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Passe d’armes sur la pêche à Bruxelles


12 mars 2021

Après de vifs débats, de nouvelles mesures de réglementation de la pêche ont été adoptées au Parlement européen. Les députés ont largement amendé les propositions initiales de la Commission européenne.

Le Parlement européen a adopté, mercredi 10 mars, une nouvelle législation dans le cadre de la Politique Commune de la Pêche (PCP). Celle-ci vise à mieux répondre aux exigences économiques et environnementales de l’Europe. L'eurodéputé espagnole Clara Aguilera (S&D - sociaux-démocrates), rapporteure du texte, explique : « Il faut améliorer la traçabilité des produits halieutiques pour que les consommateurs puissent faire le choix d’une pêche durable. Pour cela, il faut accentuer les contrôles. » Dans cette optique, le texte initial de la Commission européenne proposait de renforcer sensiblement les outils d’inspection : caméras de surveillance embarquées, géolocalisation, journaux de bord électroniques ou encore pesée plus stricte des prises. Les eurodéputés l’ont finalement allégé pour, selon eux, ne pas sanctionner de manière "disproportionnée" les pêcheurs.

Les caméras embarquées, Big Brother ?

Le premier sujet clivant : l’installation obligatoire de caméras de surveillance sur les navires. Le groupe d’intérêts des entreprises de pêche Europêche a fermement condamné le recours à cette technologie. Des députés d’ECR (conservateurs) et du PPE (centre-droit) l’ont qualifiée de surveillance déraisonnée à la « Big Brother » et l’ont accusée de criminaliser les pêcheurs.

L’eurodéputée belge Caroline Roose (Les Verts) regrette ces critiques. « Nous ne voulons pas filmer les pêcheurs pour surveiller leur personne. Nous voulons relever la géolocalisation des navires pour nous assurer qu’ils respectent les aires maritimes protégées. Nous ne sommes pas contre les pêcheurs, au contraire. Nous nous battons pour préserver la biodiversité et les stocks parce que s’il n’y a plus de poissons, il n’y a plus de pêcheurs » explique l’élue. Finalement, les députés ont tranché pour que l’installation de ces caméras se fasse sur une base volontaire et incitative. Elle pourra néanmoins être rendue temporairement obligatoire après deux infractions aux règles de la PCP.

Un vote très serré sur les marges de tolérance

Autre point de discorde : les marges de tolérance. Les pêcheurs doivent estimer et recenser leurs prises en mer. Au débarquement des bateaux, si le poids déclaré ne correspond pas à celui des poissons effectivement capturés, les pêcheurs sont en infraction. Il y a cependant une marge de tolérance de 10 %. Cette marge a finalement été augmentée par amendement à 20 % par les eurodéputés, à l'issue d'un vote très serré.

Les Verts considèrent que cette hausse favorisera la sous-déclaration des captures, mettant ainsi en danger la bonne gestion des stocks des produits de la mer. A contrario, l’eurodéputé français François-Xavier Bellamy (PPE), en faveur de cet amendement, explique que cette concession ne concerne que la pêche légale, qui selon lui, ne met pas en danger les réserves. « C’est contre la pêche illégale qu’il faut engager un bras de fer. En fragilisant la pêche européenne par d’innombrables contraintes, on favorise les importations venant de pays qui ne respectent pas nos règles. » Le commissaire européen à l’environnement, aux océans et à la pêche, Virginijus Sinkevičius, a pour sa part regretté que l’amendement sur les marges de tolérance « efface 40 ans de réglementations et d'améliorations successives ».

Les États Membres devront prochainement se prononcer à leur tour sur la portée de ces nouvelles règles pour la pêche. 

Eléonore Disdero

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