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Une pratique assagie

À mesure que les artistes se tournent vers la légalité, les murs du quartier de la gare revêtent de nouvelles couleurs, plus sages, plus “propres”. Comme le grand éléphant de la rue Déserte, casquette rouge sur la tête, chaîne en or autour du cou et bombe de peinture à la main, signé par l'incontournable Jaek El Diablo. Selon Mesk1, “le quartier a été transformé dans le sens où les acteurs ont aussi changé. Moi, quand j’y peignais beaucoup, il n'y avait pas vraiment de fresque street art, il n’y avait pas Julien Lafarge qui avait engagé des actions avec la mairie de Strasbourg.” Julien Lafarge est le créateur de Colors, un collectif et festival d’art urbain lancé en 2018, qui invite des street artistes à décorer les murs de la ville.

© Émie Stervinou

Mesk1 a lui aussi quitté la clandestinité. Depuis son atelier toulousain où patientent ses peintures à l’huile inachevées, il témoigne des “années du quartier Gare”, à Strasbourg, avec nostalgie : “Il y avait beaucoup plus de mixité culturelle [qu’ailleurs]. Et plus il y a de la mixité, moins il y a d'appropriation d’un espace.” Pour lui, entre absence de surveillance et manque de nettoyage, toutes les conditions étaient réunies pour favoriser la pratique du graffiti dans le quartier. Il raconte que c’est le seul endroit où les vandales pouvaient peindre les rideaux de fer des boutiques sans se faire effacer.

Avec le Port-du-Rhin, le quartier de la gare est depuis longtemps le repaire des vandales. SekuOuane y a graffé à ses débuts dans les années 2000 avant de se tourner vers une pratique plus professionnelle. “C'est un secteur de passage. C'est une question de visibilité. Plus t'es proche des autoroutes et de la voie ferrée, plus tu vas avoir une concentration du graffiti”, précise-t-il. 

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Chaque jour, près de 60 000 voyageurs transitent par la gare strasbourgeoise. © Océane Caillat 

“Vous arrivez dix ans trop tard”, déplore Wise, graffeur à Strasbourg depuis une vingtaine d’années. Pour lui, la scène strasbourgeoise est morte, les vandales ne se font plus voir. L’artiste aux 17 000 followers sur Instagram a beaucoup posé son blaze illégalement sur les murs de la ville. Aujourd’hui, sa signature colorée tout en courbes orne la chambre 105 du Graffalgar. Dans les autres pièces de cet hôtel fondé en 2014, les visiteurs profitent des œuvres de différents artistes professionnels, surtout strasbourgeois. 

 

QPV : le cas de la Laiterie

 

En 2015, les Zones franches urbaines (ZFU) ont laissé place aux Quartiers prioritaires de la ville (QPV). L’objectif d’un tel classement est de décloisonner un quartier marginalisé et défavorisé. Pour pallier le manque d’attractivité d’un QPV, trois grands axes de travail sont privilégiés : cohésion sociale, développement économique et renouvellement urbain.

La Laiterie fait partie des 18 QPV que compte l’Eurométropole. Situé au sud du quartier Gare, ce secteur a pour particularité d’être un QPV de petite taille (13 ha pour 3500 habitants), marqué par une forte précarité et un manque d’ancrage de sa population.

Prisé des graffeurs depuis toujours, le quartier Gare accueille aujourd'hui des fresques subventionnées par la ville. Ce qui génère des tensions entre les différents artistes à la bombe.

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Rozenn Droual, en service civique, présente aux participants les différents clichés pris à l'instant © Julie Arbouin

Le lieu a été plutôt bien fréquenté cet été mais les visiteurs se font désormais plus rares. Avec l’éviction de l’ancienne cuisinière Adama, l’égérie du Wagon Souk, à la suite d’un conflit avec Mohammed Zahi, c’est la pérennité de la structure qui est menacée. “Ce n’est pas le rêve américain ici”, regrette le président de l’association qui envisage de fermer et de se délocaliser à Marseille.

Mathilda Idri et Anis Boukerna

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