est une bonne chose. Comme l’a expliqué le président de la Commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures, le député européen Juan Fernando López Aguilar (S&D, social-démocrate) c'est une étape majeure pour la question de la migration dans l’UE, auparavant réticente à l’accueil des réfugiés : « En dix jours, il y a eu un tournant, un changement d’époque, une accélération dans les réactions européennes. L’UE est confrontée à un vrai changement de paradigme. » Ce qui se remarque particulièrement dans les politiques de la Pologne et la Hongrie, premières destinations des migrants ukrainiens. Il y a encore quelques semaines, ces deux pays étaient accusés de refouler les réfugiés à leurs frontières. Aujourd’hui, ils se revendiquent terres d’accueil pour les Ukrainiens : près d’1,3 million de personnes ont passé la frontière polonaise et plus de 200 000 celle de la Hongrie.

« Bons » et « mauvais » réfugiés

La protection temporaire d’urgence a été créée en 2001, peu après le conflit en ex-Yougoslavie. C’était la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale que l'Europe était confrontée à des déplacements massifs de personnes résultant d'un conflit en son sein. Elle n’avait jamais été activée depuis. Pour certains, cela trahit une sélection raciste entre les réfugiés. « En 2015, alors qu’il y avait eu aussi plus d’un million de Syriens, on ne l’a pas utilisée. C’est une très bonne directive mais elle n’est appliquée qu’aux blancs non-musulmans », explique l’eurodéputé Damien Carême (Verts/ALE). D’autres ne se cachent pas de faire cette distinction entre « bons » et « mauvais » réfugiés. C’est le cas des députés du groupe d’extrême-droite Identité et Démocratie. Pour eux, les Ukrainiens sont de « vrais réfugiés » qui partagent avec eux « un continent, une culture, une religion catholique ».

Cette dissemblance se ressent aussi dans le traitement médiatique de la crise. « On ne parle pas “d’appel d’air” mais “d’élan de générosité” », explique Paola Pietrandrea, professeure de linguistique à l’Université de Lille. « Cette différence s’explique peut-être parce que c’est une population qui est plus proche de nous géographiquement. »

La députée Saskia Bricmont (Verts/ALE) espère que cette protection temporaire d’urgence « sera érigée comme modèle. L’accueil s'organise et c’est la preuve par A+B que c’est possible ». Une position partagée par Marie-Christine Vergiat, vice-présidente de la Ligue des droits de l’Homme et ancienne députée européenne. Selon elle, il est nécessaire « d’accueillir tout le monde quel que soit le statut, l’origine, la couleur de peau, la religion. On fuit une guerre, point. J'espère que l’on tirera les conséquences de ce qui se passe en Ukraine ».

Louison Fourment et Léna Sévaux

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